Cette fois, c’est fait, la séparation de HP en deux entités totalement indépendantes est effective à travers le monde. D’une part Hewlett Packard Enterprise, cotée en bourse depuis vendredi, qui couvre serveurs, stockage, réseau, applications, sécurité, cloud, systèmes convergés et services, et de l’autre HP Inc qui a gardé PC et imprimantes. Pour la première structure, on retrouve à la tête des filiales mondiales les dirigeants qui pilotaient jusque-là Hewlett Packard Company dans les différents pays, à l’instar de Meg Whitman au niveau monde, alors que Dion Weisler prend la tête de HP Inc. En France, c’est donc Gérald Karsenti qui prend les commandes de Hewlett Packard Enterprise (HPe), tandis que Pascale Dumas supervise maintenant HP Inc.
Ce matin, en France, divers événements ont eu lieu dans les différentes implantations de HPe, à Paris, Grenoble, L’Isle-d’Abeau, Sophia Antipolis et ailleurs en région, pour lancer la nouvelle activité « avec beaucoup d’émotions », les collaborateurs ayant le sentiment de participer à une grande aventure, a assuré Gérald Karsenti lors d’un point presse. Du côté de HP Inc, plus versé sur le marché grand public, les équipes ont préféré opter pour une soirée plutôt festive avec un concert privé jeudi soir. Néanmoins, la séparation entérinée aujourd'hui résulte de plus d'une décennie ponctuée de choix plus ou moins réussis, entre les acquisitions de Compaq et d'EDS et la valse des dirigeants (Lire à ce sujet « Scission de HP : comment en est-on arrivé là ? »).
Un chiffre d'affaires de 52,7 Md$ sur 12 mois
Alors que HP Inc garde le logo bleu utilisé jusque-là, Hewlett Packard Enterprise adopte le rectangle vert pâle que Meg Whitman a présenté au printemps dernier, « fenêtre illustrant l’ouverture de HPe sur le monde digital en train d’exploser », selon Gérald Karsenti. On retrouve le nom des deux ingénieurs ayant créé le groupe il y a 76 ans, William Hewlett et David Packard, qui sont aussi à l’origine de la Silicon Valley, a rappelé le PDG français. Rappelons qu'à une époque pas si lointaine, l'entreprise nous avait demandé de ne plus utiliser la dénomination Hewlett-Packard...
Sur la conférence HP Discover 2015 organisée début juin, le logo vert s'étalait déjà largement sur le stand de Hewlett Packard Labs. (crédit : LMI)
« On peut tout copier d’une entreprise, sauf sa culture, HPe est très attaché à la sienne et les deux fondateurs représentent ce ferment », a souligné le PDG en faisant remarquer la liaison entre les deux « t » du logo, « signe de lien entre HP et son écosystème ». Dans la filiale française (ouverte en 1964), cela représente 6 500 partenaires sur l’ensemble du territoire. « Le numérique est la pierre angulaire de la transformation des entreprises », a insisté le dirigeant français en assurant que les patrons du CAC 40 avaient un discours extrêmement étoffé sur le sujet. « Demain, le monde sera connecté sur la maison, la ville, le travail, la vie quotidienne et la santé qui va devenir sans doute l'un des domaines les plus perméables à la technologie. HP veut s'adapter à cela ».
Gérald Karsenti, PDG de Hewlett Packard Enterprise, a présenté 4 axes de transformation pour l'entité qu'il dirige maintenant.
Sur les 12 mois écoulés, HPe représente 52,7 Md$ de chiffre d’affaires au niveau mondial, soit environ la moitié de l’ancien groupe, avec une marge opérationnelle de 9,2%. Au sein de HPe, la partie Enterprise Group (serveurs, stockage, réseaux, cloud) pèse la moitié du total et les services 37%, tandis que le logiciel représente 7% et les services financiers (qui jouent un rôle de banque pour les clients) 6%. HP était numéro 1 du secteur de la IT devant IBM. « On se rend compte qu'une position sur le marché n’a plus de sens. Il vaut mieux être plus petit et influencer davantage », a commenté Gérald Karsenti en insistant par ailleurs sur le choix « très important » fait par HPe sur le cloud hybride.
50 à 60 projets « de vrais clouds »
Il y a quelques jours, l’entreprise a confirmé son retrait du marché du cloud public, « réservé à certains services ». HPe se concentre sur le cloud privé et le cloud managé en aidant ses clients à développer les siens en interne et en les opérant pour son compte. Dans l’Hexagone, le fournisseur possède deux datacenters, l’un à Grenoble, l’autre à L’Isle-d’Abeau, ce qui lui permet au passage d’apporter une réponse aux questions de transfert de données personnelles soulevées avec l’invalidation du Safe Harbour. « Nous laissons les clients décider où ils veulent mettre leurs applications », les plus sensibles restant généralement dans l’entreprise. Aujourd’hui, HPe gère 50 à 60 projets « de vrais clouds » qui tournent dans les datacenters de HP ou sur d’autres sites. Le PDG de HPe France a également redit l’importance du marché PME pour la filiale. Dans le cloud, « les PME feront affaire avec des acteurs locaux, c’est pourquoi nous avons lancé l’initiative Cloud 28 avec des partenaires locaux dans 28 pays avec 600 services ». En France, par exemple, Cheops Technology à Bordeaux, ou SCC et Antemeta à Paris.
Les 30 000 suppressions de postes impacteront aussi la France
Avec HPe, « nous voulons passer d’une logique de coûts à une logique de bénéfices pour les clients », a par ailleurs expliqué Gérald Karsenti en citant plusieurs domaines de transformation. Ainsi, plutôt que de parler de réduction de coût sur la gestion en temps réel de charges serveurs et de services, la filiale française mettra l’accent dans ce domaine sur la création de valeur et la livraison de nouveaux services en continu. Autre exemple, quand on parlait jusque-là de l’automatisation des systèmes d’entreprise, il sera maintenant question de « mettre en oeuvre une usine logicielle ». Le PDG de HPe France a également évoqué le programme de suivi de start-ups effectué en France, sans investissement financier. « Nous en coachons 22 à qui nous ouvrons les portes de nos datacenters et proposons du testing en grandeur nature, de la formation technique et de gestion d’entreprise. Notre objectif est de passer à 100 start-ups sur 3 ans. En demandant à mes dirigeants de suivre une start-up, eux-mêmes s’imprègnent de cet esprit ».
Enfin, la scission de HP en deux entités va également entraîner une vague importante de suppressions de postes dans le monde : 25 000 à 30 000 pour HPe et 3 000 à 3 500 pour HP Inc. Pour la France, Gérald Karsenti n’a pas souhaité s’étendre sur le sujet, n’ayant pas encore commencé les discussions avec les représentants du personnel de l’entreprise. Néanmoins, il pense qu’il y aura un impact en raison des contraintes de compétitivité. Dans les services, il y a par exemple une compétition féroce. Les concurrents sont parfois trois fois moins chers sur la journée en faisant « massivement de l'offshoring ». « Tout cela nous fait réfléchir. Nous avons des problèmes de pyramides des âges et de compétences. Il faut donc continuer à se transformer intelligemment, sinon nous serons en difficultés ». A ce sujet, le PDG est revenu sur la réorientation qu’il estime avoir conduite sur les questions sociales. Alors que la société était orientée sur des PSE classiques, le dirigeant a voulu favoriser les pré-retraites en embauchant des jeunes, et mettre en place une GPEC, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, un outil utilisé en 2014. Pour l’avenir, « nous essaierons de faire preuve d’innovation sociale », a simplement assuré Gérald Karsenti. En 2014, HP avait déjà supprimé 50 000 emplois au niveau mondial. Selon le blog du syndicat Unsa de HP France(*), les effectifs de HPe approchent les 3 500 salariés dans l'Hexagone, contre un peu plus de 4 600 personnes pour l'ancien HP non scindé.
(*) billet du 23 octobre 2015
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