S’il y a une leçon que les dirigeants du secteur technologique ont retenu de l'année 2020, c'est qu’ils doivent apprendre à se préparer à l'inattendu. Car le coronavirus a fait payer un très lourd tribut aux entreprises du monde entier. Reste que, les DSI doivent continuer à faire leur job en menant la stratégie numérique qui leur permettra d’offrir une expérience exceptionnelle aux employés et aux clients de leur entreprise. Plusieurs tendances se sont affirmées au cours du second semestre 2020, notamment les migrations de logiciels vers le cloud, les solutions virtuelles et l'automatisation, sans oublier le recours à des outils d’analyses pour mesurer l'efficacité de ces solutions. Et toutes ces tendances vont s'accélérer en 2021.
Alors que nous entrons dans une seconde année de pandémie, les DSI ne peuvent sous-estimer l'importance du travail hybride et ils se doivent d’offrir des expériences de qualité aux salariés. « La culture du travail et l'expérience des employés ont changé à jamais, que cela nous plaise ou non, et les DSI sont les mieux placés pour fournir l’expérience la plus transparente possible à leurs salariés, car c’est aussi un gage de succès », a écrit Forrester Research dans ses prévisions pour 2021. « Dans les entreprises qui ne pourront pas offrir cette qualité d’expérience, au mieux, les employés accompliront leur travail tant bien que mal, au pire, ils seront moins performants ». Mais voyons comment les dirigeants d'entreprises envisagent leurs stratégies numériques en 2021.
Une autre façon de travailler et de recruter
« Dans les entreprises, les bureaux ressembleront davantage à des hubs de rencontre en présentiel », a expliqué Jo Deal, directeur des ressources humaines de LogMeIn. Les personnes ayant travaillé à distance depuis le mois de mars 2020 s'attendent à avoir moins de lien physique avec leur bureau, à profiter d’horaires plus flexibles et à passer moins de temps dans les déplacements. Tout cela aura un impact sur l'espace de bureaux occupé par les entreprises. Au lieu de faire la navette cinq jours par semaine, les employés se rendront une demi-journée ou un jour par semaine à leur bureau pour participer à des réunions ou à des séances de travail et maintenir quelques contacts. Les entreprises vont se diviser en bureaux satellites répartis dans plusieurs régions, ce qui réduira l'empreinte de leur siège social dans les zones où les coûts sont élevés.
Les entreprises les plus modernes vont saisir cette opportunité du travail hybride pour aller puiser dans un réservoir de talents diversifiés, et elles seront plus disposées à effectuer des recrutements moins centralisés et à attirer les meilleurs talents, en respectant le désir de chacun de vivre là où il veut », a encore expliqué M. Deal. « Pour relever le défi, certaines entreprises ont commencé à embaucher des « responsables du travail à distance » pour gérer les questions de rémunération, d’avantages, de taxes, de législation sur le travail à distance et d'expérience des employés », a-t-il ajouté. D’autres entreprises, comme LogMeIn, ont créé un comité de travail à distance réunissant les CEO, les directeurs financiers, les directeurs des ressources humaines et d'autres dirigeants. « C’est vraiment compliqué à mettre en place et à faire en sorte que ce soit efficace », a encore déclaré M. Deal.
Pas de travail hybride sans soutien numérique
Il incombe également aux DSI de fournir une technologie capable de prendre en charge des modèles de travail hybrides. Cela implique l'installation d'outils SaaS pour la vidéoconférence, le partage de fichiers et les tableaux blancs numériques, ainsi que des solutions de réalité augmentée et de réalité virtuelle (AR/VR) pour pouvoir organiser les réunions entre employés, proposer des vitrines clients et offrir d'autres modes de collaborations essentielles. « Les DSI doivent également investir dans des applications « d’hôtellerie » qui permettent aux employés et aux visiteurs distants de réserver un espace de bureau, mais aussi dans des outils de localisation, afin de prévenir les employés qui auraient pu être en contact avec une personne positive au Covid-19 et assurer leur sécurité », a expliqué Wendy Pfeiffer, la DSI de Nutanix, qui teste actuellement plusieurs solutions de ce type. « La localisation des personnes contacts oblige les entreprises à trouver des solutions qui respectent les règles de confidentialité », a ajouté Mme Pfeiffer.
En 2020, les DSI ont déjà intégré plusieurs solutions de ce genre dans leurs piles technologiques quand ils ont modifié leurs agendas numériques. En 2021, les responsables IT devraient améliorer l’intégration de ces outils, car s’ils transforment les habitudes de travail, ils peuvent aussi permettre de nouvelles efficacités opérationnelles. Selon Éric Johnson, DSI de SurveyMonkey, « comme en témoigne l'offre exceptionnelle de 27 milliards de dollars faite par Salesforce.com pour le rachat de Slack, le marché des technologies de collaboration est en plein essor ». Cela signifie aussi que les DSI vont s'inquiéter de son impact sur leur portefeuille IT. Par exemple, que va-t-il se passer si les fusions-acquisitions freinent l'innovation de logiciels qu'ils utilisent sous licence ? En d'autres termes, les DSI doivent veiller à ne pas « mettre trop d'œufs dans le même panier », a encore expliqué Éric Johnson. « Le monde de la collaboration va se transformer très vite », a-t-il ajouté.
La cybersécurité oui, mais zero-trust
Tous ces outils et toutes ces connexions à distance mettent les entreprises face au grand défi de la sécurité. Déjà, le réseau d'entreprise classique était difficile à protéger contre les pirates talentueux soutenus ou non par des États-nations ou appartenant à des groupes de cybercriminels. Désormais, le trafic de données s’étend bien au-delà du pare-feu jusqu’à des lieux distants. « Les DSI ont adopté des modèles de sécurité « zero-trust », de façon à traiter systématiquement chaque appareil connecté - ordinateur de bureau, portable, tablette, routeur et téléphone - comme une menace potentielle », a encore expliqué M. Johnson. Mais il y a une grande différence d'échelle : autrefois, le réseau était circonscrit à un périmètre limité ; aujourd’hui, cet espace est beaucoup plus dynamique et représente une cible de choix, exposé autant aux erreurs humaines qu’aux attaques agressives.
« Le réseau est devenu l'Internet de celui qui se connecte à domicile », a déclaré M. Johnson. « La protection de ces réseaux devient de plus en plus difficile ». Selon lui, les DSI doivent trouver un équilibre entre ces préoccupations de sécurité et la nécessité de faire en sorte que les employés restent productifs. Les solutions d'authentification unique et les technologies de protection des dispositifs en fonction d’une posture de sécurité, plus un certain nombre d'outils de cybersécurité basés sur l'apprentissage machine (ML) et l'IA restent des armes essentielles dans l’arsenal de défense des DSI. Mais aucune protection n'est parfaite : en témoigne la récente brèche dans le système FireEye, dont la raison d'être était justement de protéger les entreprises et d’empêcher toute intrusion. Cela ne va pas rassurer les DSI et les RSSI.
Le boom des processus automatisés connectés
En 2020, la plupart des DSI ont acheté ou mis en place une série de technologies de machine learning (ML), d'intelligence artificielle (IA), d'automatisation des processus robotiques (RPA), de process mining et de technologies low-code pour automatiser leurs processus métiers. Parce qu'il est l'un d'entre eux, Rich Gilbert, directeur de l'information et des services numériques de l'Aflac, connait bien le sujet. Comme eux, il a fait en sorte de fournir un mix d'outils pour l’accueil, l’enregistrement et les services après-vente fournis par la compagnie d'assurance. Mais en 2021 et au-delà, les entreprises vont essayer d'unifier ces technologies en s’appuyant sur un fabric intelligent pouvant automatiser les processus de travail.
« Par le passé, ces outils étaient autonomes, mais ils sont maintenant devenus la norme et nous allons les appliquer ensemble à grande échelle », a expliqué M. Gilbert. « C'est la convergence de ces technologies qui va faire la différence ». Plusieurs études suggèrent que M. Gilbert est sur la bonne voie. 73% des 320 cadres interrogés dans le cadre d’une enquête de Deloitte ont déclaré que leur entreprise s'était engagée sur la voie de l'automatisation intelligente, soit un bond de 58 % par rapport à 2019,. « Du fait de la généralisation du travail à distance et de la configuration requise pour sécuriser les sites distants, une progression de l'automatisation dans cet environnement de travail élargi est presque une évidence », ont écrit les chercheurs.
Si les DSI ont cru que leur travail serait plus facile à mesure que les dirigeants et les employés s'habitueraient à la pandémie, ils se sont trompés. « Le Covid-19 va continuer à perturber l’activité des entreprises en 2021 », a déclaré M. Gilbert. « Les DSI qui ont fait progresser leur stratégie digitale et permis à leur entreprise de d’accroître sa valeur en l’aidant à se réinventer, conserveront leur capital politique »