Bruno Le Maire l'avait promise, Pierre Moscovici l'a faite. L'annonce de la directive européenne visant à taxer les géants du numérique (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft...) que le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire avait teasée en début de mois, vient en effet d'être officiellement dévoilée par Pierre Moscovici, commissaire européen chargé des Affaires Economiques et Financières, de la Fiscalité et des Douanes.
« Aujourd'hui de nombreuses entreprises du numérique utilisent nos services publics sans pour autant payer leur juste part d'impôts, c'est inacceptable, c'est incompréhensible, ce n'est plus compris et accepté », a lancé dans une vidéo Pierre Moscovici. « Il faut donc que les pays de l'union européenne sécurisent les recettes fiscales qui proviennent de l'impôt sur les sociétés [...] Si nous n'imposons pas les bénéfices issus du numérique ce sont les petites entreprises, les entreprises traditionnelles, les contribuables qui du coup paieront plus d'impôt pour compenser ceux que les grandes entreprises du numérique ne paient pas, ce n'est pas juste ».
Une taxation de 3% du chiffre d'affaires brut annuel envisagée
Aujourd'hui, le taux d'imposition moyen effectif dans l'union européenne pour les entreprises traditionnelles est évaluée par la commission à 23% contre 9,5% pour les multinationales du numérique, sachant que la croissance moyenne des revenus des principales entreprises du secteur numérique atteint 14% contre 0,2% pour les autres multinationales. « La commission européenne souhaite mettre toutes les entreprises sur un pied d'égalité fiscale elle s'assurera pour cela que les entreprises du numérique soient imposées de façon juste et effective », explique Pierre Moscovici.
Pour parvenir à ses fins, la commission prévoit ainsi un plan fiscal à double détente. En attendant une réforme de fond prévoyant de taxer les entreprises du numérique générant plus de 7 millions d'euros de produits annuels dans un Etat membre, ou comptant plus de 100 000 utilisateurs dans un d'entre eux, ou créant plus de 3 000 contrats commerciaux avec des utilisateurs au cours d'un exercice fiscal, une taxe provisoire est proposée. Cette dernière se calculera sur le chiffre d'affaires brut annuel et concerne les entreprises du numérique réalisant au moins 750 millions d'euros de revenus au niveau mondial et 50 millions dans l'UE. Selon les estimations, 5 milliards d'euros de recettes par an pourraient être réalisés pour les États membres si la taxe est appliquée à un taux de 3%, indique la commission.
Les propositions de la commission européenne saluées par le G5
Ces propositions sont soumises aujourd'hui aux 28 chefs d'Etats de l'union actuellement réunis en sommet à Bruxelles. Dans un communiqué publié mercredi, les membres du G5 (France, Allemagne, Italie, Espagne et Royaume-Uni) ont salué les propositions que la commission européenne a publiées. « Nous continuons à soutenir les travaux de l'UE en cours et espérons qu’ils permettront de lancer une forte dynamique de discussions au niveau du G20 et de l’OCDE, tout en fournissant en même temps le socle pour une action européenne coordonnée dans le but de mettre en adéquation l'imposition des bénéfices des entreprises hautement numérisées avec l’endroit où est créée la valeur », indique le communiqué du G5. « Notre prochaine étape sera d’analyser en profondeur les détails de ces propositions. Nous attendons avec intérêt et appelons à des discussions constructives au sein du Conseil afin de parvenir à un accord aussi vite que possible. »
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