Les rumeurs étaient fondées : Apple entame la grande mutation de ses ordinateurs Mac et confirme l’abandon des processeurs Intel au profit de ses puces sur base ARM. Hier, lors de la conférence virtuelle WWDC20, le constructeur a annoncé que dans les deux ans qui viennent, tous lez Mac livrés tourneront avec son propre silicium reposant sur l’architecture ARM, en remplacement des processeurs d’Intel et des GPU d’AMD. Voici un aperçu du calendrier et des technologies annoncées par Apple.
Les raisons de ce changement
En préambule de cette annonce, Apple a rappelé l’expérience et les succès rencontrés dans la fabrication de son propre silicium. Cela fait dix ans que l’entreprise californienne conçoit et produit des CPU ARM pour l'iPhone, dont il a multiplié la puissance par 100, et des GPU pour l'iPad Pro, dont il a multiplié la puissance graphique par 1000. Apple est même allé plus loin en personnalisant ses processeurs pour répondre aux exigences uniques de l'Apple Watch.
Apple est présent dans le secteur du silicium depuis une décennie et le constructeur a produit certaines des puces mobiles les plus impressionnantes qui existent. (Crédit : Apple)
Au total, au fil des années, Apple a livré plus de 2 milliards de processeurs ARM conçus en interne. Le constructeur veut que les Mac profitent de la performance par watt de ses CPU, la meilleure de l’industrie, afin de produire des machines plus rapides, plus puissantes et moins gourmandes en énergie. Mais la performance par watt n’est pas la seule raison. Apple a développé de nombreuses unités fonctionnelles spécialisées pour ses processeurs, que ce soit les puissants moteurs de traitement d'images et de vidéos ou le moteur neural pour exécuter du code d'apprentissage machine et d'IA. Apple veut que le Mac utilise pleinement ces instructions spécialisées, et compte développer un ensemble cohérent de produits, de logiciels et de silicium, comme il l’a fait avec l'iPhone, l'iPad et l’Apple Watch. Le fournisseur pourra aussi construire des Mac avec des capacités et des facteurs de forme tout simplement inaccessibles aujourd'hui. Pour l’instant, le constructeur n'a pas dit à quel moment il livrerait ses premiers processeurs ARM pour Mac. Facturé 999$ HT, le kit de développement (Developer Transition Kit ou DT ) repose sur un Mac Mini ARM animé par la puce A12Z (huit coeurs A64 – ARMv8.3‑A à 2,43 GHz) que l'on trouve dans l’iPad Pro, mais les premiers produits grand public utiliseront probablement une autre puce.
Les apps natives comme moteur
Les premiers Mac tournant avec le silicium d'Apple fonctionneront avec le tout nouveau MacOS Big Sur, qui, comme l’ont remarqué nos confrères, est basé sur la version 11.0 du système d'exploitation d’Apple et non sur la version 10.16 du système de développement du constructeur.
Le kit de développement d'Apple baptisé Developer Transition Kit (DTK) comprend MacOS 11 Big Sur et un processeur A12Z. (Crédit : Apple)
Lors de l’achat d’un Mac équipé d'un processeur Apple, l’utilisateur aura la certitude qu'il fonctionnera avec des versions natives de toutes les applications Apple, spécifiquement optimisées pour ses processeurs. C’est le cas des applications professionnelles comme Final Cut Pro et Logic. Mais les développeurs tiers pourront également créer de nouvelles applications optimisées pour l'architecture. Les apps « Universal2 » sont codées en un binaire unique qui peut fonctionner à la fois sur les processeurs Intel ou sur les processeurs ARM d'Apple. Selon Apple, les développeurs peuvent télécharger la dernière version de Xcode, la recompiler et faire fonctionner la plupart des applications de manière multi-plateforme en quelques jours seulement.
Apple a centré sa démonstration sur les produits de deux éditeurs qui concernent particulièrement les utilisateurs : Microsoft et Adobe. Le constructeur a fait tourner les versions natives d'Office sur son silicium, y compris les versions de Word, Excel et Powerpoint utilisées aujourd'hui sur Mac. Tout était rapide, réactif et fluide. Dans le cas d’Adobe, Apple a fait exécuter des tâches assez lourdes et nécessitant de très gros ensembles de données par Lightroom et Photoshop (Première n'a pas été pris comme exemple). L’exécution des applications professionnelles sur le silicium d’Apple semble prometteuse. En utilisant un kit de développement avec un A12Z, le constructeur a fait la démonstration d’un travail de montage dans Final Cut Pro utilisant trois vidéos ProRes 4K simultanées, avec application d’effets en temps réel pendant la lecture comme des titres et des lens flare.
Quid des apps natives ? Les apps pour iPad fonctionnent sur Mac, sans aucune modification de la part du développeur ! (Crédit : Apple)
Et qu'en est-il des applications natives ? Les Mac tournant sur des puces Apple pourront faire tourner les apps pour iPad et iPhone en natif, sans aucune modification de la part du développeur ! Ces apps seront disponibles sur l'App Store et téléchargeables à volonté. Apple en a fait la démonstration avec trois applications fonctionnant en même temps dans des fenêtres séparées : Monument Valley, Fender Play et Calm. Aucune de ces applications n'est encore disponible pour Mac, mais elles sont toutes disponibles pour iPad.
Rosetta2 pour les apps non-natives
Une mise à jour du logiciel Rosetta qu'Apple a introduit lors de la transition de sa plateforme PowerPC vers Intel doit permettre d’exécuter les apps qui ne sont pas remaniées pour les puces d'Apple. Rosetta2 traduira les apps développées pour les processeurs Intel pour qu'elles fonctionnent sur les processeurs ARM d'Apple.
Pour apaiser les craintes des utilisateurs professionnels, Apple a montré que Maya fonctionnait assez bien avec l'émulation de Rosetta. (Crédit : Apple)
La dernière version de Rosetta traduit la plupart des apps installées, mais elle peut également effectuer une translation dynamique en temps réel d’éléments comme JavaScript qui ne peuvent pas être traduits à l'avance. Apple promet de meilleures performances et une meilleure compatibilité que celle offerte par la première version de Rosetta (qui étaient déjà assez impressionnantes). Le constructeur a même fait la démonstration de deux apps complexes : le logiciel de modélisation et d'animation 3D Maya, et le jeu Shadow of the Tomb Raider. Les performances et le niveau de détail du jeu, exécuté en 1080p sur un processeur A12Z, étaient bons. La virtualisation sera également prise en charge. Apple a fait la démonstration d’une session Parallels VM fonctionnant sous Linux pour créer un serveur web Apache.
Shadow of the Tomb Raider a plutôt bien fonctionné en mode émulé, et il utilisait même une manette de jeu. (Crédit : Apple)
Calendrier de la transition
Alors, à quel moment auront lieu tous ces changements ? Quel impact peut-on prévoir pour l’utilisateur ? Si Apple a donné des détails sur la chronologie, il est resté vague sur de nombreux points. D’abord, les développeurs pourront s'inscrire pour acheter le kit de transition. Celui-ci comprend un boîtier Mac mini équipé d'un processeur A12Z, 16 Go de RAM, un SSD de 512 Go et tous les logiciels nécessaires pour commencer à créer des apps Mac pour les processeurs Apple. La livraison de ces kits démarrera pendant la semaine de la WWDC20 (22-26 juin).
Le kit de transition destiné aux développeurs n’a rien à voir avec les produits qui seront commercialisés plus tard cette année. (Crédit : Apple)
Mais la promesse faite par Tim Cook est peut-être la plus grande surprise de cette conférence. En effet, celui-ci a annoncé que le premier Mac tournant avec une puce Apple serait disponible avant la fin de l'année. Il faudra un certain temps avant que tous les Mac tournent sur le propre processeur d'Apple – Tim Cook a dit que cela devrait prendre deux ans. Cependant, le constructeur ne va pas complètement abandonner les processeurs Intel. Le CEO a déclaré qu'Apple préparait des Mac basés sur Intel, et que le développement du système MacOS pour puces Intel se poursuivra et que l’OS sera toujours supporté pendant les années à venir.
Le premier Mac équipé d'un processeur Apple sera livré avant la fin de l'année. (Crédit : Apple)
Cette transition ressemble à celle menée par Apple lors du passage de la plateforme PowerPC à la plateforme Intel. Il convient de noter qu'Apple a achevé sa transition produit avant la date prévue et a continué à maintenir la compatibilité entre son système Mac OS X et les puces PowerPC pendant trois ans après la fin de la transition. Personne ne peut dire pour l’instant si Apple prévoit de reproduire ce calendrier à l’identique !
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