L'équipementier Faurecia vient de perdre la dernière étape de son affrontement avec l'éditeur Oracle. Le 29 juin 2010, la Cour de Cassation a rendu un arrêt en session plénière, donc définitif, rejetant la responsabilité d'Oracle au delà de sa clause limitative contractuelle, arrêt qui vient d'être communiqué aux parties. Ainsi se termine une saga d'une dizaine d'années qui doit interpeller tous les DSI dans leurs rapports avec les grands éditeurs de logiciels. Le coût d'un projet n'est effectivement que marginalement constitué de licences. Une implémentation entraine des coûts dont le remboursement en cas d'échec est soumis à des limitations désormais validées par la Cour de Cassation. En effet, sur un préjudice total estimé à 70 millions d'euros par son client, l'éditeur n'a eu à rembourser que le montant effectivement versé des licences, soit 230 000 euros, ce qui ne représentait pas le prix total prévu en fin de projet.
Abandon de projet en rase campagne
Au départ, l'éditeur s'était engagé à adapter son PGI aux exigences propres au secteur automobile, notamment européen, en développant une version dite « Automotive » du PGI d'Oracle, version 11, en partenariat avec son premier client Faurecia et le cabinet Deloitte. Cette adaptation devait être disponible dans la version 12 du PGI. Or Oracle n'a pas sorti de version 12 « Automotive » mais une version 11i dont les caractéristiques ne convenaient pas à Faurecia. Faute de s'entendre avec Oracle, Faurecia a alors décidé d'interrompre son projet. Chaque partie a, dès lors, accusé l'autre d'avoir rompu le contrat, soit en ne réalisant pas les développements prévus, soit en refusant la version 11i Automotive.
Crédit photo : Faurecia/Patrick Galabert
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L'objet du litige était dès lors de savoir si la responsabilité d'Oracle devait se limiter au montant effectivement perçu des licences, comme prévu au contrat et accepté par chaque partie, ou couvrir l'intégralité du préjudice subi par le client en lien avec l'ensemble des frais connexes du projet. « Le montant calculé du préjudice, les 70 millions d'euros en question, ne reposait pas sur des bases très tangibles » tempère cependant Rémy Bricard, avocat du cabinet Baker et Mc Kenzie, défenseur d'Oracle en collaboration avec Anne Dumas-L'Hoir et Nicolas Quoy. Faurecia avait choisi de financer l'acquisition du produit à crédit et a interrompu ses versements dès le début de la brouille. Lors de la rupture définitive, qui se traduisait juridiquement par la résolution du contrat de licence, Oracle a remboursé les montants perçus et a refusé d'engager sa responsabilité au delà .
Revirement de jurisprudence
« Au travers notamment des arrêts Chronopost, la jurisprudence avait établi que la clause limitative de responsabilité n'était pas opposable dès lors que l'objet même du contrat, une clause essentielle, était en cause, ce qui est conforme à ce qui se fait dans la plupart des pays étrangers, via des justifications comme la bonne foi » stipule Guillaume Forbin, du cabinet Altana, défenseur de Faurecia. Une autre théorie est de vérifier que l'indemnisation est proportionnée aux enjeux du contrat. Le communiqué du cabinet Baker et Mc Kenzie, souligne au contraire qu'il y avait, dès l'origine, une répartition du risque sur un projet dont l'issue n'était pas certaine, répartition matérialisée par une ristourne importante, et que, malgré tout, « la limitation de responsabilité qui en résultait n'était pas dérisoire », citant la Cour. Selon Faurecia, la ristourne en question n'avait rien d'inhabituelle pour un éditeur comme Oracle.
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Pour Rémy Bricard, « la clause limitative de responsabilité n'est pas une mauvaise habitude. Elle permet de réduire les risques, qu'il faudrait bien assurer, donc de réduire les coûts d'assurances, coûts qui seraient répercutés d'une façon ou d'une autre sur le prix facturé au client. Cette réduction de risque permet aussi à de petits acteurs, notamment de petites SSII, d'intervenir sur de gros contrats sans se mettre en péril. »
L'avocat de l'éditeur revient sur le long chemin judiciaire du litige qui a duré une dizaine d'années : « au premier degré, le tribunal de commerce de Nanterre avait donné raison à Oracle en validant la clause de limitation de responsabilité. La Cour d'Appel de Versailles avait rendu une décision peu claire. Le premier arrêt de Cassation, en chambre commerciale, avait créé une incertitude juridique autour de la validité des clauses de limitations de responsabilité. Mais la Cour d'Appel de Paris, dont la décision a été validée par la session plénière de la Cour de Cassation, a rétabli la liberté contractuelle et remis les pendules à l'heure. »
Liberté contractuelle ou responsabilité illimitée sur les clauses essentielles
Pour Guillaume Forbin, défenseur de Faurecia, « il n'est pas sûr que cet arrêt soit une bonne nouvelle pour les éditeurs ou pour qui que ce soit. En effet, il constitue un revirement de jurisprudence par rapport aux arrêts Chronopost et même par rapport au premier arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation sur l'affaire Faurecia/Oracle et introduit donc une importante incertitude juridique sur les clauses limitatives de responsabilité. L'arrêt est ici mêlé de faits [la Cour de Cassation ne juge que le droit et pas les faits, NDLR] et va donc poser des problèmes dans la rédaction des futurs contrats pour éviter un tel combat judiciaire. »Â
Bien évidemment, la position de Rémy Bricard est inverse : « dans un contexte de compétition internationale, la jurisprudence vidant de sa substance la clause de limitation de responsabilité incitait, lorsque c'était possible, à placer le contrat sous un droit étranger. La décision de la session plénière de la Cour de Cassation renforce la sécurité juridique en rétablissant la liberté de négociation contractuelle, notamment sur le plafond de la responsabilité. »
Abandon de projet en rase campagne
Au départ, l'éditeur s'était engagé à adapter son PGI aux exigences propres au secteur automobile, notamment européen, en développant une version dite « Automotive » du PGI d'Oracle, version 11, en partenariat avec son premier client Faurecia et le cabinet Deloitte. Cette adaptation devait être disponible dans la version 12 du PGI. Or Oracle n'a pas sorti de version 12 « Automotive » mais une version 11i dont les caractéristiques ne convenaient pas à Faurecia. Faute de s'entendre avec Oracle, Faurecia a alors décidé d'interrompre son projet. Chaque partie a, dès lors, accusé l'autre d'avoir rompu le contrat, soit en ne réalisant pas les développements prévus, soit en refusant la version 11i Automotive.
Crédit photo : Faurecia/Patrick Galabert
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L'objet du litige était dès lors de savoir si la responsabilité d'Oracle devait se limiter au montant effectivement perçu des licences, comme prévu au contrat et accepté par chaque partie, ou couvrir l'intégralité du préjudice subi par le client en lien avec l'ensemble des frais connexes du projet. « Le montant calculé du préjudice, les 70 millions d'euros en question, ne reposait pas sur des bases très tangibles » tempère cependant Rémy Bricard, avocat du cabinet Baker et Mc Kenzie, défenseur d'Oracle en collaboration avec Anne Dumas-L'Hoir et Nicolas Quoy. Faurecia avait choisi de financer l'acquisition du produit à crédit et a interrompu ses versements dès le début de la brouille. Lors de la rupture définitive, qui se traduisait juridiquement par la résolution du contrat de licence, Oracle a remboursé les montants perçus et a refusé d'engager sa responsabilité au delà .
Revirement de jurisprudence
« Au travers notamment des arrêts Chronopost, la jurisprudence avait établi que la clause limitative de responsabilité n'était pas opposable dès lors que l'objet même du contrat, une clause essentielle, était en cause, ce qui est conforme à ce qui se fait dans la plupart des pays étrangers, via des justifications comme la bonne foi » stipule Guillaume Forbin, du cabinet Altana, défenseur de Faurecia. Une autre théorie est de vérifier que l'indemnisation est proportionnée aux enjeux du contrat. Le communiqué du cabinet Baker et Mc Kenzie, souligne au contraire qu'il y avait, dès l'origine, une répartition du risque sur un projet dont l'issue n'était pas certaine, répartition matérialisée par une ristourne importante, et que, malgré tout, « la limitation de responsabilité qui en résultait n'était pas dérisoire », citant la Cour. Selon Faurecia, la ristourne en question n'avait rien d'inhabituelle pour un éditeur comme Oracle.
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Pour Rémy Bricard, « la clause limitative de responsabilité n'est pas une mauvaise habitude. Elle permet de réduire les risques, qu'il faudrait bien assurer, donc de réduire les coûts d'assurances, coûts qui seraient répercutés d'une façon ou d'une autre sur le prix facturé au client. Cette réduction de risque permet aussi à de petits acteurs, notamment de petites SSII, d'intervenir sur de gros contrats sans se mettre en péril. »
L'avocat de l'éditeur revient sur le long chemin judiciaire du litige qui a duré une dizaine d'années : « au premier degré, le tribunal de commerce de Nanterre avait donné raison à Oracle en validant la clause de limitation de responsabilité. La Cour d'Appel de Versailles avait rendu une décision peu claire. Le premier arrêt de Cassation, en chambre commerciale, avait créé une incertitude juridique autour de la validité des clauses de limitations de responsabilité. Mais la Cour d'Appel de Paris, dont la décision a été validée par la session plénière de la Cour de Cassation, a rétabli la liberté contractuelle et remis les pendules à l'heure. »
Liberté contractuelle ou responsabilité illimitée sur les clauses essentielles
Pour Guillaume Forbin, défenseur de Faurecia, « il n'est pas sûr que cet arrêt soit une bonne nouvelle pour les éditeurs ou pour qui que ce soit. En effet, il constitue un revirement de jurisprudence par rapport aux arrêts Chronopost et même par rapport au premier arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation sur l'affaire Faurecia/Oracle et introduit donc une importante incertitude juridique sur les clauses limitatives de responsabilité. L'arrêt est ici mêlé de faits [la Cour de Cassation ne juge que le droit et pas les faits, NDLR] et va donc poser des problèmes dans la rédaction des futurs contrats pour éviter un tel combat judiciaire. »Â
Bien évidemment, la position de Rémy Bricard est inverse : « dans un contexte de compétition internationale, la jurisprudence vidant de sa substance la clause de limitation de responsabilité incitait, lorsque c'était possible, à placer le contrat sous un droit étranger. La décision de la session plénière de la Cour de Cassation renforce la sécurité juridique en rétablissant la liberté de négociation contractuelle, notamment sur le plafond de la responsabilité. »
Version mise à jour le 13 juillet, 12h30, avec les réactions du cabinet Baker Mc Kenzie qui n'avait pu être joint le 12 juillet.