« C'est un exemple assez unique d'une industrie qui réinvestit 86% de ses bénéfices », met en évidence Bernard-Louis Roques, co-fondateur de la société Truffle Capital qui réalise ce classement en partenariat avec IDC et CXP. « C'est très lié au business model du secteur. Il y a sans cesse des changements à réaliser, c'est une course en avant, mais qui est bénéfique car il faut investir », rappelle-t-il. L'augmentation constatée en 2011 sur la R&D s'explique par le retour de la croissance et des profits après la crise de 2008. Quel que soit le contexte, « on investit toujours en R&D dans le secteur du logiciel », souligne Bernard-Louis Roques. « On maintient ces dépenses quand la conjoncture est difficile et on les accroit dès que la situation s'améliore ».
Source : Truffle Capital 2012Â (cliquer ici pour agrandir l'image)
« The Digital Agenda for Europe »
Maire Geoghegan, Commissaire européenne pour la recherche et l'innovation, qui commente ce 7e Truffle 100 Europe, indique qu'une récente enquête des entreprises ayant le plus investi en R&D dans l'UE, tous secteurs confondus, prévoit une croissance moyenne annuelle de 4% dans ce domaine d'ici à 2014. A cet exercice, les acteurs de la IT se distinguent nettement, souligne la Commissaire, puisqu'ils prévoient 11% d'augmentation en R&D par an en moyenne. Au passage, elle évoque l'action de la Commission européenne pour doper l'innovation (« The Digital Agenda for Europe ») en oeuvrant pour l'accès au capital risque ou dans le domaine des brevets.
Le 7e Truffle 100 Europe montre aussi une belle hausse du chiffre d'affaires cumulé. En 2011, les revenus issus de l'activité logicielle ont progressé de 20%, à 37,2 milliards d'euros par rapport à 2010 (l'ensemble du chiffre d'affaires cumulé s'élève à 52,9 milliards d'euros). Quant à la profitabilité, elle s'est encore améliorée, progressant de 14% en un an à 6,6 milliards d'euros. Il y a six ans, elle s'établissait à 2,8 milliards d'euros.
Les plus gros sont les plus profitables
Mais encore et toujours, ce sont les plus gros qui tirent les marrons du feu. Au jeu de la profitabilité, le Top 3, constitué de l'Allemand SAP, du Français Dassault Systèmes et du Britannique Sage, a récupéré plus de 4 milliards d'euros en 2011. Le Top 50 totalise 6,37 milliards d'euros de profit, tandis que les 50 suivants se contentent de 300 millions d'euros. Aucun renversement de tendance ne se profile puisque la concentration s'est ravivée : les 5 premiers éditeurs réalisent 53% du CA et 66% des profits. Par ailleurs, ce Top 100 reste très exposé aux marchés financiers avec 61 sociétés cotées qui représentent 84% du chiffre d'affaires.
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Concernant le poids géographique des éditeurs, on constate un « status quo permanent depuis sept ans sur les pays qui réalisent le plus de chiffre d'affaires », confirme Bernard-Louis Roques. Dans l'ordre, on retrouve l'Allemagne (15 éditeurs au Top 100 et 48,8% des revenus générés par le logiciel), le Royaume-Uni (22 éditeurs, 14,8% du CA logiciel), la France (17 sociétés et 10,9% du CA), les Pays-Bas (8/5,9%), la Suède (9/5,8%), la Norvège (4/3%) et la Finlande (6/2,7%).
« L'Europe se laisse distancer par les Etats-Unis »
« Mais cette industrie doit être mise en perspective avec les États-Unis », fait encore remarquer le co-fondateur de Truffle Capital. « Nous avons fait la comparaison avec Oracle et Microsoft sur les mêmes périodes. L'Europe ne représente pas le poids qu'elle devrait représenter. » Avec ses 37,2 milliards d'euros de CA logiciel en 2011, le Top 100 se situe entre Oracle (29,4 milliards) et Microsoft (48,5 milliards). « Nous nous laissons distancer, nous ne représentons qu'un gros éditeur américain », déplore Bernard-Louis Roques qui ne voit pas se rétrécir l'écart entre les performances de part et d'autre de l'Atlantique par rapport aux autres années.
« C'est vrai qu'aux États-Unis, il y a le Small Business Act », rappelle-t-il en évoquant cette incitation de l'Etat américain à ne pas oublier les fournisseurs de taille moyenne dans la commande publique. « En Europe, il n'y a aucune politique coordonnée incitatrice sur cette industrie », regrette-t-il. « C'est paradoxal par rapport aux 60 000 emplois que cela représente. Nous ne parvenons pas à mettre l'industrie du logiciel en Europe au niveau où elle devrait être », conclut-il.
Pour ne rien arranger, l'éditeur britannique Autonomy, qui se situait à la sixième place du classement en 2011, est sorti du Top 100, puisqu'il a été racheté par l'Américain HP en août 2011.