Grâce à la présence de câbles sous-marins très haut débit, Marseille est devenu le 9e hub numérique dans le monde avec 154 térabits de bande passante. Et, en 2023, la capacité montera même à 720 térabits puisque le câble Google Blue Raman (Inde, Arabie Saoudite et Marseille en évitant l’Egypte) d’une longueur de 8 000 km renforcera les liens existants. Ce qui fera de Marseille le 5e hub numérique dans le monde. La France devenant ainsi le seul pays d’Europe avec deux hubs majeurs, nous a expliqué Fabrice Coquio, président d’Interxion France, qui fait partie du groupe américain Digital Reality.
Déjà très bien implanté sur le hub numérique de Marseille avec pas moins de 3 datacenters (MRS1, MRS2 et MRS3), Interxion poursuit sa croissance dans la métropole régionale avec le soutien des potentats locaux. Pour accompagner le démarrage des travaux de la quatrième tranche (MRS4) sur le port maritime de Marseille, Bruno Payan, maire de la ville, et Renaud Muselier, président du conseil régional de la région Provence-Alpes-Côtes d’Azur, sont venus sur le site le 27 mai dernier pour clamer leur intérêt pour l’industrie numérique aux côtés de David Ruberg, vice-président stratégie et développement des marchés chez Interxion, et, bien sûr, Fabrice Coquin. « À la base, Marseille bénéficie d’un atout géographique pour relier l’Asie/Pacifique à l’Europe avec un axe Marseille/Francfort/Amsterdam », nous indique le dirigeant français. « Il s’agit toutefois de transformer un atout géographique en atout économique ».
Le maire de Marseille Benoit Payan, le président du conseil régional de Paca Renaud Muselier avec le président d'Interxion France Fabrice Coquio sur le site MRS2 le 27 mai dernier. (Crédit Interxion/Baptiste Le Quiniou)
A Marseille depuis 7 ans
En 2018, nous avions déjà rencontré l’équipe d’Interxion France sur le port de Marseille pour l’ouverture de MRS2 et le démarrage des travaux de MRS3. Trois ans après, il est déjà nécessaire de pousser les murs, puisque l’afflux des hyperscalers américains et l’appétit des géants asiatiques (chinois et indiens) du e-commerce et des télécoms - stimulés par l’agrégation de câbles sous-marins très haut débit - a tari le nombre de mètres carrés disponibles les datacenters marseillais du groupe. 6 000 m2 pour MRS1, le seul situé en dehors du port maritime (racheté à SFR en 2014 et remis en service après de sérieux travaux de modernisation), 4 400 m2 pour MRS2, 7 000 m2 pour MRS3 (l’ancienne base de sous-marins) et enfin les 25 000 m2 attendus avec MRS4 en juillet 2022. Pour installer ses centres de données, Interxion a dû travailler avec la mairie et renoncer aux classiques systèmes de refroidissement frigorifiques - un roof top a ainsi remplacé les équipements attendus à l’origine sur MRS3 - au profit d’un refroidissement par eau fraîche. Rien de nouveau me direz-vous, nous avons en effet déjà visité des datacenters exploitant l’eau de mer pour refroidir des systèmes informatiques (Green Mountain à Rennesoy en Norvège). À Marseille, l’eau du port n’est toutefois pas assez froide (40 mètres seulement de profondeur), Interxion utilise donc à la place l’eau d’une rivière souterraine pour rafraîchir son datacenter. Le projet a été développé avec le concours financier du conseil régional de Paca (800K€) et de l’Ademe (1,9 M€) pour accélérer la mise en place de ce système qui chauffe des immeubles du centre-ville marseillais l’hiver et produit de l’énergie électrique l’été avec les calories dégagés par les datacenters. « Une usine ilotique et climatique avant d’être une usine digitale », comme disent les politiques marseillais.
Le groupe américain, qui a déjà investi 325 millions d’euros depuis 2014 pour ses trois premiers datacenters marseillais, compte monter à 600 millions avec MRS4 (125 M€) et MRS5. Ce dernier sera toutefois installé en dehors du port pour éviter de mettre tous ses oeufs dans le même panier. Comme l’a rappelé avec malice Renaud Muselier le 27 mai dernier, « le port maritime de Marseille, c’était 200 jours de grève par an et un trafic paralysé ». Les dockers, dont le nombre était descendu à 350 et est remonté à 500, n’avaient pas bien compris les ambitions d’Interxion sur le port maritime, nous a confié Fabrice Coquio. Aujourd’hui, la compréhension est meilleure même si la construction de MRS4, qui ne réutilise pas de bâtiments existants comme pour MRS2 et MRS3, renforce la présence du groupe américain au détriment des activités portuaires plus traditionnelles. Côté sécurité, Interxion n’a pas lésiné sur les moyens avec un accès dédié sur le port et une entrée de type double sas pour les véhicules.
40 000 m2 de plus à Paris
Mais Marseille n’est bien sûr pas la seule ville où le groupe investit en France. Paris, et plus précisément à Aubervilliers, La Courneuve et Saint-Denis, fixe un grand nombre de datacenters Interxion (PAR1 à PAR7) bientôt complété par quatre tranches (PAR8, PAR9, PAR10 et PAR11) soit 40 000 m2 à termes répartis sur une surface de 7 hectares (Airbus Helicopters) aux Quatre Chemins. La finalisation de PAR8 est attendu en juillet prochain, nous a indiqué Fabrice Coquio avec une inauguration officielle en septembre 2021, Au total, ce sera près de 1,150 milliard d’euros qui sera investi à la Courneuve. Un douzième centre de données en région parisienne, PAR12 avec 6000 m2, est également attendu à Ferrières-en-Brie - une initiative de Digital Reality à l’origine - afin de répondre aux demandes de certains acteurs américains. Dans l’hexagone, Google Cloud compte déployer ses datacenters en mode triangle chez ses partenaires de colocation Equinix, Interxion ou Telehouse pour limiter les risques. Rappelons que l’ouverture de la région France est attendue en 2022 après AWS, Microsoft Azure et Salesforce.
Le futur vaisseau amiral d'Interxion à La Courneuve aux Quatre Chemins. (Crédit Interxion)
À Marseille, Fabrice Coquio regrette toutefois l’absence de concurrence même si on peut citer les modestes Jaguar Network et Securyfast. « Interxion ne peut tout faire tout seul, nous avons besoin d’acteurs locaux, il est préférable d’avoir 80% d’un gros gâteau que 100% d’un petit […] Nous ne faisons pas le hub, ce sont nos clients qui le font et les client sont là où sont les réseaux, et les réseaux vont là où sont les clients ». La croissance est toutefois là avec une hausse de l’activité de 44% à Marseille, contre 15% à Paris. « Contrairement à Paris et Francfort, où les choses se sont faites progressivement, tout le monde arrive en même temps à Marseille », assure le dirigeant français. Un acteur bleu azure est déjà bien implanté dans les murs de MSR3, et un géant américain du logiciel - longtemps réfractaire au cloud - a prévu de s’installer dans l’immeuble MARS4 pour accompagner le lancement de sa région France.