Supprimé en 2020 pour cause de pandémie, le salon Vivatech a pu ouvrir ses portes pour l’édition 2021 mais avec un protocole sanitaire stricte. Un avantage à cette contrainte, moins de queue pour rentrer et une circulation plus aisée dans les allées. L’évènement cette année intervient au lendemain de la réunion qui s’est tenue à l’Elysée sur le programme Scale-up Europe. Il s’agit d’une initiative lancée en mars 2020 par Cédric O, secrétaire d’Etat au numérique avec pour ambition de favoriser l’émergence de géants européens dans le digital. Le président Emmanuel Macron vise « 10 entreprises à 100 milliards d’euros en 2030 ».
Mais avant de créer ces futures licornes européennes, il faut les faire démarrer, décoller et les accompagner pour le passage à l’échelle. C’était tout le débat de la plénière d’introduction du salon Vivatech. Cédric O en a profité pour vanter les mérites des 21 recommandations prévues dans le programme Scale-up Europe autour du financement, du recrutement ou des relations entre les grandes entreprises et les jeunes pousses.
Des obstacles à lever
Des bonnes intentions qui se heurtent à la réalité du terrain. Par exemple, Daniel Dines, co-fondateur et CEO d’UiPath, souligne en Europe « la difficulté pour les start-ups d’avoir accès au marché du service public, aux Etats-Unis ce n’est pas le cas ». Une des recommandations du programme prévoit justement la création d’un small business act dédié aux jeunes pousses. Une vieille antienne des PME-PMI pour réserver certains contrats aux entreprises nationales ou européennes, qui rentre en conflit avec le droit de la concurrence.
Outre cet aspect, le passage à l’échelle reste problématique et surtout la collaboration entre les jeunes sociétés et les grands groupes. « Les grands comptes ne représentent que 0,1% des investissements dans les start-ups », glisse Adrien Nussenbaum, CEO et co-fondateur de Mirakl (qui vient de lever 255 M€). Pour lui, il est urgent de revoir ces relations, « c’est plus un changement d’état d’esprit » et il milite « pour des échanges de compétences entre les deux mondes ». Il cite son exemple « avec l’arrivée de quelqu’un de chez IBM qui est resté pendant 9 mois et nous a beaucoup aidés dans l’industrialisation de la solution ».
Sur le financement, Marguerite Berard, directrice des réseaux France de BNP-Paribas, résume de manière imagée ce thème, « nous avons en Europe une forêt de Bonzaï, mais il manque de très grands arbres ». Pour autant, les investissements sont au rendez-vous, à hauteur de 40 milliards de dollars pour l’Europe. En France, en 2020, la French Tech a levé 5,4 milliards d’euros et prenait ainsi la deuxième position en Europe. Là encore, le passage à l’échelle est compliqué, surtout pour lever certains montants, et la plupart des acteurs se tournent vers les Etats-Unis et l’Asie pour suppléer à la frilosité européenne. Le programme Scale-up Europe vise à créer un marché unifié de l’investissement et à mobiliser des fonds institutionnels autour de l’innovation comme dans le cadre du plan Tibi en France.
Mais un territoire stratégique
Malgré ces barrières, l’ensemble des intervenants estiment que l’Europe reste un territoire à fort potentiel. « C’est le lieu où vont naître les prochaines grandes entreprises », souligne Daniel Dines d’UiPath. L’attractivité européenne est aussi de mise pour Jean-Charles Samuelian, CEO et co-fondateur d’Alan (Assurtech). « En France et en Europe, il est très facile de démarrer rapidement », estime-t-il. « Certains process administratifs fastidieux ont été supprimés ». Par ailleurs, le recrutement de talents va être amélioré avec la création d’un « visa tech européen ».
Difficile néanmoins dans les allées de Vivatech de savoir qui seront les prochains grands acteurs du numérique. L’écosystème de start-ups est varié sur une pluralité de sujets : développement durable, santé, cybersécurité, RH, logistique. Nous reviendrons sur les rencontres avec certaines des entreprises présentes. Elles croient en leur projet et ne demandent qu’à grandir, ce qui est finalement l’objectif du programme Scale-up Europe.
Commentaire