L'OCDE, un organisme d'analyse économique mandaté par le G20, monte le ton face aux multinationales du web qui tirent parti des failles de la fiscalité des pays européens pour régler le moins de taxes ou d'impôts possible. Dans son viseur : Google, Apple ou Amazon sont ciblés sans être nommés. L'OCDE annonce que des solutions coordonnées sont nécessaires pour faire en sorte que les systèmes fiscaux ne procurent pas des avantages indus aux entreprises multinationales, au détriment des citoyens et des petites entreprises beaucoup plus imposés. L'étude s'intitule "Lutter contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices". Elle devrait servir de base de discussion au G20 Finances qui se tient vendredi prochain 15 février à Moscou et qui réunit les ministres des finances des vingt plus importantes économies mondiales. 

L'étude constate que certaines multinationales utilisent des stratégies qui leur permettent de ne payer que 5 % d'impôts sur les bénéfices, alors que des entreprises plus petites en acquittent jusqu'à 30 %. Les travaux de l'OCDE montrent également que certains petits pays et territoires jouent un rôle de relais. Ces pays reçoivent des entrées d'IDE (Investissements directs à l'étranger) excessivement élevées par rapport aux grands pays industrialisés, et réalisent des investissements tout aussi disproportionnés dans de grandes économies développées et émergentes. En Europe, il s'agit de l'Irlande, des Pays-bas, du Luxembourg et de Chypre. « Bien que techniquement licites, ces stratégies sapent la base d'imposition de nombreux pays et menacent la stabilité du système international » prévient Angel Gurría (photo), secrétaire général de l'OCDE. Le secrétaire général parle sans détour : «  Les pouvoirs publics et les citoyens ont du mal à joindre les deux bouts. 


Chacun doit payer sa juste part d'impôt

Dès lors, il est  « essentiel que tous les contribuables - particuliers et entreprises - paient leur juste part d'impôts et aient confiance dans la transparence du système fiscal international.  » Selon l'OCDE, de nombreuses règles existantes qui protègent les groupes multinationaux de la double imposition leur permettent trop souvent d'échapper complètement à l'impôt. Toujours selon le rapport, ces règles ne sont plus en phase avec l'intégration économique internationale actuelle et ne reflètent pas la valeur de la propriété intellectuelle ou les nouvelles technologies de communication.

Ces lacunes sont exploitées par les multinationales pour supprimer ou réduire leur impôt sur les bénéfices. Elles leur confèrent un avantage concurrentiel indu par rapport aux petites entreprises, elles entravent l'investissement, la croissance et l'emploi, et peuvent alourdir la charge fiscale supportée par le contribuable lambda. L'OCDE estime qu'en dix ans, les entreprises multinationales ont eu recours à des pratiques de plus en plus agressives en vue de payer moins d'impôts. Certaines d'entre elles, situées dans des pays à fiscalité élevée, créent de nombreuses filiales ou sociétés de façade à l'étranger, en tirant systématiquement parti des allègements fiscaux qui y sont offerts.



L'OCDE va chiffrer les pertes de recettes

Par ailleurs, elles comptabilisent leurs dépenses et leurs pertes dans des juridictions fortement taxées et déclarent leurs bénéfices dans des juridictions à taux d'imposition faible ou nul.

Au final, le rapport ne prescrit pas des taux d'imposition optimaux, car  il estime qu'il revient à chaque pays de les déterminer. Dans les mois à venir, l'OCDE annonce qu'il élaborera un plan d'action, en partenariat avec les pouvoirs publics et avec les entreprises, afin de chiffrer les pertes de recettes au titre de l'impôt sur les bénéfices, d'établir un calendrier et de proposer des méthodologies pour déployer les solutions propres à renforcer l'intégrité du système fiscal mondial.