Quel que soit l'état d'avancement de la transformation numérique des organisations, les DSI doivent fournir à leur conseil d'administration, à leurs comités de direction et à leurs employés des définitions des bénéfices attendus et des indicateurs d'avancement (KPI) mesurables.
En faisant quelques recherches, vous trouverez de nombreux cadres, taxonomies et recommandations pour les KPI de la transformation numérique. Par exemple, McKinsey propose cinq indicateurs pour les PDG à l'ère du digital, notamment le rendement financier des investissements numériques, le pourcentage des primes des dirigeants lié au numérique et le pourcentage du budget IT annuel consacré à des initiatives digitales de rupture. De son côté, Deloitte livre une taxonomie de 46 indicateurs définissant la valeur de la transformation numérique, mais reconnaît que 26 d'entre eux sont utilisés par moins de 55 % des organisations. Le MIT met en garde contre le fait que de mauvais KPI peuvent condamner la transformation numérique et recommande de miser sur un ensemble de KPI mesurant la valeur métier apportée par la transformation.
La sélection des KPI peut donc virer au casse-tête pour les DSI qui savent combien il est problématique de ne pas avoir de KPI, d'en avoir trop ou d'investir dans les mauvaises mesures. « Ce qui est mesuré est géré ; en d'autres termes, vos résultats seront déterminés par ce que vous mesurez », observe Martin Davis, DSI et associé gérant du cabinet de conseil Dunelm Associates. « Choisissez soigneusement ce que vous mesurez pour obtenir les résultats souhaités. Le nombre d'indicateurs doit être limité et gérable, idéalement trois ou quatre, et au maximum sept indicateurs clés, car les gens ne peuvent pas se concentrer sur plusieurs pages de données. »
Aligner les KPI sur les principaux objectifs
Les DSI devraient rechercher des indicateurs métiers ou commerciaux significatifs que les employés peuvent comprendre - et mettre en place des outils pratiques pour les mesurer. Les indicateurs de la transformation numérique doivent permettre de déterminer dans quelle mesure ce programme produit des résultats métiers ou commerciaux, quelles initiatives apportent de la valeur et dans quelle mesure l'organisation adapte sa culture et ses modèles opérationnels.
En se concentrant sur ces trois objectifs clés de la transformation numérique, les DSI peuvent simplifier la sélection de leurs KPI en tenant compte des éléments suivants :
Ces objectifs se chevauchent et sont interdépendants, mais le fait de les séparer de cette manière met en évidence les trois étapes que les DSI doivent suivre pour s'assurer que leurs KPI s'alignent sur leurs trois objectifs.
1. Définir des KPI stratégiques basés sur les résultats
Parce que les dirigeants et les membres du conseil d'administration veulent connaître l'efficacité de la transformation numérique par rapport aux objectifs stratégiques globaux, les DSI doivent sélectionner des indicateurs clés de performance qui démontrent les résultats obtenus par le portefeuille d'initiatives de transformation numérique. Les KPI à prendre en compte doivent appartenir aux catégories suivantes :
- Les indicateurs de croissance peuvent lier les revenus à un produit ou à un canal de vente numérique. Par exemple, dans le domaine des médias et du commerce électronique, les DSI peuvent sélectionner la croissance des revenus provenant des abonnements numériques et de la publicité.
- Les indicateurs d'efficacité peuvent montrer l'impact de l'automatisation et de la prise de décision fondée sur les données. Par exemple, les industriels peuvent mettre en lumière les gains financiers et la réduction des pannes associés à la maintenance prédictive liée au déploiement de l'IoT et du Machine Learning.
- Les mesures de l'expérience clients et employés peuvent découler d'enquêtes de satisfaction (CSat et Esat), d'analyses des sentiments sur les médias sociaux, de la croissance du chiffre d'affaires compte par compte et des évaluations de la fidélisation des employés. L'art consiste à poser les bonnes questions et à relier les mesures de l'expérience à la stratégie numérique et aux initiatives prioritaires.
- Les indicateurs de qualité peuvent être utilisés pour mesurer les améliorations résultant de la réduction des défauts, de la diminution de l'impact des erreurs humaines, de l'amélioration de la qualité des données et d'autres résultats d'initiatives illustrant l'impact de l'amélioration de la qualité.
- Les mesures de réduction des risques peuvent se concentrer sur les progrès en matière de sécurité, de continuité des activités et de conformité du fait des améliorations de la technologie, des données et des processus.
Comme l'observe John Patrick Luethe, associé directeur chez l'intégrateur Redapt, « de nombreuses transformations numériques sont imposées aux organisations, par exemple pour rester pertinentes dans un environnement concurrentiel, répondre aux exigences de conformité, s'adapter aux catastrophes naturelles ou éviter les perturbations liées à la technologie. » Dans ces circonstances, les DSI peuvent vouloir restreindre leurs KPI axés sur les résultats à ceux les plus susceptibles d'avoir un impact sur les défis qu'ils ont à relever et de signaler aux employés ce qui est d'une importance cruciale.
2. Aligner les KPI sur la nature des initiatives
Après avoir défini et communiqué les mesures basées sur les résultats, les DSI devraient laisser aux pionniers du numérique dirigeant les différentes initiatives de transformation le soin de proposer des KPI pour leur projet propre. En définissant au moins un KPÏ basé sur la croissance, l'efficacité, l'expérience clients ou employés, la qualité et la réduction des risques, ces leaders ne devraient pas avoir de difficultés à s'aligner sur au moins un des objectifs stratégiques.
Par exemple, voici comment Arvind Joshi, directeur des opérations IT et co-responsable du cloud public de la banque JPMorgan Chase, définit les KPI pour la stratégie de cloud multi-fournisseurs de son organisation : « Nous nous attachons à mesurer nos progrès par rapport à ce que nous avons décidé de faire, avec une vision équilibrée de nos résultats et défis. Nous suivons des indicateurs de performance sur l'exécution (respect des délais, durée du cycle d'adoption), les risques, les résultats (délai de mise sur le marché, taux d'échec des changements, incidents majeurs) et les coûts (coût total de possession avant et après adoption) ».
Arvind Joshi explique que ses équipes s'appuient sur les KPI existants, qui reflètent la stratégie technologique globale, et en ajoutent de nouveaux ciblant les meilleures pratiques en matière de cloud, telles que les Finops. « Cette approche de la mesure des performances du cloud renforce nos priorités à long terme en matière de technologie, maintient un modèle d'exploitation unique pour le cloud et sur site, et influence l'état d'esprit et les comportements de nos équipes chargées des applications afin d'équilibrer vitesse, coût et stabilité lorsqu'elles développent et font tourner le code. »
Martin Davis, de Dunelm, suggère aux leaders des projets de transformation de ne pas se contenter de savoir ce qu'il faut mesurer, mais de savoir quand le faire. Il recommande de sélectionner des indicateurs d'adoption et de mesurer la satisfaction des utilisateurs finaux pour les initiatives de transformation ayant un impact sur l'expérience clients ou employés. Et souligne la baisse de productivité qui survient généralement lors de la phase de gestion du changement. Un trou d'air qu'il recommande de bien appréhender via un timing adapté dans la mesure des KPI, afin de réduire la durée et l'ampleur de cette baisse.
Joe Puglisi, ancien DSI devenu investisseur, conseiller et membre de conseils d'administration, suggère de documenter les indicateurs avancés dès le début de l'initiative, car il n'est pas toujours possible d'avoir une vision parfaite des résultats lors des premières étapes de la planification. L'amélioration de la productivité résultant d'initiatives d'automatisation en est un bon exemple, étant donné que les effets peuvent ne pas se faire sentir tant que les employés n'ont pas été déplacés vers des tâches à plus forte valeur ajoutée. Joe Puglisi met en garde : « Évitez de définir des indicateurs clés de performance tardivement dans le processus de mise en oeuvre, car cela peut conduire à torturer les données jusqu'à ce qu'elles correspondent à ce que veulent les dirigeants. »
3. Définir des KPI de vélocité pour la transformation de la culture
Le troisième axe majeur des programmes de transformation numérique consiste à changer la culture et à développer les compétences au sein du personnel. Ces domaines sont souvent des catalyseurs qui peuvent avoir un impact sur le délai d'obtention des résultats commerciaux, sur leur ampleur et sur leur stabilité dans le temps.
Joanne Friedman, Pdg et directrice smart manufacturing chez Connektedminds, suggère d'utiliser trois indicateurs de performance clés basés sur la valeur : le temps d'accès aux données, le temps de la décision et le temps global d'atteinte de la valeur. Selon elle, « l'objectif de toute initiative de transformation devrait être d'améliorer la valeur globale de l'entreprise pour ses clients et partenaires commerciaux. Une transformation réussie apporte plus de valeur aux employés et aux clients, plus rapidement et à moindre coût. La mesure de la valeur associée à la vélocité reflète de manière plus appropriée les lacunes, les progrès et l'amélioration globale ».
Voici quelques exemples qui illustrent ces KPI de vélocité de la transformation interne :
- Les investissements dans le dataops, la qualité des données et l'automatisation des flux peuvent avoir un impact sur le temps d'accès aux données. Un délai plus court pour obtenir les données peut améliorer l'efficacité, par exemple en modifiant la production industrielle en cas de changement dans la demande d'achat.
- Le temps de prise de décision peut être influencé par la culture de la Data Science, la transformation avec des méthodologies agiles et d'autres changements de culture qui permettent une prise de décision décentralisée. Une prise de décision plus rapide peut avoir un impact sur les ventes, par exemple lorsque les responsables de la vente au détail utilisent des tableaux de bord pour modifier le placement et la tarification des produits en fonction du contexte local.
- Les pratiques agiles et devops, qui réduisent la durée du cycle de livraison des fonctionnalités et permettent des déploiements continus, sont des actions qui ont un impact sur le temps de création de valeur. L'amélioration de cet indicateur permet aux équipes d'expérimenter plus rapidement, de personnaliser les expériences et d'augmenter le chiffre d'affaires des produits et services basés sur des logiciels.
Joe Puglisi rappelle aux DSI que la communication est la compétence la plus universelle ayant un impact sur les résultats et la culture de la transformation numérique. « Il faut informer les employés de ce qui va se passer et reconnaître que les gens ont besoin d'entendre parler d'un changement au moins sept fois avant de s'en souvenir. » Mesurer les niveaux d'engagement des employés est un moyen de vérifier si les gens entendent et comprennent la vision, la stratégie et les objectifs de la transformation numérique.
Bien sûr, il s'agit ici d'une approche simplifiée de sélection des KPI de la transformation numérique. Mais, même ainsi, amener tout le monde à s'aligner sur les objectifs reste un défi. Plus important encore, les résultats visés et les initiatives prioritaires évoluent invariablement, de sorte que les KPI doivent évoluer aux aussi. L'adoption d'une méthodologie assurant un alignement top-down et bottom-up signifie que davantage de personnes et d'énergie peuvent se concentrer sur la planification et l'obtention de résultats, plutôt que de débattre de ce qu'il faut mesurer et de la manière optimale d'y parvenir.
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