L’année 2015 est « un bon millésime » pour le Truffle 100 France, ainsi que le souligne Bernard-Louis Roques, directeur général et co-fondateur de Truffle Capital qui établit ce palmarès annuel des 100 premiers éditeurs français de logiciels avec le Groupe CXP. Sur un chiffre d’affaires total de 12,7 milliards d’euros, en croissance de 8,5% par rapport à 2014, l'activité édition de logiciels a généré 7,5 milliards d’euros, soit une progression de 13,6%. Mais deux semaines avant la publication de ce Top 100, on apprenait aussi que le 6ème du classement, Cegid (qui a réalisé 282 millions d'euros l’an dernier) allait bientôt passer dans les mains d’investisseurs anglo-saxons. Sa sortie du classement en 2016 en modifiera à coup sûr la physionomie.
Parmi les points forts du 12ème Truffle 100 France publié aujourd'hui, le résultat net affiché par les éditeurs a doublé, à 1,186 millard d’euros et le taux de profitabilité est passé à 9,3% du chiffre d’affaires total, contre 5% en 2014. Les recrutements ont augmenté, l’effectif du secteur ayant été porté à près de 107 000 personnes contre un peu moins de 103 400 en 2014. Les investissements en R&D ont aussi progressé. En 2015, un millier de personnes ont été recrutées en recherche et développement, ces profils pesant maintenant 15,7% de l’effectif total, soit 16 800 personnes, contre 15% en 2014. Bernard-Louis Roques insiste sur le fait que les emplois créés par cette industrie du logiciel le sont essentiellement dans l’Hexagone. « Il y a toujours très peu de délocalisation », nous a-t-il rappelé, les éditeurs estimant cette activité stratégique et voulant garder leur savoir-faire et leur réactivité. A titre d'exemple, la société Talend recrute en ce moment pour le 2e centre de R&D qu'elle a ouvert à Nantes.
Le cloud, le SaaS et la mobilité continuent de tirer le marché
Dans le palmarès 2015, les cinq premiers du classement restent Dassault Systèmes (qui pèse toujours à lui seul 33,7% du chiffre d’affaires édition), Sopra Steria, Murex, Cegedim et Axway. Cegedim est toutefois passé de la 2e à la 4e place après avoir vendu sa division CRM et données stratégiques à IMS Health. Parmi les opérations de fusions/acquisitions de l’année, e-Front a été racheté par Bridgepoint en janvier 2015 et Ordirope par GFI Informatique en juin suivant. Par ailleurs, 24 éditeurs ont progressé dans le classement, tandis que 60 ont perdu au moins une place. Concernant les tendances qui ont tiré le marché, Truffle Capital et CXP placent très largement en tête le cloud computing et le SaaS, 74% des éditeurs du Top 100 indiquant avoir une offre de type Software as a service contre 68% en 2014. « Associées au SaaS, les API simplifient la connexion à d’autres applications pour créer des solutions innovantes. Leur utilisation est un catalyseur pour la création et la stimulation des écosystèmes numériques », décrit notamment Laurent Calot, président du Groupe CXP dans la présentation du palmarès. Tout juste derrière le cloud vient la mobilité. En 3e position, un peu plus loin, le développement des big data a également contribué à la progression du secteur.
Le Top 30 du 12ème Truffle 100 France portant sur l'année 2015.
En dehors de ces tendances technologiques, un certain nombre d’éléments expliquent les très bons résultats sur 2015. « De nombreux dispositifs ont été mis en place pour favoriser les éditeurs de logiciels, entre le Crédit Impôt Recherche, l’initiative French Tech, les fonds d’amorçage et autres », pointe Bernard-Louis Roques en mentionnant aussi la réforme envisagée des marchés publics qui rapproche du Small Business Act pratiqué outre-Atlantique pour faire une part aux PME dans les achats des administrations. Néanmoins, il reste un maillon faible. « C’est le financement des marchés de capitaux », fait-il remarquer en notant qu’en 2011, il y avait 33 éditeurs cotés dans le classement, et seulement 25 en 2015 (soit 3 de plus tout de même qu’en 2014). « A partir du moment où il y a une baisse du marché de capitaux, cela crée un vrai problème », nous a-t-il expliqué en rappelant qu’il y a en France une vraie différence d’approche des investisseurs par rapport à un marché boursier comme le Nasdaq, avec ici « une aversion pour le risque auquel répond, de l’autre côté de l’Atlantique, un goût prononcé pour la croissance ».
La croissance ne se reflète pas dans la valorisation des éditeurs
Or, le secteur de l’édition de logiciels enregistre une très grosse croissance (supérieure à celle de la Chine par exemple) qui ne se reflète pas dans la valorisation des éditeurs, moins valorisés que les sociétés traditionnelles du CAC 40. D’où le rachat des acteurs français par des fonds, intéressés par la plus-value qui peut être réalisée. « Il y a un différentiel de valeur entre la France et les Etats-Unis, on sait déjà qu’il y a une plus-value latente si la société est revendue aux Etats-Unis. On part d’une base où on paie plus que la moitié du prix », expose Bernard-Louis Roques. Pour pallier le manque d’intérêt des investisseurs français pour les valeurs de croissance, l’une des solutions serait de drainer l’épargne vers les valeurs cotées. Il y a pour cela le PEA/PME qui devrait normalement les financer et qui se retrouve en fait être un PEA pour les ME regrette le DG de Truffle Capital. Le 2ème moyen serait « d’avoir des politiques incitatives de l’épargne sur l’assurance-vie avec un fléchage d’une partie de cette épargne vers les sociétés de croissance ». Le manque de dynamisme sur les marchés de capitaux vient d’ailleurs de s’illustrer avec l’exemple de Cegid qui s’est adressé à des fonds anglo-américains.
La répartition du poids des éditeurs par région. L'Ile de France concentre 83% des sociétés.
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