Comment mettre en relation des compétences et des besoins à la manière d'un « Meetic » de l'emploi, pour tenter de résoudre le paradoxe qui laisse 900 000 emplois non pourvus ou difficilement, alors qu'il y a plus de 3 millions de chômeurs en France (*). C'est sur cette idée que s'est créé le site Qapa.fr, ainsi que le rappelait il y a quelques jours Stéphanie Delestre, CEO de la société, sur le Salon des Entrepreneurs, au Palais des Congrès de Paris. Aujourd'hui, 3 000 candidats s'inscrivent chaque jour sur Qapa.fr. Mais la co-fondatrice met en garde les porteurs de projet enthousiastes : il ne suffit pas d'avoir une idée pour lancer son entreprise, encore lui faut-il un marché.

« Nous avons fortement testé notre idée », insiste-t-elle en énumérant trois composantes clés du projet Qapa. « D'abord une innovation d'usage, avec des compétences mises en valeur sans utiliser de C.V. traditionnel. Ensuite un algorithme très puissant de matching en temps réel pour mettre en relation les offres et les candidats. Enfin, une innovation sur le modèle économique puisque l'annonceur n'a pas besoin de payer pour déposer son annonce et accéder aux profils qui lui correspondent. » Qapa va chercher les candidats potentiels où ils se trouvent le plus souvent en diffusant sur les réseaux sociaux généralistes les offres d'emploi insérées sur son site.

De nombreux réseaux d'accompagnement

En 2012, il s'est créé en France autant d'entreprises qu'en 2011, a-t-il été rappelé lors de la conférence sur laquelle témoignait Stéphanie Delestre. L'Insee a enregistré 550 000 créations l'an dernier, malgré le ralentissement économique et sans doute aussi à cause de celui-ci puisque près de la moitié de ces projets ont été le fait d'auto-entrepreneurs (**). Les intervenants du Salon, qui fêtait cette année ses vingt ans, ont insisté de nouveau sur l'importance des réseaux d'accompagnement et d'aide au financement des projets et des jeunes pousses, comme l'agence pour la création d'entreprises (APCE), les Chambres de Commerce et d'Industrie (CCI), le réseau Entreprendre, Initiative France (présidé par Louis Schweitzer), France Active, Oséo et bien d'autres. Frédérique Clavel, présidente de l'APCE, a néanmoins reconnu que l'une des premières difficultés rencontrées par les jeunes entreprises restait l'accès au financement. Elle-même a créé il y a plusieurs années Paris Pionnières pour soutenir les projets innovants menés par des femmes.

Christian Sautter, adjoint au maire de Paris, a redit les efforts réalisés par la Capitale pour accroître la surface de pépinières et d'incubateurs afin d'atteindre les 100 000 m2 en 2014 (soit 20 fois plus qu'en 2001). Et Pierre-Antoine Gailly, président de la CCIP de région Paris Ile de France, a rappelé que l'institut du mentorat (IME), qui permet de faire bénéficier des chefs d'entreprise des conseils d'entrepreneurs plus expérimentés, allait maintenant étendre sa portée au niveau national. L'objectif de l'IME est de contribuer à accélérer la croissance des PME afin d'augmenter le nombre d'entreprises de taille intermédiaire en France.

« Cloud founding » et dossiers de financement

Parmi les créateurs d'entreprise ayant témoigné lors de la conférence plénière du 6 février figuraient également Nicolas d'Audiffret, co-fondateur du site « A little market », plateforme d'e-commerce de vente de produits artisanaux, Jean-Claude Puerto Salavert, spécialiste de la location de voitures de courte durée, et Thibault Lanxade, co-fondateur d'Aqoba, qui développe des solutions de paiement en marque blanche, en particulier des cartes prépayées. Aqoba opère sur le réseau monétique MasterCard. « Nous avions besoin de capitaux pour monter notre plateforme de paiement et ce fut la croix et la bannière », a notamment relaté Thibault Lanxade en expliquant avoir finalement trouvé un financement auprès de business angels et d'actionnaires. Près de 100 personnes sont entrées au capital de la société. « Nous avons fait du cloud founding », a-t-il indiqué. « Nous recevions des chèques des quatre coins de la France ».
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Conférence plénière du mercredi 6 février 2013 sur le 20ème Salon des Entrepreneurs (cliquer ici pour agrandir l'image).

Aqoba est membre du réseau Excellence Oséo et également co-financée par l'Union Européenne via le Feder (Fonds européen de développement régional). « Nous avons actionné tous les leviers, mais cela prend du temps », fait remarquer Thibault Lanxade. L'unité de temps de ces organismes n'est pas la même que pour l'entreprise. « Il faut un peu plus de six mois pour un dossier de financement Oséo et pour Feder, cela se joue sur 8 mois », même si le PDG d'Aqoba souligne que, dans ce cas, les fonds obtenus sont conséquents et non remboursables. A ce propos, Dominique Caignart, directeur du réseau Oséo Ile de France, a rappellé que, dans le cas des projets liés au numérique, il faut vérifier la pertinence des algorithmes et s'assurer de l'existence de vrais sauts technologiques. Sur les gros dossiers innovants, la validation peut ainsi prendre deux à trois mois.


Dominique Caignart, directeur du réseau Oséo Ile de France.

L'importance du premier contrat et la nécessité d'un SBA

Le site « A little market » a aussi bénéficié du financement de business angels. « Il s'agissait d'anciens entrepreneurs qui nous ont apporté de nombreux conseils et nous ont permis de valider le modèle », explique Nicolas d'Audiffret. Accompagnée par Oséo, sa société a également fait une levée de fonds auprès d'XAnge Private (capital risque). Néanmoins, Stéphanie Delestre, CEO de Qapa, pointe que ce ne sont pas seulement les aides qui comptent lorsque l'on monte une entreprise, mais surtout les contrats. Elle cite une expérience vécue en Allemagne où l'Etat de Hambourg a l'habitude de travailler avec les petites entreprises et regrette de ne pas pouvoir le faire aussi facilement de ce côté-ci du Rhin. « Avoir un contrat avec l'Etat, c'est très difficile, j'essaie avec Pôle Emploi depuis deux ans ».

Une fois de plus, les entrepreneurs insistent ainsi sur la nécessité de mettre en place un Small Business Act à la française qui permettrait de réserver une partie de la commande publique aux PME. Agnès Bricard, présidente du conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables, reconnaît à ce sujet que, sur les 130 000 milliards consacrés chaque année à la commande publique, « la PME n'est pas servie », en dehors des filiales de grands groupes. Elle redit au passage l'accompagnement assuré par les professionnels qu'elle représente auprès des TPE/PME, notamment sur les questions de BFR (besoins en fonds de roulement). Quoi qu'il en soit, « le point le plus important, c'est la première commande », confirme Thibault Lanxade, d'Aqoba, qui regrette qu'il manque en France une stratégie de filière.

A l'issue de la conférence, Pierre Moscovici est venu présenter des mesures qui pourraient permettre d'aider les entreprises à faire face à leurs besoins de trésorerie. 

(*) Statistiques de la Dares

(**) Chiffres Insee. Un total de 550 000 créations d'entreprises en 2012 dont il faudra bien sûr défalquer le nombre de défaillances enregistrées dans l'année pour obtenir un nombre de créations net. L'année 2011 a par exemple totalisé 549 800 créations d'entreprises mais aussi près de 60 000 défaillances.