Le 15 mars 2023, Scaled Agile, l'entreprise qui promeut SAFe (Scaled Agile Framework), un schéma d'organisation pour l'agilité à l'échelle, a officiellement lancé la version 6.0 du framework. Celle-ci apporte de nombreux changements par rapport à SAFe 5.x. Pour y voir plus clair, nous avons échangé avec Eduardo Alvim, consultant et formateur certifié sur SAFe (SPCT) chez Gladwell Academy, un organisme de formation spécialisé dans les approches agiles. Zoom sur les principales évolutions aux yeux de cet expert.
1. Les flux
La version 6 insiste très fortement sur la notion de flux (flows), qui apparaît à de nombreuses reprises dès le schéma d'ensemble (voir ci-dessous) : dans la partie sur l'équipe, les ART (agile release train), les solution trains, le portfolio... « Les flows sont ce qui va connecter les différents niveaux de l'organisation. C'est essentiel, car s'il existe par exemple un blocage sur le marketing, ou sur la mise en production, il n'est pas possible de sortir un nouveau produit », explique Eduardo Alvim.
2. Évolution des rôles, en particulier celui de Scrum Master
« SAFe 6 ajoute une responsabilité au rôle de Scrum Master, celle de coach d'équipe. Cette évolution provient des observations sur le terrain. Dans les faits, le rôle du Scrum Master est beaucoup plus important que ce que décrit le guide Scrum », pointe Eduardo Alvim. Pour lui, l'équipe est l'entité la plus importante dans une organisation, car c'est à ce niveau que s'effectue le travail.
La Big Picture de SAFe 6.0 (cliquer pour voir en grand). Crédits : Scaled Agile
3. Un focus sur l'agilité de l'organisation (business agility)
Avec la v6, différents sujets portent sur l'agilité de l'organisation, autrement dit sa capacité à répondre au besoin du marché aussi vite que possible. « Certaines sociétés ont du mal à basculer leurs stratégies en raison de facteurs liés à l'exécution, constate Eduardo Alvim. Or elles doivent pouvoir s'adapter pour répondre aux besoins des clients. » Et cette évolution de SAFe souligne que l'agilité ne se joue pas uniquement au niveau de la DSI, mais bien de l'organisation. « Pour qu'un produit puisse être livré et exploité, il faut non seulement que la DSI soit agile, mais aussi le marketing, les équipes d'avant-vente, celles qui préparent les contrats... Tous doivent être prêts. »
4. Des recommandations pour l'adoption de technologies avancées
SAFe 6 comporte une partie sur l'adoption des technologies avancées, notamment l'intelligence artificielle, le cloud et le big data. « Beaucoup de technologies sont disponibles aujourd'hui. L'enjeu est de déterminer comment en profiter pour rendre l'entreprise plus compétitive, indique Eduardo Alvim. Alors même que ChatGPT 4 a été lancé il y a quelques jours seulement, des entreprises commencent déjà à l'intégrer dans leurs solutions ». Pour débroussailler le terrain, SAFe 6 inclut quelques lignes directrices pour aborder ces innovations. « Le référentiel ne porte pas que sur la mise en oeuvre de pratiques agiles, rappelle Eduardo Alvim. Les principes guidant SAFe proviennent de quatre grands domaines : le développement agile, le Lean Product Development, DevOps et la pensée systémique. Et le référentiel s'enrichit au fil du temps d'autres sujets, qui contribuent à l'agilité de l'organisation. »
5. Un accent renforcé sur les OKRs (objectifs et résultats clefs)
« Aujourd'hui tout le monde utilise des indicateurs clefs ou OKRs, mais il ne s'agit pas forcément des bons », constate Eduardo Alvim. « Parfois, les indicateurs ne permettent pas de lier la stratégie de l'organisation avec des objectifs qui soient clairs et parlants pour les équipes. » Or ces OKRs doivent impérativement parvenir aux équipes. « Il est essentiel d'avoir un lien très fort entre la stratégie et l'exécution, et vice-versa, car le feedback doit réalimenter le système », souligne Eduardo Alvim.
6. Des accélérateurs de flux plus développés
Dans la nouvelle version de SAFe, le principe n° 6, qui prévoit de limiter le backlog pour éviter d'allonger le délai où le client obtient ce qu'il a demandé, a été refondu. Huit pratiques visant à accélérer les flux sont désormais détaillées. « Ces éléments étaient déjà là dès la v4, mais dans la v6, le focus est mis sur les flux », pointe Eduardo Alvim. Le principe qui englobe ces huit pratiques est celui de la chaîne de valeur (value flow) sans interruption - où l'on insiste encore sur la notion de flux.
Parmi les accélérateurs figure par exemple la visualisation. « Si l'on n'est pas capable de voir l'ensemble d'un système, il est très difficile de savoir comment celui-ci va se comporter », indique Eduardo Alvim. De même, la taille des tâches qui subdivisent le travail est importante. « Sur des tâches importantes, on rencontre forcément des dépendances, une variabilité, des risques accrus, qui ont un impact sur la prédictibilité », note le consultant. Un autre point encore concerne les goulets d'étranglement, qu'il faut adresser le plus vite possible, tandis qu'un autre porte sur le feedback. « Il est important d'avoir un feedback le plus tôt possible, afin de recueillir de l'information et d'améliorer la solution », note Eduardo Alvim. Et cet enjeu là ne concerne pas que la DSI, mais tous les acteurs. « Il s'agit de voir comment utiliser les différentes pratiques - tels les MVP (minimum viable product), les focus groups, les tests en direct chez les clients, afin de collecter la connaissance nécessaire pour améliorer le produit. »
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