Microsoft est certainement l'acteur cloud étranger à vouloir montrer le plus patte blanche en Europe. Alors que l'ombre du Cloud Act est loin d'être dissipé, la firme de Mountain View multiplie les initatives (construction de datacenters dans de nombreux pays européens dans en France depuis 4 ans alors que Google n'y sera que fin juin 2022, implication dans Gaia-X, partie prenante dans Bleu aux côtés de Capgemini et OBS en tant que cloud de confiance...) pour tenter de rassurer les entreprises sur ses engagements à répondre aux enjeux de souveraineté européenne. Mais le géant américain doit aussi affronter des actions juridiques pour pratiques jugées anti concurrentielles dans le cloud. Dernièrement, OVH est ainsi monté au créneau l'été dernier en portant plainte à son encontre devant la Commission européenne. Mais cela avait été aussi le cas par exemple de l'allemand Netcloud qui avait déposé une plainte similaire en 2021.
Conscient que ce mouvement de défiance pourrait faire boule de neige, la firme de Redmond a - par la voix de son président Brad Smith - tenté un contre-feu dans un long billet de blog passant par la case explication de texte. « Comme je l'ai dit aux journalistes à l'époque, nous avons estimé que bien que toutes ces affirmations ne soient pas valables, certaines d'entre elles le sont, et nous apporterons des changements bientôt pour y répondre », a indiqué le dirigeant. Le plan d'action - de sauvetage ? - du groupe s'articule officiellement autour de 5 grands principes : s'assurer que son cloud public réponde aux besoins de l'Europe et serve ses valeurs, que son cloud serve de plateforme à la réussite des développeurs européens de logiciels, s'engager et accompagner les fournisseurs cloud européens, s'assurer que ses offres cloud répondent aux besoins de souveraineté des gouvernements en partenariat avec les fournisseurs technologiques. Et enfin reconnaitre que les administrations régulent les technologies, adaptent et supportent ces efforts.
Exécuter des logiciels Microsoft sur les infras des fournisseurs de cloud européens
Tout un programme donc mais il y a du travail de fond à faire. Début avril 2022, la Commission a adressé un questionnaire aux concurrents et clients de Microsoft portant sur les accords de licence relatives aux prestations cloud du fournisseur. Une première étape vers l'enclenchement d'une enquête anti-concurrentielle plus approfondie. « La Commission dispose d'informations selon lesquelles Microsoft pourrait utiliser sa potentielle position dominante […] pour empêcher la concurrence s’agissant de certains services de cloud computing », prévient le questionnaire. Sentant le vent tourner et pour désamorcer un probable conflit juridique, Microsoft a ainsi annoncé plusieurs initiatives.
« Nous allons permettre et même aider les fournisseurs de cloud européens à héberger et exécuter des produits Microsoft sur leur infrastructure pour les clients, y compris des produits qui ont traditionnellement été autorisés à fonctionner uniquement sur les propres ordinateurs de bureau ou serveurs d'un client », a expliqué Brad Smith. Concrètement, les fournisseurs cloud seront désormais en mesure de proposer directement Windows et Office ainsi que 365 dans le cadre d'une offre qu'ils pourront créer, commercialiser et héberger sur leur propre infrastructure. Une façon donc de redonner la main aux fournisseurs pour disposer davantage de marge de manoeuvre afin de fournir des offres personnalisées à leurs clients. « L'expansion permettra également aux fournisseurs de cloud européens de proposer ce service aux clients qui achètent des logiciels Windows et Office auprès d'autres partenaires Microsoft et qui souhaitent qu'un fournisseur de cloud européen héberge ces logiciels pour eux », précise Brad Smith. « Nous nous attaquons également à un problème que nous ont signalé les fournisseurs de cloud en élargissant la gamme de produits qui peuvent être proposés aux clients à des prix fixes à plus long terme, ce qui offrira plus de stabilité et de certitude en matière de prix aux fournisseurs et à leurs clients ».
A l'écoute des groupements d'utilisateurs dont le Cigref sur les licences
Sur la base des requêtes poussées par des groupements d'utilisateurs comme le Cigref et le CISPE, La firme de Redmond s'engage aussi sur la révision de ses sacro-saintes licences logicielles en les orientant sur un principe de « licence équitable ». « Plusieurs des principes de licence logicielle équitable concernent la façon dont les clients peuvent déplacer leurs licences vers le cloud, tirer parti du matériel partagé et avoir plus de flexibilité dans les options de déploiement pour le logiciel qu'ils achètent. À cette fin, nous réviserons et étendrons notre programme Software Assurance, dans lequel les clients achètent de nouveaux droits de version, la reprise après sinistre, la prise en charge du basculement, la mobilité des licences et de nombreux autres avantages ». Autant dire que Microsoft est attendu au tournant, au-delà des paroles, reste à savoir dans quelle mesure et à quelle échéance le groupe engagera cette volonté d'ouverture au risque si cela traine en longueur de passer sous bon nombre de fourches caudines.
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