En direct de Madrid. Chief Data Officer de Telefonica - près de 350 millions d’abonnés dans le monde contre 262 pour Orange - Chema Alonso est très éloigné du profil ingénieurs télécoms que l’on peut retrouver chez les opérateurs français. Lors d’un entretien au siège de la société dans le Nord de Madrid, le fameux Distrito Telefonica qui regroupe près de 10 000 employés dans une douzaine de bâtiments sur un campus aéré, le CDO nous a dressé le portrait d’une entreprise en pleine révolution numérique. Comme nous l’a très bien résumé Anne Perrin, directrice générale de Telefonica Business Solutions France - une joint venture avec Bouygues Telecom où Telefonica est l’actionnaire majoritaire - « nous apportons le foisonnement des télécoms au digital avec une approche très protectrice pour la gestion des données ».
Fondateur et CEO de la start-up Eleven Paths, spécialisée dans le cybersécurité et rachetée par Telefonica en 2013, Chema Alonso s’est très tôt intéressé aux vulnérabilités logicielles – des bases de données notamment – et aux questions de protection des données. Responsable de la stratégie data de l’opérateur espagnol, Chema Alonso chapeaute plusieurs entités du groupe : Luca (Last Universal Collect Analyse), la filiale analytique pilotée par Elena Gil Lizasoain, et l’activité cybersécurité. Avec une position unique au cœur des réseaux mobile et fixes, Telefonica assure le transit d’une gigantesque masse de données pour des entreprises et des particuliers. Si les premières possèdent les outils pour sécuriser et chiffrer leurs données sensibles transitant sur les réseaux, c’est encore loin d’être le cas pour les seconds. « Notre approche est de maintenir la confidentialité des données, tout en redonnant à nos abonnés un contrôle sur ces données qui possèdent une réelle valeur », indique Chema Alonso. Trois règles seront assurées auprès de tous les clients de Telefonica : assurer la transparence, fournir le contrôle de ses données et informer les abonnées de l’usage qui a été fait de leurs données (anonymisées ou pas selon les scénarios).
La corrélation comme
Pour assurer la sécurité et le traitement des données générées par les clients (localisation, logs, capteurs divers et variés, interaction avec d’autres plates-formes…) dans un perspective commerciale, Luca, la filiale analytique de Telefonica, pousse trois lignes de produits et de services développés au sein de l'entreprise ou en partenariat avec des éditeurs tiers. Business Insights vient exploiter les données agrégées et anonymisées des abonnés de Telefonica pour aider par exemple une banque à établir des profils plus précis pour ses dossiers de crédit (affiner le scoring des emprunteurs en analysant leurs données) se renseigner sur la sécurité des personnes avec Safetycheck de Facebook, ou encore prédire la criminalité dans une zone urbaine, comme à New York avec un l’Université de Columbia).
Si le siège historique de Telefonica à Madrid accueille aujourd'hui le flagship et des start-ups, le campus de l'opérateur dans le nord de la capitale rassemble près de 10 000 personnes. (crédit : S.L.)
« Dans la ville de Barcelone, nous avons travailler avec notre outil Smart Steps [analyse de la mobilité] pour comprendre où étaient les principaux points d’intérêts des touristes », nous a indiqué Elena Gil Lizasoain. Ce sont bien sûr les axes dédiés au shopping et les œuvres de Gaudi. Un autre usage remarqué est la localisation des supporters d’une équipe de football étrangère pour éviter les heurts après un match. Il est possible de renseigner les quartiers et les bars fréquentés, puis de suivre les mouvements vers l’aéroport. « Nous pouvons le faire de manière très granulaire grâce aux informations issues du roaming même si les données sont anonymisées », assure la dirigeante.
Big data et tansparence
Enfin, Luca propose une solution BDaaS (Big Data as a Service) pour permettre aux clients de tirer le meilleur parti de leurs propres données en utilisant l'infrastructure cloud de Telefonica. Les différents rayons de la boutique Nike de Barcelone sont ainsi régulièrement réaménagés grâce aux informations récoltées avec les caméras sur les clients. Il est ainsi possible de suivre les points où les clients achètent le plus. La dirigeante a toutefois été catégorique sur un point précis : « Nous ne partageons pas les données des clients mais les corrélations ». Issues de l’analyse des big data, le croisement des données, ces indicateurs sont particulièrement précieux pour les entreprises. Elena Gil Lizasoain comme Chema Alonso sont très clairs, le croisement des informations n’est pas réalisé avec des données personnelles et sensibles, car le seul moyen d’avoir le consentement des utilisateurs, c’est de leur garantir qu’ils conservent un contrôle total sur leurs données et qu’ils pourront obtenir un bénéfice en retour.
Et pour assurer à ses abonnés un contrôle de leurs données, Telefonica va bientôt proposer un tableau de bord baptisé TimeLine, pour gérer et visualiser leurs informations. Aura, un assistant personnel capable de configurer un routeur ou un téléviseur, permettra également aux clients de Telefonica de naviguer dans leur TimeLine. Toutes ces précautions sont loin d’être inutiles quand on connaît le développement frénétique de l’analytique appliquée aux big data. Les apps des smartphones remontent par exemple une quantité phénoménale de données sans vraiment obtenir le consentement éclairé des utilisateurs. Notamment sur les plates-formes de réseaux sociaux qui sont de très gros consommateurs de données. Le framework Hadoop a par exemple été porté par Yahoo et Google avant de conquérir les entreprises.
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