Publiant ses résultats financiers en décalé - fin août 2023 signe la fin de son 2e trimestre fiscal 2024 - Workday n'a pas démérité sur la période écoulée, loin de là. « Le premier semestre a été dynamique pour ne pas dire historique avec un niveau d'activité extrêmement élevé », a expliqué Hubert Cotté, directeur général de Workday France à l'occasion d'un point presse ce lundi 2 octobre 2023. « On sent que les clients analysent les investissements de manière beaucoup plus approfondi y compris sur les aspects financiers et business case mais on ne constate pas de baisse d'activité à proprement parler ». Sur le trimestre écoulé les revenus ont ainsi progressé de 16,3 % à 1,79 Md$ et la croissance des abonnements à ses solutions de planification financière et de gestion des ressources humaines a bien augmenté (18 %) sur un an. Mais le groupe anticipe toutefois des prochains mois plus délicats sur ce dernier indicateur en révisant à la baisse la croissance de ses revenus de souscriptions entre 17 et 19 points pour tenir compte des indicateurs macro-économiques. « On reste assez vigilants, on ne peut pas nier de la tension côté clients qui sont eux-mêmes très à l'écoute des signaux faibles ou moins faibles du contexte économique et géopolitique global », poursuit Hubert Cotté. En début d'année, le groupe avait annoncé une réduction de 3 % de ses effectifs, soit 525 postes.
L'éditeur préfère malgré tout voir le verre à moitié plein, particulièrement en France où, malgré le retard à l'allumage sur la facturation électronique, ce domaine constitue un vecteur fort d'investissement fort aux yeux de Workday pour qui la France arrive en 3e position en Europe derrière la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Outre la partie plateforme, le PaaS Extend permet à ses clients de composer leur ERP avec de la personnalisation et de la connecter avec des applications tierces, c'est - sans surprise - sur l'IA générative que le groupe veut mettre le paquet. « On voit poindre une approche de refondation d'un ERP composable avec de l'agilité opérationnelle et de la résilience et des gains de productivité potentiels avec l'IA générative », explique Pierre Gousset, vice-président EMEA avant-ventes de Workday. En France, comme d'autres pays d'Europe, l'Hexagone est en phase d'expérimentation et de prototypage de cas orientés gains de productivité pour de la simplification de l'automatisation de tâches, de la création de contenus automatiques sans passage à l'échelle pour autant avec en toile de fond un focus particulier sur la protection et la façon dont sont utilisées les données avec une approche par les risques plutôt que par opportunité.
Des LLM hybrides branchés sur la plateforme de machine learning de Workday
Conformément à ce qu'il a annoncé lors de son dernier événement Rising, Workday compte essaimer ses fonctions d'IA générative tout au long de l'année 2024 pour ses clients, en fonction des cas d'usage. « L'IA générative sera livrée dans le cadre de la souscription actuelle à nos offres gratuitement », indique Pierre Gousset. Une pierre dans le jardin de SAP qui a annoncé faire payer le client ? « Pour être tout à fait transparent, cela ne veut pas dire qu'à l'avenir toutes les innovations que l'on va apporter et motorisées par de l'IA générative vont être livrés dans la souscription actuelle », prévient toutefois Pierre Gousset. Surfant sur la vague - tardivement diront les mauvaises langues - Workday explique qu'il s'est lancé dans l'IA générative en 2020 avec l'adoption des premiers grands modèles de langage à l'époque pour des problématiques d'optimisation de processus, de reconnaissance de caractères sur les factures ». Une fois ses premiers cas d'usages « infusés à l'IA générative » en testant des grands modèles de langage sur lesquels reposent en particulier sa plateforme Skills Cloud, le fournisseur indique avoir fait appel à des grands modèles de langage spécifiques pour certains combinés à d'autres propriétaires pour « apporter de de la transparence complète sur les données que ces LLM utilisent, l'intention, le traitement des biais, la satisfaction des exigences réglementaires et le besoin de traçabilité », poursuit Pierre Gousset.
Pour l'instant, officiellement du moins, Workday reste discret sur les LLM du marché qu'il utilise. « On n'utilise pas OpenAI car son approche par les risques ne résistera pas longtemps. Les grands modèles de langage qui prennent leurs données dans l'Internet public ce n'est pas notre approche aujourd'hui ». Parmi ceux qui pourraient trouver grâce à ses yeux, on pense pourquoi pas à Llama 2, Claudie 2 ou encore MPT-7B racheté récemment par Databricks. L'éditeur en dira plus à ce sujet sur sa prochaine conférence Rising à Barcelone (14-16 novembre 2023) que la rédaction couvrira. Les traitements d'ingérence de Workday sont effectués sur sa plateforme de machine learning en Europe dans le cloud AWS localisé à Francfort. Un frein pour certains clients ? « Aujourd'hui cela n'a jamais été un sujet de blocage : on a 4 850 clients et 30 % qui utilisent au moins un cas d'usage ML toutes les semaines représentant 50 millions d'inférences par semaine et 30 milliards de records à gérer », poursuit Pierre Gousset. « On a été associé depuis 2019 aux travaux sur l'IA Act et l'approche par les risques de l'Union Européenne est également la notre ».
La création automatisée de descriptions de postes, cas d'usage numéro 1
Parmi la petite douzaine (11) de cas d'usage mis en avant par Workday, un en particulier revient en boucle dans la bouche des dirigeants français et européen de l'éditeur, à savoir la création automatique de description de postes. « On considère que chaque année dans Workday 30 millions de descriptions de postes sont créés. Quand on mesure le temps moyen, c'est une à deux heures pour chaque description. Il est clair que quand on automatise la création de contenus et que l'on place l'utilisateur dans une position de validation voire de modération pour changer le ton ou faire de la modération on obtient des gains de productivité », avance Pierre Gousset. En pratique, le gain de temps est estimé entre 30mn et 1h30 par offre. Un cas d'usage loin d'être le fruit du hasard puisque Workday estime que 30 % des offres d'emplois publiés chaque année aux Etats-Unis sont créés via sa plateforme... soit une véritable mine d'or de clients potentiellement intéressés à recourir à l'IA générative qui devront accepter cependant la règle du jeu d'une architecture multi-tenant : « quand un client souscrit il accepte de mettre à disposition ses données pour que l'algorithme s'applique dessus mais il bénéfice aussi des données des autres pour fiabiliser l'algorithme », indique Pierre Gousset. Et Hubert Cotté de préciser : « on n'automatise pas la décision, mais on augmente la capacité d'améliorer ce que le système va apprendre ». Une décision à rebours de celle d'Oracle qui entraine ses algorithmes dans une instance privée pour éviter de voir les données des clients utilisées pour aider à cet apprentissage ? « Dans ce modèle techniquement quand il y a une inférence cela part sur une autre instance, les données sont exportées, stockées pendant un certain nombre de jours et ensuite cela renvoie la donnée... Nous on ne stocke pas la donnée client autre part que sur notre production de données, on ne l'exporte pas ».
D'autres cas d'usage sont poussés pour mettre à jour les bases de connaissances liées aux services RH partagés comme les politiques de rémunération afin de créer des résumés, des FAQ, des toping points pour les managers à partir desquels les administrateurs peuvent modérer le ton, générer la traduction en plusieurs langues... « Ce sont des sujets sur lesquels la fonction RH passe énormément de temps lorsqu'elle est chargée d'émettre de nouvelles politiques internes », poursuit Pierre Gousset. Autre cas d'usage mis en avant, sur la partie financière tel que l'analyse de contrats fournisseurs pour comparer avec l'IA générative les contrats disponibles en version PDF avec ceux rattachés aux transactions des systèmes et fournir un mode conversationnel aux utilisateurs pour leur identifier et montrer les différences entre eux, leur suggérer des questions à vérifier dans le contrat comme les clauses de résiliation et les conditions générales de paiement pour traiter en direct les inconsistances ». Sur la partie reporting, un autre cas est de permettre à un utilisateur de poser une question « quelles sont les prévisions de revenus sur tel trimestre » pour produire une réponse explicite pour l'utilisateur final.
Une fonction DAF transformée avec l'IA
Au travers de ses multiples à base d'IA générative, Workday affirme que l'humain reste au coeur du processus de décision et qu'il reste donc indispensable, mais on ne peut s'empêcher de penser que son périmètre pourra être fortement réduit. Une aubaine pour les entreprises de requalifier/recentrer certaines forces vives à l'instar des directeurs administratif et financier dans un futur où un DG pourrait directement s'adresser à une IA générative plutôt qu'à un collaborateur ? Rien n'est moins sûr pour l'éditeur : « On est face à une intelligence augmentée, mais pas une intelligence qui va remplacer la fonction du DAF, pas plus que la fonction comptable n'a été remplacée quand on a inventé la calculatrice », avance Pierre Gousset. Et Hubert Cotté d'enchainer : « Il y aura toujours une phase d'analyse, de contrôle, d'interprétation et le job du DAF n'est pas le même qu'il y a 15 ans. Il a largement élargi son champ d'intervention, il devient le fournisseur de données augmentées pour les directions opérationnelles et pas simplement le garant de l'orthodoxie des données financières. Dans un périmètre ancien très comptable driven et saisie de transactions comptables, oui l'intelligence de systèmes risque d'avoir un impact sur cette fonction-là ».
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