Pour un groupe comme L'Oréal, qui compte 37 marques, la montée en puissance de l'IA ouvre plusieurs pistes, comme l'explique Jean-Paul Paoli, le directeur de la transformation IA générative de la société de cosmétiques : le conseil en produits, le diagnostic automatisé de soins de la peau ou des cheveux, la prédiction des effets d'un produit ou encore le coaching sur la durée. « Chacune de nos marques offre d'une façon ou d'une autre déjà des services s'inscrivant dans ces logiques », résume le responsable, qui s'exprimait lors d'un atelier sur le World AI Cannes Festival (du 8 au 10 février). Sauf que ces contenus ou services ne sont pas forcément simples à exploiter pour les utilisateurs, du fait de leur manque de personnalisation, de la difficulté à y accéder en situation d'achat (comme dans un rayon) ou encore de la masse de contenus accessibles sur ces sujets et souvent issus des réseaux sociaux.
Pour Jean-Paul Paoli, ce sont ces constats qui ont poussé la société, qui a réalisé 20,6 Md€ de chiffre d'affaires sur les 6 premiers mois de 2023 (en progression de 12% sur un an), à lancer Beauty Genius, une application basée sur une interface de chat développée avec l'IA générative et s'interfaçant à ces différents services et contenus. Dévoilée lors du CES de Las Vegas en janvier, l'application s'appuie sur « la base de données la plus riche au monde sur tous les aspects de la beauté, de la connaissance de la peau et des cheveux à la science de la formulation, en passant par les routines de beauté et la communication avec le consommateur », avait vanté le directeur général de L'Oréal, Nicolas Hieronimus. Pour ce dernier, l'outil doit aider les consommateurs à mieux se repérer dans les gammes de produits que commercialise le groupe. « 70% d'entre eux se sentent dépassés par le nombre de choix disponibles », expliquait le dirigeant sur la scène du CES, à Las Vegas.
Entraînement sur les données maison
Pour Jean-Paul Paoli, la vocation de Beauty Genius est précisément d'amener une personnalisation des conseils, diagnostics et services de coaching. « Le modèle a été entraîné sur des jeux de données spécifiques, regroupant 6000 images, 10 000 descriptions de produits ou encore 15 000 images annotées par des dermatologistes », précise l'expert. A Las Vegas, Barbara Lavernos, directrice générale adjointe de L'Oréal, en charge de la recherche, de l'innovation et de la technologie, avait décrit l'app pour smartphone comme la « combinaison des technologies les plus avancées : réalité augmentée, vision par ordinateur et science des couleurs. Nous avons intégré plus de 10 LLM différents et une architecture très sophistiquée ».
Jean-Paul Paoli, directeur de la transformation IA générative de L'Oréal : « Parvenir au bon niveau de pertinence et d'empathie dans les réponses fournies par le modèle reste un défi ». (Photo : D.R.)
Jean-Paul Paoli ne fait pas mystère des difficultés qui se posent encore dans le perfectionnement d'un service qu'il décrit comme étant encore en développement. « Parvenir au bon niveau de pertinence, en proposant une liste restreinte de produits adaptés, et d'empathie dans les réponses fournies par le modèle reste un défi », observe le directeur de la transformation IA générative de L'Oréal. D'autant que l'app doit rester très réactive, puisqu'elle est conçue pour être mis entre les mains d'un consommateur effectuant ses choix en rayon.
La piste de l'efficacité opérationnelle
Au sein du groupe de cosmétiques, l'IA générative pourrait également améliorer l'efficacité opérationnelle, ajoute Jean-Paul Paoli. Qui cite notamment le cas du service client, où environ 60% du temps des agents est consacré à des tâches administratives, évalue-t-il. « Sur des tâches comme la compréhension des demandes, la connexion aux bonnes personnes dans l'organisation ou la saisie des dossiers dans le système, l'IA générative peut avoir un impact significatif », indique-t-il. Tout en notant que ces apports soulèvent quelques défis en matière d'intégration aux systèmes en place ou de conduite du changement.
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