Le conseil d'administration de Microsoft a contraint Steve Ballmer à quitter son fauteuil de CEO. De l'avis de Patrick Moorhead, analyste principal chez Moor Insights & Strategy, « c'est la perte de 900 millions dollars résultant de la production en trop grand nombre de tablettes Surface RT qui aurait fait déborder la coupe », qui avait déjà commencé à se remplir avec les échecs liés à Vista et Windows 8. Dans une interview donnée avant le week-end, celui-ci a déclaré que Steve Ballmer « avait été poussé vers la sortie par le conseil d'administration ». Ajoutant : « Soit le Conseil l'a mis à la porte, soit il l'a mis dans une position tellement inconfortable qu'il a préféré partir pour sauver la face ». Un élément semble indiquer que la décision a été prise rapidement et que Steve Ballmer n'est sans doute pas parti de son propre gré : Microsoft a annoncé qu'elle se donnait 12 mois pour lui trouver un successeur. « En général, le conseil d'administration travaille en coulisse pour proposer un remplaçant, or là, il s'est donné un an », a déclaré Patrick Moorhead. C'est ce qui lui fait dire que « la décision a été très rapide ».
Vendredi, en début de journée, Microsoft avait annoncé le départ à la retraite de Steve Ballmer. Arrivé chez Microsoft en 1980, il occupe le poste de CEO depuis 2000 et il conservera ce titre jusqu'à ce qu'un successeur soit nommé. Dans son communiqué, le conseil a donc indiqué que le choix d'un successeur pourrait prendre jusqu'à un an et a formé un comité pour superviser le processus de sélection. Bill Gates, le cofondateur, ancien CEO et actuel président du conseil d'administration de Microsoft siègera dans ce comité. Dans son message adressé par courriel aux salariés de Microsoft, Steve Ballmer a laissé entendre qu'il n'avait pas vraiment dans l'idée de prendre sa retraite, mais qu'il se résignait. « C'est une étape et un choix émotionnellement difficile pour moi. Je m'y résigne dans le meilleur intérêt de cette entreprise que j'aime», a-t-il écrit. Vendredi, en fin de matinée, M. Ballmer a déclaré à Mary Jo Foley de ZDNet qu'il songeait à prendra sa retraite depuis un certain temps - en effet, il y a cinq ans il avait officieusement évoqué l'année 2018 comme date probable de son départ - mais qu'il y avait pensé « vraiment très fortement ces deux dernières années, et encore plus ces deux ou deux mois et demi ».
Une mauvaise analyse du marché
Mais Patrick Moorhead penche pour un autre scénario. « Ce qui a précipité cette décision très rapide, ce sont les 900 millions de dollars de dépréciation qui ont attiré l'attention du conseil d'administration. Plus les commentaires publics très enthousiastes de Steve Ballmer sur Windows RT et sur la tablette Surface RT [qui rappelle d'ailleurs la publicité pour le lancement de Windows 1.0 en novembre 1983].
Le conseil a perdu beaucoup de crédibilité, tout comme le CEO de Microsoft. Ce n'est pas possible d'être à ce point en décalage par rapport à l'attente des consommateurs. Cela signifie soit qu'il n'a pas écouté ses collaborateurs, soit que son équipe avait peur de lui donner des conseils, soit qu'elle vivait une réalité très différente, ou encore qu'elle n'avait pas les compétences pour anticiper un tel échec ». Quelle qu'en soit la raison, la mise à l'écart de Steve Ballmer en est la conséquence. « En dernier recours, c'est Steve Ballmer qui endosse la responsabilité », a déclaré l'analyste de Moor Insights & Strategy. La dépréciation avait été rendue publique mi-juillet par Microsoft au moment de la communication des résultats du second trimestre à Wall Street. Mais l'entreprise aurait dû avoir connaissance de ces pertes plusieurs semaines avant et le conseil aurait également dû en être informé.
Qui pour remplacer Ballmer ?
D'autres analystes voient dans cette mise à la retraite de Steve Ballmer l'aboutissement d'un processus plus long. Selon eux, le CEO de Microsoft savait qu'il serait mis sur la touche depuis plusieurs mois, mais sans être vraiment poussé dehors, dans la logique d'une retraite, à la fois pour lui-même - et comme il l'a écrit dans son email - pour le bien de l'entreprise. « Voilà un certain temps qu'il cherche le bon moment pour partir, et la bonne personne à qui remettre les rênes », a déclaré l'analyste de Gartner, David Cearley. « Il est très probable que la décision de départ à la retraite de Steve Ballmer s'inscrit dans la stratégie plus large de Microsoft, que l'on a vue exprimée dans l'annonce de réorganisation du mois de juillet, destinée à transformer la culture d'entreprise ». La réorganisation à laquelle fait référence David Cearley avait été annoncée le 11 juillet par Steve Ballmer lui-même. Il évoquait la fin de l'ancienne organisation par départements centrés sur des produits et la réattribution des responsabilités selon des lignes plus horizontales et avec plus de contrôle du CEO.
Pour l'analyste de Gartner, le départ de Steve Ballmer a été décidé de façon collégiale, après l'annonce entérinant une réorganisation, qui doit faire évoluer Microsoft en fournisseur « d'appareils et de services ». Nommer un nouveau CEO dès le début de ce processus s'imposait, plutôt que d'avoir à en nommer un en cours de route. « Ils ont estimé que ce processus global devait s'affirmer par l'arrivée d'un nouveau CEO qui puisse dès le départ mettre sa propre empreinte sur cette nouvelle stratégie», a déclaré David Cearley. Dans son message, Steve Ballmer parle aussi du timing. « Ma première idée était de programmer un départ à la retraite au milieu du processus de transformation de Microsoft », a écrit M. Ballmer. « [Mais] nous avons besoin d'un CEO qui mènera cette nouvelle stratégie sur le long terme ». Reste aujourd'hui à savoir si Microsoft va chercher la perle rare en interne ou à l'externe, ce qui serait une première pour Microsoft qui n'a compté à ce jour que deux CEO, Bill Gates et Steve Ballmer
Steve Ballmer paie les échecs de Surface RT et Windows 8
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Selon un analyste, c'est une erreur stratégique majeure sur Surface RT et le bouillon financier qui a suivi, qui auraient poussé le conseil d'administration de Microsoft à mettre rapidement fin au mandat de son CEO, déjà fragilisé par l'échec de Windows 8.
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