Gros utilisateur de solutions de simulation pour la conception de ses voitures au technocentre de Guyancourt, Renault était présent cette année au Forum Teratec, les 19 et 20 juin à l’École Polytechnique à Palaiseau, mais pour parler cette fois de ses projets dans le domaine des voitures autonomes, électriques et connectées. Des programmes qui font appel au calcul intensif, à l’intelligence artificielle et au big data. Ces sujets sont au cœur de l’actualité puisque le congrès Electric Road se déroule au même moment à Nantes. Rémi Bastien, directeur de la prospective automobile du groupe Renault, est intervenu au Forum Teratec pour souligner l’impact des voitures électriques et autonomes sur le futur de l’industrie, avec un bouleversement à attendre sur les habitudes de vie et de mobilité. « Nous sommes face à une triple mutation : l’électrification de la traction, l’automatisation de la conduite et la mobilité à la demande », indique le responsable de Renault. Ce qu’il résume avec l’appellation Automotive 4.0.
Le marché de l'automobile est chamboulé par l'arrivée des nouvelles mobilités. (Crédit Renault)
La possession des véhicules est en décroissance dans les zones urbaines, l’arrivée de nouveaux entrants comme Tesla et les constructeurs chinois menacent les acteurs historiques et le développement de services liés à la mobilité est devenu une nécessité pour tous les acteurs de l’automobile. « Le numérique et le HPC sont indispensables pour conduire à cette rupture. La mobilité à la demande va reposer sur l’électrique », estime Rémi Bastien. Le véhicule n’est plus autarcique mais au milieu d’un système avec un microgrid électrique pour optimiser le stockage et la consommation d’énergie, des infrastructures adaptées (bornes et communications avec les équipements urbains) et l’avènement des transports autonomes (robot taxi).
3 plans stratégiques chez Renault
Pour faire face à cette révolution, Renault a lancé trois plans stratégiques autour de l’électrique, de la conduite autonome et de la connectivité. Pour le constructeur français, la conduite autonome (de niveau 4 suivant le barème de l’agence fédérale américaine NHTSA) arrivera tout d’abord sur les véhicules haut de gamme et électriques avec un surcoût de 2 à 3000 euros. « Jusqu’au niveau 3, le conducteur est responsable de son véhicule. A partir du niveau 4, le système prend la main en dernier recours ». L’idée est réduire le nombre de décès sur les routes liés aux comportements imprudents et décharger les conducteurs sur les portions de route monotones comme les autoroutes sur de longues distances. Il n’est toutefois pas encore question de proposer un système complètement autonome (niveau 5) où le conducteur aura simplement à entrer une adresse pour se laisser transporter jusqu’à sa destination.
En 2022, Renault compte proposer le niveau 4 sur ses voitures haut de gamme pour commencer. (Crédit D.R.)
Chez Renault, le conducteur devra - dans un premier temps – indiquer une adresse puis démarrer son véhicule et le système embarqué indiquera sur quelles portions du parcours il pourra assurer une conduite autonome. Il n’est pas encore question d’appuyer sur un bouton pour passer en mode autonome sous conditions comme sur l’AutoPilot v9 de Tesla. Un système qu’on peut situer entre le niveau 3 et le 4, même si le patron de Tesla, Elon Musk, survend sa technologie comme à son habitude. Les accidents de ces derniers mois viennent malheureusement rétablir la balance.
Des problématiques complexes à maitriser
Le matériel évolue très vite avec l’arrivée de processeurs et de capteurs plus performants (Intel/Mobileye, Nvidia mais aussi Qualcomm ou le Français Kalray) et avec les ressources IA – avec des outils aux méthodes plutôt formelles et déterministes – qui progressent de concert. De petits acteurs français comme Nexyad développent des systèmes autonomes. La société, fondée en 1995 et dirigée par Gérard Yahiaoui, a développé un système d’intelligence artificielle capable de mesurer la prise de risques au volant. Elle travaille avec plusieurs constructeurs et équipementiers français et étrangers, dont BMW. L’alliance Renault-Nissan est très engagée dans ce domaine avec pas moins de 40 modèles attendus d’ici 2022. « Tous les constructeurs ont engagé des partenariats. Renault a intégré les anciennes équipes embarquées d’Intel à Sophia et Toulouse pour participer au développement de son système de conduite autonome », rappelle Rémi Bastien.
L'analyse des risques et la détection des obstacles sont au coeur des systèmes de conduite autonome. (Crédit Nexyad).
Un appel d’offres a également été lancé pour sélectionner un fournisseur cloud (AWS et GCP sont encore en lice) pour assurer le développement des projets avec une architecture élastique pour la puissance de calcul. Les besoins en simulation sont très importants. Selon Toshiba, 15 milliards de kilomètres sont nécessaire en roulage pour valider un véhicule autonome. La simulation apparait donc essentielle à Renault. « Le jeu a changé sur le marché automobile » conclut Rémi Bastien et la maitrises des capacités HPC, IA et big data sont devenues indispensables pour tous les acteurs automobiles challengés à la fois par les GAFA et les nouveaux entrants asiatiques sur le marché.