Il n’est pas de jour sans que les médias, commentateurs, politiques, organisations professionnelles, et bien d’autres encore, utilisent le mot « start-up », nouveau sésame de modernité et de jeunesse. Ce formidable foisonnement de start-ups et de réussites entrepreneuriales récentes a fait redécouvrir aux Français l’entreprise et son rôle essentiel dans le développement économique et social de la nation. Le triptyque « technologies, jeunesse, réussites (rares) rapides » a redonné le goût à nos concitoyens de tenter l’aventure, et de reprendre le contrôle de leur vie dans une société banalisée et angoissante, notamment pour ceux et celles qui sont à la recherche d’un emploi. Cette dynamique est irréversible et constitue une des évolutions sociétales majeures de ces dernières années.
Start-up c’est bien, mais Entreprise c’est mieux. Le raccourci de la formule a pour objectif de rappeler qu’il n’est pas, bien sûr, d’entreprise sans création d’entreprise, une tautologie, mais que c’est la durée de l’aventure qui va permettre à la jeune pousse de devenir une véritable entreprise et de générer durablement les richesses nécessaires à son développement et à celui de notre pays. Nos start-up sont-elles préparées et construites pour ce voyage au long cours ? Ce n’est pas mon sentiment, et l’émerveillement et l’admiration que suscite l’aventure entrepreneuriale ne doivent pas occulter certaines réalités que chaque entrepreneur devrait prendre en compte. Mes très nombreuses rencontres avec des start-up conduisent aux constats suivants qui inspirent naturellement des messages forts.
La révolution digitale est celle des usages
La révolution digitale est celle des usages. Le collaboratif, le partage, l’échange modifient profondément les comportements. Il est ainsi assez naturel pour un(e) jeune entrepreneur(e) d’imaginer un projet entrepreneurial autour d’une logique B to C car point besoin de compétences technologiques ultra pointues. Nous assistons aujourd’hui à un foisonnement incroyable de projets entrepreneuriaux B to C. En apparence plus évidents, ils comportent en réalité un risque d’exécution majeure tant la concurrence est vive en provenance de dizaine de start-up créées sur le même créneau pour les mêmes raisons que nous venons d’évoquer. Combien de start-up dans le food delivery, le retail, les transports, la culture, … avec des offres produits—services qui sont si peu différenciantes ! Plus contraignant encore pour nos jeunes pousses françaises, l’inexistence d’un marché potentiel national important les contraint à envisager, dès l’origine, des investissements considérables en marketing, commercial et communication pour se développer hors du territoire, et chacun sait à quel point le retour sur ce type d’investissements est très incertain.
Mon deuxième constat est que, souvent, la partie des pitch de nos jeunes entrepreneur(e)s consacrée à l’analyse de l’environnement concurrentiel est faible en contenu et qualité. Réduite la plupart du temps à une cartographie des acteurs, l’analyse du fameux « avantage compétitif » est quasi absente, voire naïve, tant l’enthousiasme de l’aventure entrepreneuriale vaudrait passeport pour la réussite. Le troisième constat, que tout investisseur connait bien, est que dans le B to C à l’ère du digital, la position de first mover est très souvent décisive et qu’il est très difficile, en tout cas beaucoup plus long, et donc plus risqué encore, de parvenir à inscrire durablement son projet d’entreprise dans un marché nouveau sur lequel un leader récent a pris des positions importantes.
Enfin dernier constat, nous savons tous que se lancer dans l’aventure entrepreneuriale implique naturellement de croire profondément en son projet, d’être enthousiaste, tant elle est difficile à implémenter. Cela génère, presque consubstantiellement, une difficulté à envisager des partenariats avec d’autres start-up sur le même créneau, voire des acquisitions et/ou des rapprochements.
Quelque inquiétude pour les mois à venir
Les constats n’ont, bien sûr, de valeur qu’à l’instant t et sont naturellement, dans notre monde digital, bousculés chaque jour. J’éprouve cependant quelque inquiétude pour les mois et années qui viennent au regard de la grande ambition nationale que nous portons tous : faire émerger rapidement de jeunes pousses qui deviendront des leaders au plan mondial.
Il ne faudrait pas que notre enthousiasme collectif autour de ce formidable mouvement entrepreneurial conduise à une forme de déception au regard de notre objectif de faire de la France une digital nation. Rien ne sera perdu, bien sûr, tant notre pays voit émerger une génération de très jeunes entrepreneurs qui ont acquis une maturité juste incroyable. Cela est acquis et transformera notre pays, dans les années qui viennent, car ces entrepreneur(e)s font, et vont faire bouger, les lignes et bousculer les inerties qui figent notre pays dans le « monde d’avant ».
Mais cela ne suffira pas pour faire entrer de plain-pied La France et l’Europe dans ce nouveau monde digitalisé, mondialisé, dont la marque de fabrique est la disruption. Alors osons quelque messages à nos jeunes entrepreneur(e)s, à défaut de conseils dont je ne suis guère adepte, avec comme objectif d’apporter une contribution à cette dynamique que nous voulons tous amplifier :
- Le B to C, c’est bien mais à haut risque. Tentez le B To B c’est sans doute plus long, notamment dans la phase early stage, mais plus solide
- Ne crée pas une start-up, mais une entreprise
- Start-ups : Unissez-vous !
Commentaire