Le rachat de Slack pour 27,7 Md$ par Salesforce, la semaine dernière, a fait sensation deux jours avant l’ouverture de la conférence annuelle Dreamforce, privée cette année de l’habituelle édition physique qui transforme en ruche bourdonnante le Moscone Center de San Francisco. L’incontournable rendez-vous de l’écosystème Salesforce donne chaque année lieu à des surenchères sur le nombre de participants. Le voilà concentré cette fois sur les échanges virtuels. Le keynote de Marc Benioff, CEO de la firme, qui constitue toujours le point d’orgue de l’événement, a néanmoins été conservé sur un déroulé identique aux autres années. Le CEO l'a réalisé en direct au petit matin à San Francisco, depuis le Salesforce Park qui se trouve au bas de la tour de son siège social, dans un décor de Noël.
C’est dans ce cadre que Marc Benioff a accueilli pour un bref échange Stewart Butterfield, co-fondateur de Slack, dont les propres locaux se trouvent à quelques blocs d’immeubles de là. Le CEO de Slack a comparé le rachat de sa technologie par Salesforce à d’autres associations historiques dans l'IT, telles que VisiCalc et l’Apple II, estimant qu’il s’agissait d’un moment dont on se souviendrait dans quelques décennies. Concernant le présent rapprochement, il a décrit les différentes couches d’automatisation et d’applications (Sales Cloud, Marketing et Service Cloud) au-dessus desquelles Slack apporte la partie conversation, en contexte, permettant la prise de décision. « Quand vous mettez tout ensemble, vous avez vraiment l’opportunité d’une transformation numérique de bout en bout », a-t-il conclu.
Stewart Butterfield, CEO de Slack, dans le Salesforce Park, à distance respectable de Marc Benioff, compte-tenu des circonstances sanitaires. (Crédit : Salesforce)
Hyperforce pour déployer Salesforce sur les clouds publics
Comme les autres années, le keynote de Marc Benioff a fait une place de choix au monde caritatif, présenté les nouveautés technologiques et laissé la parole aux témoignages de clients. En ce contexte de pandémie, Salesforce a choisi de mettre en avant celui de la gouverneur de l’état de Rhode Island, Gina Raimondo, qui a utilisé les outils de CRM pour effectuer le plus rapidement possible un suivi des cas contacts au Covid-19. Le tout accompagné d’une politique de test au virus. Près de 30% de la population a été testée et le taux de test positif est inférieur à 2%. La gouverneur a donné d’autres exemples ayant permis de rationaliser certains traitements de son administration en les passant dans le cloud, notamment sur la gestion de l’assurance chômage. Plus tard, c'est Adrian Hallmark, CEO de Bentley Motors, qui a été invité à témoigner de l'utilisation des logiciels Salesforce.
Parmi les annonces produits de Dreamforce, le COO Bret Taylor a présenté Hyperforce. Le fournisseur californien a repensé l’architecture des logiciels Salesforce pour que ses applications Customer 360, les clouds Sales, Marketing et Service, mais aussi Commerce Cloud, Industries, etc. puissent à l'avenir être déployées sur la plupart des infrastructures de cloud public, de façon sécurisée. Les clients pourront choisir de stocker leurs données dans la région de leur choix pour respecter leurs impératifs réglementaires.
Créer des workflows d'automatisation sans coder
Du côté fonctionnel, Salesforce a annoncé Einstein Automate, une solution d’automatisation des workflows conçue pour améliorer la productivité des équipes, la situation sanitaire des derniers mois ayant montré la nécessité d’accélérer certaines tâches. L’offre s’appuie sur un outil de développement low code, Flow Orchestrator, qui permet de composer des workflows pour automatiser les processus complexes impliquant l’approbation de différents utilisateurs. Elle comprend également l’outil de connexion interapplicatif MuleSoft Composer. Dans le portefeuille Salesforce, Einstein désigne les technologies d’IA infusées dans les différents clouds de l’éditeur. Dans le cas de Flow Orchestrator, l’IA recommande les étapes successives des workflows et identifie les éventuels goulets d’étranglement qui pourraient les ralentir. Un exemple de création de processus est donné, celui de l’approbation d’un prêt hypothécaire qui nécessite des vérifications approfondies et peut être rationalisé en un flux de travail automatisé pour traiter les demandes sans délais. Flow Orchestrator n’arrivera pas avant l’été 2021, et seulement en version bêta.
Un exemple où Flow Orchestrator cartographie les différentes étapes d'un workflow destiné au traitement de prêts hypothécaires. (Crédit : Salesforce)
Quant au Mulesoft Composer, il va servir à connecter aux logiciels Salesforce des applications et données disparates utilisées dans les entreprises pour que les utilisateurs puissent obtenir « une vue à 360° de leurs clients sans coder une ligne », décrit le fournisseur dans un communiqué. Une bibliothèque de connecteurs et de modèles préétablis est fournie pour automatiser les intégrations ou pour créer rapidement un profil complet du client. Un autre exemple est donné. Les administrateurs Salesforce peuvent connecter l’ERP et le système de paiement de leur entreprise à Sales Cloud pour automatiser un processus qui démarre par l’élaboration d’un devis et se poursuit jusqu’à l’encaissement du règlement fait par le client. La disponibilité de Mulesoft Composer est annoncée pour début 2021. D’ores et déjà, sur la marketplace AppExchange de Salesforce sont proposées quelque 700 solutions d’automatisation construites par Salesforce et par ses partenaires : solutions de RPA, bots Einstein, modèles de flux, actions et composants, connecteurs Mulesoft, bibliothèques de processus, etc. Le tout accessible à partir de la page Einstein Automate. Autre solution déjà disponible, OmniStudio, permet de créer des interactions dynamiques avec les clients, sans coder, et les déployer sur différents canaux et terminaux. Des modèles de flux guidés permettront d’agréger les applications.
Planifier dynamiquement les équipes de support
Parmi les annonces produits figure également celle de Service Cloud Workforce Engagement, un logiciel de planification dynamique des ressources humaines qui permet aux responsables de départements d’organiser leurs équipes où qu’ils se trouvent, en fonction des différentes compétences. Cette solution répond aux besoins qui ont émergé depuis le début de la pandémie avec l’afflux d’appels aux services de support à travers tous les canaux (téléphone, mails, chat, médias sociaux) et la nécessité de devoir gérer des collaborateurs qui interviennent depuis leur domicile. Dans cette situation, les outils d’organisation basés sur site ne convenaient plus. La dispersion des équipes demande de disposer d’une vue connectée de l’ensemble des employés et des clients, souligne Salesforce. Au sein de Service Cloud Workforce Engagement, l’IA est utilisée pour prédire la demande auprès du service client, affecter les agents disposant des compétences dont on a besoin à tel ou tel moment.
Au début du mois, Salesforce a par ailleurs annoncé les résultats de son 3ème trimestre fiscal clos le 31 octobre dernier. Le chiffre d’affaires de l’éditeur SaaS a atteint 5,42 milliards de dollars, en hausse de 20% d’une année sur l’autre. Un bénéfice net GAAP de 1 Md$ est dégagé contre une perte de 109 M$ l’an dernier. Les prévisions pour le 4ème trimestre sont situées entre 5,665 Md$ et 5,675 Md$ (soit une hausse d’environ 17% par rapport à l’an dernier). Pour l’exercice fiscal 2021 qui s’achèvera fin janvier, l’éditeur prévoit un chiffre d'affaires situé entre 21,10 Md$ et 21,11 Md$.
Salesforce engagé sur le projet de cloud européen Gaia-X
Sur les 9 premiers mois de l’année, le marché européen a pesé 21% du chiffre d’affaires total de Salesforce. Les revenus de l’éditeur s’y sont élevés à 3,25 Md$, en hausse de 34,4%. Sur le 3ème trimestre, la progression y a été de 30,6% à 1,15 Md$. C’est la région qui « affiche la plus forte croissance depuis plusieurs années », a confirmé Denis Terrien, vice-président exécutif, CEO pour l’Europe du Sud de Salesforce, lors d’un point presse en ligne pour la France. Nommé en mai dernier en même temps qu’un autre CEO pour la région Allemagne/Autriche, le vice-président exécutif a réaffirmé la volonté de l’éditeur américain d’investir sur le continent. Hyperforce permettra de faire fonctionner les services sur tous les clouds du marché en offrant le data residency, a-t-il souligné, avant de rappeler que Salesforce avait également décidé de s’engager derrière l’initiative de cloud européen Gaia-X, à l’instar de nombreux autres fournisseurs.
Par ailleurs, les efforts réalisés par l’éditeur américain dans l’acquisition de compétences sur ses technologies se traduisent aussi en France. Salesforce a décidé d’y investir 1 M€ auprès de trois associations, la fondation Mozaïk, la fondation Simplon et Les Entreprises pour la Cité. La filiale française est toujours dirigée par Olivier Derrien qui reporte à Denis Terrien. Sur la partie emploi, ce dernier a indiqué que Salesforce France continuait d’embaucher 20% de plus au sein de son propre effectif et que, en tenant compte des postes créés dans l’ensemble de l’écosystème autour des applications cloud de l’éditeur, 1 800 postes étaient actuellement ouverts dans l'Hexagone. « Voici notre engagement sociétal pour aider la France à se transformer », a-t-il conclu.
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