« Un coup de pub ». C'est ainsi qu'Oracle qualifie le procès que lui fait HP pour avoir décidé d'arrêter le support de ses logiciels pour les processeurs Itanium d'Intel. Dans un document transmis hier au tribunal du comté de Santa Clara (Californie), la société de Larry Ellison détaille sa position. Il voit dans cette plainte un moyen de lui faire porter le chapeau pour les perturbations qui seront engendrées lorsque les serveurs HP à base d'Itanium arriveront inévitablement en fin de vie.
Oracle estime que HP s'est mis lui-même dans une position difficile, et a engagé à sa suite des milliers de clients, en s'accrochant, de façon assez isolée désormais, à une architecture de microprocesseur qui n'a pas d'avenir. « Cela fait des années qu'Intel veut arrêter la production de l'Itanium et HP le sait », peut-on lire dans le document transmis au tribunal. Selon lui, HP perpétue le mythe de l'Itanium bénéficiant d'une feuille de route sur dix ans et attaque Oracle pour avoir eu « l'audace de dire la vérité aux clients ». Il demande en outre à la cour de rejeter la requête de HP de ne pas communiquer les éléments du dossier. A l'inverse, il estime pour sa part que le contentieux doit être révélé au grand jour.
Il n'existe pas d'accord sur la base de données
Dans sa plainte, le constructeur californien considère que la décision d'Oracle d'arrêter le support d'Itanium contrevient  aux engagements pris entre les sociétés et fait partie d'un plan visant à pousser les clients de HP vers les propres serveurs d'Oracle. Le groupe de Redwood, au contraire, affirme qu'il n'existe aucun accord de ce type. Dans le document qu'il vient de transmettre à la cour, il indique que la principale allégation dans ce dossier -qui selon lui a été « vendu agressivement à la presse »- est que HP a un contrat avec Oracle garantissant que ce dernier développera de nouvelles versions de sa base de données (et apparemment de tout ce qu'il fait d'autre) pour les systèmes à base d'Itanium du constructeur. « Un contrat aussi important, s'il existait, aurait à l'évidence été sérieusement négocié et très documenté », souligne Oracle. Il ajoute que ce contrat comporterait dans ce cas des obligations de délais et de paiement et toutes les autres caractéristiques liés aux accords commerciaux tels qu'ils sont négociés en réalité. Or, poursuit-il, il n'y a pas d'accord pour porter la base d'Oracle sur Itanium.
Selon le point de vue d'Oracle, l'accord auquel HP se réfère correspondrait à la réaffirmation de la coopération entre les deux groupes après la résolution d'un procès engagé contre Mark Hurd, l'ex-PDG du constructeur, devenu depuis co-président d'Oracle. Dans le communiqué de presse publié à ce moment-là , les deux sociétés avait réaffirmé leur partenariat stratégique de longue date et leur engagement à fournir les meilleurs produits et solutions à leurs 140 000 clients communs. « HP ne peut pas sérieusement prétendre que cette déclaration de partenariat non contractuelle lui garantit de façon perpétuelle de nouvelles versions des logiciels d'Oracle. »
Un peu plus loin dans le document transmis à la cour, Oracle signale que dix jours après cette déclaration commune, HP a recruté, au poste de CEO, Léo Apotheker qui fut auparavant le PDG de SAP, principal concurrent de l'éditeur. Ce faisant, poursuivent les avocats du défendeur, le constructeur savait que cette embauche affecterait la notion de partenariat avec Oracle.
Une demande jugée déplacée, « explicitement rejetée »
Pendant le conflit impliquant Mark Hurd, HP avait demandé à Oracle de s'engager à supporter toutes les versions en cours de ses systèmes d'exploitation HP-UX tournant sur des serveurs à base d'Itanium, pour les versions les plus appropriées de sa base de données, de ses produits middleware et de ses applications. « Oracle avait explicitement rejeté la demande considérant qu'elle était vraiment déplacée dans ce contexte », précise encore l'éditeur.
Illustration : le document communiqué par Oracle au tribunal de Santa Clara / Larry Ellison, PDG d'Oracle (crédit : D.R.)[[page]]La demande de confidentialité de HP sur sa plainte, qui porte spécifiquement sur la réalité de l'accord avec Mark Hurd, évoque un McCarthyism d'une autre époque, considère Oracle. Ce dernier fait ici référence au sénateur Joseph McCarthy, célèbre pour les interrogatoires qu'il avait fait subir aux citoyens américains soupçonnés de sympathie pour le Parti Communiste. Pour l'éditeur, HP cherche à « protéger » des engagements qui n'existent pas.
Cela dit, il existe bien un accord sur Itanium, mais HP n'en fait nulle part mention, poursuit Oracle dans son document. Cet accord, initialement signé en 2006, porte sur la suite logicielle E-Business (l'ERP). Il fait apparaître un arrangement commercial dans lequel HP a payé plusieurs millions de dollars à Oracle... pour que ce dernier porte uniquement certaines de ses applications (et encore, pas toutes). Selon la firme de Redwood, il n'y est fait aucune mention du portage de la base de données ni d'autres produits vers HP-UX sur Itanium.
Larry Ellison s'était entretenu avec Intel
Un peu plus tôt cette année, Oracle s'est entretenu avec des responsables d'Intel au sujet de l'Itanium, à propos de sa machine Exadata qui tourne sur des processeurs Xeon. « L'incroyable performance de ce serveur a convaincu Larry Ellison que les systèmes à base de Xeon pouvaient faire tout ce que faisaient les serveurs à base d'Itanium ». Le PDG a alors indiqué à un dirigeant d'Intel (non cité) qu'Oracle sentait que le moment était venu de concentrer ses développements logiciels sur les systèmes Xeon et plus sur l'Itanium. La réponse fut que le changement auquel se préparait Oracle correspondait exactement à ce qu'il fallait faire et correspondait aux propres plans d'Intel.
Conséquemment, Larry Ellison en conclut que même si Intel n'avait pas annoncé formellement la fin de vie de l'Itanium, probablement parce que HP ne souhaitait pas qu'il le fasse, cette fin de vie devait probablement intervenir quelques années plus tard. « Dans le cas contraire, les responsables d'Intel auraient, pour le moins, avancé quelques arguments pour inciter Oracle à poursuivre son support », relatent encore les avocats d'Oracle dans le document adressé au tribunal de Santa Clara.
Intel réitère son engagement sur Itanium
Intel n'a pas prévu de laisser tomber l'Itanium prochainement, a indiqué hier un porte-parole d'Intel. « Nous n'avons pas modifié ce que nous avons dit en mars concernant notre engagement sur l'Itanium. Le travail se poursuit les processeurs Itanium pour plusieurs générations à venir, a-t-il précisé. Nous n'allons pas laisser leur conflit affecter la feuille de route de notre produit ».
Oracle indique encore dans son document que, contrairement à ce qu'a avancé HP, il n'a pas l'intention de lâcher ses clients utilisant l'Itanium. « Toutes les versions des logiciels Oracle pour la plateforme Itanium continueront à être supporter dans les années à venir ». A ce sujet, la société de Larry Ellison a déclaré « sans fondement » les allégations de HP selon lesquelles il aurait refusé à des clients Itanium de corriger des bugs sur les produits qu'ils utilisaient.
Contacté hier par nos confrères d'IDG News Service, HP n'avait pas encore réagi à cette communication au moment de la publication de cet article.
Affaire Itanium : avec culot, Oracle dénonce un coup de pub de HP
Dans le différend juridique qui l'oppose à HP sur l'abandon du support des versions Itanium de ses logiciels, Oracle souhaite que l'affaire soit publiquement exposée. Selon lui, la confidentialité demandée par le constructeur vise à masquer l'absence d'accord explicite sur la question.