Depuis plusieurs années - l’introduction des serveurs haute densité de Seamicro en 2009 en fait - les puces ARM tentent de percer sur le marché des serveurs. Des supercalculateurs et des fournisseurs de services cloud ont également misé sur ces puces, moins performantes que les séries Intel Xeon ou AMD Epyc, mais beaucoup plus économe en énergie. Le chinois Huawei, confronté à l’embargo américain sur les logiciels et les composants, développe également une gamme de serveurs et une ligne de baies de stockage reposant sur ses puces ARM64 Kunpeng 920 associée à sa distribution Linux EulerOS. Mais on ne sait pas encore si Huawei pourra imposer ce que ni SeaMicro, ni Dell, ni HPE (Moonshot) et ni Lenovo avec Nextscale n’ont réussi avec leurs serveurs ARM (32 et 64 bits). La donne est toutefois en train de changer avec les initiatives d’Amazon (Graviton 2) et la start-up Nuvia qui poussent également ARM sur les serveurs.
L’arrivée de la puce Altra avec 80 coeurs (3 GHz en mode turbo), développée par Ampere Computing avec le concours d’Applied Micro, risque peut-être de changer la donne. Disponible en mono (serveur Snow) et bisocket (Serveur Jade), ce processeur gravé en 7 nm et de type SoC consomme 210W, ce qui n’en fait pas vraiment puce basse consommation. Chaque coeur Altra (ARMv8.2+) dispose d’une mémoire cache L1 de 64 Ko et L2 de 1 Mo, tandis que l'unité centrale est soutenue par une cache L3 de 32 Mo. Les 80 cœurs de la puce sont liés via une interface de maillage cohérente, mais Ampere ne livre pas de détail sur cette architecture et certaines explications semblent fumeuses.
La puce Ampere Altra reprend le design de la microarchitecture ARMv8.2+.
Des performances à valider
La plateforme Altra supporte jusqu’à 8 canaux de RAM DDR4-3200 par puce (4TB de mémoire supportée par socket). Comme l'Epyc, elle offre 128 lignes PCIe 4.0 par processeur et en utilise 32 pour une connexion socket à socket dans une configuration à deux voies, ce qui permet d'avoir 224 lignes PCIe dans un système bisocket. Ce qui est particulièrement intéressant pour les solutions de stockage exploitant le protocole NVMe. De son côté, Intel plafonne toujours à 48 lignes avec ses derniers Xeon Scalable Cascade Lake Refresh.
De type deux voies, le serveur Ampere Jade supporte jusqu'à 224 lignes PCIe 4.0. (Crédit Ampere)
Les deux serveurs proposés par Ampere, mono socket avec le modèle Snow 1U et b-socket avec le Jade 2U, sont actuellement évaluées par les fournisseurs de services cloud. Seul bémol, la start-up ne fournit pas encore de tarif pour ses serveurs ce qui rend difficile la comparaison avec les solutions x86 du marché (Dell, HPE, Lenovo ou Supermicro). La firme est par contre beaucoup plus expansive au sujet des estimations des performances de ses produits. La puce Altra avec 80 coeurs surpasserait un processeur AMD Epyc 7742 et même le Xeon Platinum 8280. Au-delà des bonnes performances, qui devront être validées par un organisme indépendant, il est également nécessaire de s’intéresser à l’écosystème logiciel, OS et compilateur, et là Ampere peut compter sur le soutien d’ARM qui a beaucoup investi sur Linux et la parallélisation. La bataille est toutefois loin d’être gagnée et le premier marché des serveurs Ampere sera celui des services clouds qui peuvent exploiter au mieux les capacités de ces machines.
Les performances avancées par Ampere pour sa puce Altra sont à considérer avec prudence.
Soutien financier d'Oracle
Rappelons pour conclure, qu'Oracle a investi 40 millions de dollars dans Ampere Consulting. Ce financement s’est déroulé en avril dernier et représentait moins de 20% des actions en circulation de la société. A noter qu’en parallèle de cette annonce, la CEO d’Ampere Consulting, Renée James, a été nommée au conseil d’administration d’Oracle. La responsable n’est pas une inconnue, elle a passé 28 ans chez Intel où elle a occupé le poste de présidente de 2013 à 2016. Depuis 2015, elle était au conseil des directeurs d’Oracle.