Tracer une nouvelle feuille de route hors du giron d'un grand groupe international, c'est ce défi qu'a dû relever Don Reed et ses équipes. Le DSI d'Eviosys, un spécialiste de l'emballage métallique qui fournit les principales marques de l'agroalimentaire (Saupiquet, Bonduelle...), a dû rebâtir les systèmes d'information de cet industriel réalisant plus de 2 Md€ de chiffre d'affaires après la séparation du groupe américain Crown, suite à la vente par ce dernier de ses activités d'emballage en région EMEA au fonds KPS Capital Partners.
« Quand nous nous sommes séparés de Crown Holdings pour devenir Eviosys, le programme de transformation de l'IT s'est structuré en trois phases, explique Don Reed. D'abord, il fallait remettre sur pied un système d'information en mesure de gérer tout l'aspect transactionnel dès le premier jour d'indépendance des activités européennes (soit le 1er septembre 2021, NDLR). Ce qui représentait un volume de travail conséquent, car nous devions nous séparer du SAP groupe et migrer les postes de travail et outils de productivité vers un nouveau domaine. Ensuite, nous souhaitions nous inscrire dans un nouveau modèle opérationnel, donnant la priorité au cloud et déléguant de larges pans du SI à des partenaires. Dans ce cadre, nous n'avons pas migré vers un nouveau datacenter, mais fait le choix d'Azure pour héberger nos environnements. Enfin le troisième volet de notre programme consistait à lancer notre plan de transformation pour porter les ambitions d'Eviosys ».
Un QR Code sur chaque emballage métallique
Une volonté d'innovation qui se traduit dans l'identité de la nouvelle société qui, sur son site Web, met en lumière ses investissements dans le numérique et, en particulier, deux projets récemment mis en oeuvre. Le premier, MyTin, permet à un client de configurer des emballages sur mesure directement depuis l'interface Web. « Le frontal Web sera à terme directement intégré au module de configuration des produits de notre ERP », détaille le DSI. Autre projet emblématique : Eviolink, qui permet d'imprimer et apposer des QR Codes sur les emballages, donnant ainsi à chaque entreprise cliente la possibilité de personnaliser les informations mises à disposition des consommateurs en embarquant, par exemple, les données relatives à la traçabilité ou à l'impact carbone. « Ce projet nécessitait l'impression de codes barre uniques directement sur nos lignes de production », détaille le DSI britannique.
Don Reed, le DSI d'Eviosys. (crédit : D.R.)
Pour ce dernier, ces deux projets marquent la volonté d'Eviosys de retrouver une mentalité de start-up, tranchant avec la culture qui prévalait au sein du groupe Crown : « nous possédions historiquement, une culture industrielle traditionnelle, qui valorisait la robustesse tout en étant assez conservatrice. Et cette culture se reflète dans les choix qui ont été opérés en matière d'IT, avec un Legacy robuste largement construit par les équipes internes. » Des choix qui n'ont pas été sans conséquence lors de la séparation des activités européennes, puisque le fonctionnement des systèmes Legacy nécessitait des compétences pointues... appelées à rester au sein du groupe Crown. « C'était à la fois un défi et une opportunité pour moderniser nos modes de fonctionnement et accélérer nos processus », analyse le DSI.
Convergence des ERP vers un modèle unique
Du fait de ces constats, la séparation d'avec Crown a poussé la DSI à rebâtir les fondations de son SI. Comme en matière de stratégie data, pour laquelle un datalake est en construction. « L'objectif premier est de disposer d'une visibilité sur l'activité du nouveau groupe, reprend Don Reed. Et nous ne pouvons pas attendre de transformer l'ensemble du paysage applicatif - nous avons encore cinq ERP en production - pour y parvenir. » Associé à Power BI, ce datalake doit fournir des données de référence sur les activités industrielles, la chaîne logistique et la finance. Avec, en perspective, la volonté de construire sur ce socle un programme Customer 360, permettant d'offrir un meilleur niveau de service à chaque client.
En parallèle, le DSI ambitionne de faire converger ses différents ERP sur une plateforme unique. Actuellement, SAP S/4 Hana côtoie JD Edwards - avec une seule instance couvrant 34 sites - et trois autres progiciels de moindre importance. « Nous essayons de finaliser la construction d'une plateforme unique en 2023. Si nous y parvenons - car je reste encore prudent sur ce terrain -, nous lancerons alors les déploiements du core model commun », reprend le DSI. En sachant que cette consolidation devrait s'accompagner d'une migration massive vers le cloud. Une évidence pour Don Reed : « Lorsque les activités EMEA de production de conserves, capsules, aérosols et emballages promotionnels de Crown ont pris leur indépendance pour devenir Eviosys, l'équipe IT a été séparée en deux. Nous devons donc repenser l'équilibre avec nos partenaires, en nous appuyant davantage sur leurs compétences ».
Cloud, technologies éprouvées et transformation des compétences
Cette stratégie de redéfinition des rôles et priorités de la DSI se décline en trois piliers. « Le premier de ces piliers passe par le recours au cloud, qui diminue le besoin en compétences internes. Le second volet consiste à miser sur des technologies largement utilisées, et d'éviter de réinventer la roue en permanence. Enfin, notre stratégie s'accompagne d'un plan de transformation de nos compétences internes, un plan bien accueilli par les équipes IT, réparties sur 16 sites, qui y voit un nouvel élan pour leur carrière. » Cette évolution des compétences vise notamment à encadrer les différentes prestations, tout en conservant une expertise technique afin d'être en mesure de remettre en question les choix poussés par les fournisseurs.
Autour du futur socle ERP, Eviosys a également lancé plusieurs projets de refonte applicative. Sur la chaîne logistique et les prévisions, notamment. « La logique de notre activité veut que nous installions nos lignes de production au plus près de nos clients. Ce qui soulève d'importants défis logistiques », souligne le DSI. En raison de cette logique d'organisation, le groupe compte ainsi pas moins de 1200 lignes de production différentes ! Auparavant basée sur des outils développés en interne, la planification logistique manquait de souplesse, selon Don Reed. D'où la volonté de sélectionner et déployer une nouvelle solution, pour transformer ce pan de l'activité.
Un MES pour collecter de nouvelles données
Dans les usines, c'est un outil de gestion de la production (MES) qui est à l'étude ; un projet pilote reposant sur un module de Lighthouse, racheté en 2021 par l'éditeur américain Infor, est en cours en Espagne. Pour Don Reed, le MES constitue un levier pour collecter de nouvelles données au plus près des chaînes de production, afin d'améliorer les performances du groupe. « A l'avenir, ce type d'outils pourrait également nous offrir une visibilité sur les consommations d'énergie des chaînes de production », observe Don Reed qui, en plus de ces chantiers applicatifs, gère également la séparation du réseau d'Eviosys d'avec celui de Crown (le chantier est en cours, en misant nativement sur une architecture SD-Wan) et la construction de la cybersécurité (s'appuyant sur un SOC externalisé). « Sans oublier la feuille de route Green IT que nous allons construire, en ligne avec la stratégie du groupe en matière d'environnement », glisse le DSI.
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