Initiée par l’institut Mines Télécom Business School (IMT-BS), la chaire « inventivités digitales » est un projet ambitieux. L’idée ? Explorer les nouvelles opportunités offertes par les pratiques numériques, aussi bien à l’université qu’en entreprise. Un objectif qui passe avant tout par une approche interdisciplinaire. Pour préparer son programme, l’école de commerce de l’institut Mines Télécom s’est alliée à plusieurs partenaires : Télécom SudParis (école d’ingénieur) et l’Esad de Reims (école de design) pour le côté universitaire, le cabinet Davidson Consulting, qui finance une partie du projet, pour le côté entreprise, et deux espaces dédiés aux arts numériques, le Siana (Evry) et le Cube (Issy-les-Moulineaux).
Cette chaire s’articule autour de cinq axes de travail. Le premier est un Master 2 dans les locaux de l’institut à Evry, où la part belle est faite à la « pédagogie expérientielle », détaille Flavien Bazenet, enseignant-chercheur en entrepreneuriat à IMT-BS et titulaire de la chaire « inventivités digitales ». Les étudiants enchainent les projets en équipes interdisciplinaires et reçoivent quelques enseignements théoriques pendant le premier semestre, et partent en stage pendant le second. Un projet testé depuis le mois de septembre avec vingt étudiants des trois écoles partenaires. « L’idée, c’est de les former à des métiers émergeants voire qui n’existent pas encore », explique M. Bazenet. « On espère créer des profils à cinq pattes, des chefs de projet avec une vision créative, des directeurs artistiques qui prennent en compte la technique, des ingénieurs axés design thinking… ». Les frais de financement sont ceux d’une formation publique habituelle.
Une semaine pour déjouer le formatage des étudiants
Dès l’an prochain, le Master s’ouvrira à tous les étudiants du circuit Mines-Télécom en France. A terme, une version spécialisée devrait être développée en parallèle, pour des candidats déjà diplômés. Contrairement à la version actuelle, il s’agira d’une formation payante pouvant être financée par l’entreprise du postulant. Ensuite, des défis sont réalisés par des groupes d’étudiants autour de problématiques prospectives proposées par une ou plusieurs entreprises partenaires. Durant un trimestre, 80 étudiants travaillent en suivant une méthodologie « design thinking » tout en étant accompagnés par une équipe pédagogique ainsi que par des experts entreprises. L’occasion de travailler « en mode consultant » pour de vrais clients.
Le troisième point de la chaire est proposé à l’ensemble des étudiants et l’IMT-BS et de Télécom SudParis. Il s’agit d’une semaine dédiée à la création et à l’innovation. Elle a eu lieu en novembre dernier. « On s’est aperçu que dès qu’on mettait sur pied des projets entrepreneuriaux avec les étudiants, ou quand on leur demandait d’avoir des idées un peu nouvelles, ils étaient un peu perdus », analyse Flavien Bazenet. « On a identifié deux raisons à cela : d’une part ils font très peu de veille et de prospective donc ils ne savent ni dans quel monde ils vivent ni dans quel monde ils vivront demain, et d’autre part ils sont très formatés. Ils ont énormément de mal à sortir de ce qu’ils ont déjà vu. Donc on essaye de les sortir de ça en les stimulant avec des expositions artistiques ou des conférences, de les mettre en danger dans leurs pratiques avec des pitchs théâtraux, des choses autour de la musique… Ils testent plein de choses pendant une semaine, le tout dans des équipes où l’on met aussi des gens qui travaillent dans les entreprises, qui participent avec eux aux activités. »
Pendant la semaine de la création et de l'innovation, les étudiants de l'IMT-BS et de Télécom SudParis participent à plusieurs ateliers en équipe avec des professionnels du secteur. (Crédit : Institut Mines-Télécom Business School)
Un MooC gratuit sur l’innovation en entreprise d’ici 2020
Les trois axes restants s’adressent davantage aux professionnels. Un livre blanc sera rédigé sur trois ans avec Davidson Consulting. Il portera sur la créativité en entreprise et le management de l’intelligence collective. « Par exemple, on se rend compte que le brainstorming est souvent très mal utilisé en France. On va essayer de remettre tout ça dans le bon ordre », explicite M. Bazenet. Un MooC sera également mis en ligne début 2020. Il s’agira d’une « boîte à outils dans laquelle les gens pourront piocher des contenus ou des techniques », poursuit le titulaire de la chaire. Sur cinq semaines, l’objectif sera de revenir sur ce qu’est la recherche et comment elle peut devenir un outil en entreprise. La formation devrait être disponible gratuitement sur le site FunMOOC. Elle ne sera sûrement pas diplômante en première session mais pourrait le devenir, ou s’intégrer dans une formation plus large délivrant une certification.
Enfin, le dernier point est un lieu. Il s’agit d’un « creative design center » inauguré il y a une semaine au sein du bâtiment Etoile de l’IMT-BS, aux côtés d’un fablab et d’un incubateur déjà existants. Ce lieu sera ouvert aux partenaires de l’école désirant utiliser certains outils sur des besoins spécifiques comme du prototypage ou des tests d’applications.
Un « creative design center » a été ouvert aux côtés du fablab et de l'incubateur du bâtiment ETOILE de l'IMT-BS. (Crédit : Institut Mines-Télécom Business School)
100 000 € d’investissement par an
Au total, l’investissement pour cette chaire s’élève à 100 000 euros par an. Un montant partagé entre les trois écoles et le cabinet Davidson Consulting. « Ils sont intéressés pour soutenir ce genre de méthodes car ce sont des problématiques auxquelles ils sont eux même confrontés avec leurs clients », rappelle Flavien Bazenet. « Ça peut les aider à débloquer des problèmes chez eux, et ils ont également besoin d’outils qu’on va pouvoir développer avec eux. Et puis bien sûr, ils viennent chercher des nouvelles recrues. Ils ont du mal à trouver des moutons à cinq pattes comme ceux que nous comptons former. »
L’IMT-BS cherche d’ailleurs d’autres partenaires du même type pour la suite du développement de la chaire. L’appel aux entreprises désireuses de se lancer dans le mécénat est lancé.
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