Pour Vinci Construction, la sélection des appels d'offres les mieux adaptés à la stratégie de ses business unit est une étape cruciale. Cette étape est en effet essentielle pour atteindre les objectifs commerciaux, mais est particulièrement chronophage. Pour ces différentes raisons, les équipes marketing et data du groupe de construction et génie civil ont mis au point une solution de présélection de ces appels d'offre par l'IA.
« Dans la division Route France pour laquelle je travaille, a précisé Pierre Monlucq, directeur marketing stratégique Vinci Construction à l'occasion du salon Big Data & IA 2024 à Paris, un chantier rapporte environ 300 000 euros. Or, le chiffre d'affaires annuel de chacune des 130 business units du groupe se situe entre 25 et 50 M€. Nous devons donc étudier entre 100 et 300 affaires par an pour l'atteindre ». Dernier paramètre de l'équation : l'analyse et la préestimation d'un appel d'offres durent entre 4 et 6 semaines.
Un projet mené par la division Route France
C'est justement la division Route France qui a porté l'idée du projet, puis sa mise en oeuvre. Elle s'occupe entre autres de chantiers de voierie, comme les rues, les parkings ou les places et d'infrastructures de transport, comme les autoroutes ou les aéroports. Avec ses trois métiers (travaux, production industrielle, matériaux et recyclage), cette division réalise 5 Md€ de CA pour 19 000 employés. Pour sélectionner un appel d'offre qu'elle pourrait rejoindre, elle déroule un processus en trois étapes. La recherche sur les plateformes d'appels d'offre publics ou privés, la pré-analyse et la pré-estimation, et enfin l'analyse détaillée et le chiffrage. « C'est pour la seconde phase que l'utilisation de l'IA est la plus intéressante, » a précisé Pierre Monlucq, « parce que c'est la plus longue. Nous devons renseigner les appels d'offres dans un tableau, puis extraire les différents champs dont nous avons besoin. Enfin, les chefs d'agence décident à partir de cela, quels appels d'offres étudier en fonction de sa stratégie ».
Pierre Monlucq, directeur marketing stratégique Vinci Construction (à G), et Victorien Melot, responsable IA de Vinci Construction (à D), à l'occasion de Big Data & IA 2024, à Paris. (Photo ED)
Avec Select, les appels d'offres sont déposés dans la plateforme pour que l'IA en extraie 24 data comme le nom du client, celui du maitre d'ouvrage, celui du bureau d'étude, l'endroit où vont se dérouler les travaux, la date limite de réponse, le mode de paiement, etc. Une opération qui ne dure plus que quelques secondes contre une trentaine de minutes avec la méthode classique. L'IA réalise ensuite une pré estimation de l'intérêt de l'appel d'offres en exploitant la base d'anciens documents dont l'entreprise dispose. Une base à la fois riche en quantité et qualité de data, si l'on en croit Vinci Construction. La solution donne ainsi plus rapidement davantage d'informations pertinentes aux chefs d'agence pour prioriser les appels d'offres auxquels ils vont choisir de répondre. « Qui plus est », a insisté Pierre Monlucq, « lorsque nous aurons traité tous nos dossiers via Select, nous aurons une visibilité sur le marché qui nous est accessible. Ce que nous n'avions pas forcément auparavant ».
Enseigner les règles métier à l'algorithme
Le projet s'est déroulé pendant 20 mois en 4 phases successives de cadrage, incubation, industrialisation et déploiement. Il a été incubé durant 6 mois au sein du programme de prospective et d'innovation Leonard du Groupe VINCI, avant d'être industrialisé et déployé. Le cadrage a été réalisé à partir d'interviews dans les agences, comme l'a raconté Victorien Melot, responsable IA de Vinci Construction. « Cela a permis de prendre conscience des contraintes de temps, et de prendre en compte toutes les règles métier à intégrer dans l'algorithme. C'est pour cela qu'il est important que nos data scientists soient bien sûr des experts du développement en Python, mais qu'ils disposent aussi tous de compétences fonctionnelles ».
Lorsqu'une initiative est sélectionnée pour le programme Leonard, comme cela a été le cas de Select, le groupe met une personne à disposition des équipes durant 6 mois. L'idée de départ est développée avec les experts de Leonard, qui vont estimer son ROI. En fin d'incubation, l'équipe repart avec un prototype fonctionnel et peut industrialiser avec sa DSI locale. Un financement par le groupe Vinci permet d'atténuer les risques associés.
Un prototype en low code, puis un pilote en .Net
« La 3e phase, celle de l'industrialisation, consiste à développer un pilote à partir du prototype réalisé en low code dans le cloud à partir d'un package Python, lors de l'incubation », a poursuivi Victorien Melot. « La solution a été redéveloppée en .Net et Angular. Nous avons ajouté une base SQL pour les logs et les résultats d'exécution de l'algorithme d'IA afin de suivre la performance, puis nous avons écrit des scripts de déploiement ». Alors que les phases d'incubation ont impliqué des data scientists technico fonctionnels et des responsables métier, pour l'industrialisation, ce sont des data engineers et des devops qui ont travaillé avec des responsables produit métier.
« Nous avons démarré le projet avant le boom des grands LLM, a par ailleurs raconté Victorien Melot. Pendant 6 mois, nous avons travaillé avec des modèles open source, avec beaucoup de règles métier pour identifier l'endroit dans le document où se trouvait le maître d'oeuvre, les pénalités, par exemple. Puis ChatGPT est arrivé, et on s'est aperçu que tout ce que l'on avait fait devenait beaucoup plus simple. Mais un peu moins de deux ans, pour un projet informatique, cela reste raisonnable ».
800 utilisateurs et plus de 5400 appels d'offres déposés
Les chefs d'agence ont été formés à la solution, et 800 employés l'exploitent déjà dans 124 agences sur 133. « Plus de 370 personnes y ont déjà déposé un appel d'offres », a complété Pierre Monlucq. « Au total, plus de 5 400 appels d'offres y ont été déposés ». Le binôme a par ailleurs annoncé avec fierté la note de satisfaction de 7,34 sur 10 donnée par 115 utilisateurs anonymes. « Select a permis d'extraire environ 19 champs sur les 24 concernés dans 80% des appels d'offres », a précisé Victorien Melot. « Et le temps moyen d'analyse n'est plus désormais que de 35 secondes contre une demi-heure » !
Des résultats qui conduisent les deux responsables du projet à déjà envisager la suite, comme l'adaptation à d'autres métiers ou d'autres divisions. Gourmands, les utilisateurs réclament aussi davantage d'aide en phase d'étude, y compris pour la rédaction des mémoires techniques.
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