Après les rapprochements entre startups et vieilles entreprises dans les années 2000, voici un mariage comparable : Schneider Electric, vieille dame imposante (11,7 Md€ de chiffre d'affaires, plus de 88 000 employés) très implantée dans l'industrie, propose environ 6,1 milliards de dollars pour racheter APC, spécialiste américain des systèmes électriques pour les salles informatiques. L'acquisition sera financée par un prêt (4,5 Md€) et une augmentation de capital de 1,2 Md€. Au niveau financier toujours, l'offre représente un surcoût de 30% par rapport au cours de l'action au jour de l'accord. Elle a d'ailleurs été approuvée par le conseil d'administration d'APC, qui a appelé les actionnaires à voter en faveur du projet (le vote devrait avoir lieu début 2007). La transaction doit également obtenir le feu vert des autorités de régulation de la concurrence. Avec les rachats de Square D (fabricant de disjoncteurs, fusibles, etc. en 1991), Lexel (appareillage électrique, en 1999), Merlin Gerin (équipements électriques résidentiels et industriels en 1992) ou encore MGE UPS (appareils de protection électrique pour l'informatique grand public et professionnelle), le groupe Schneider, qui s'est rebaptisé Schneider Electric en 1999 pour refléter cette stratégie, a constitué un pôle incontournable sur le marché de l'électricité. Des solutions spécifiques pour les datacenters La fusion avec APC paraît cependant plutôt complémentaire, comme le souligne Jean-Pascal Tricoire, le président du directoire de Schneider Electric. D'une part à cause de l'implantation des entreprises, APC ouvrant au groupe le marché américain, Schneider étant de son côté mieux implanté en Europe et en Chine. D'autre part, et surtout, APC a démarré ses activités dans le domaine informatique. « C'est même quasiment devenu un nom générique pour les inverseurs statiques électriques », indique Stéphane Duproz, directeur général France de l'hébergeur Redbus, client tant de Schneider (via MGE UPS) que d'APC. Un inverseur statique électrique se connecte à plusieurs baies et plusieurs sources d'électricité, afin d'opérer une bascule en cas de problème d'alimentation. APC propose des solutions pour résoudre une autre problématique typique - et croissante - des salles serveurs (datacenters) : la densité. Son offre InfrastuXure consiste à créer des ensemble d'une quinzaine de baies, en y insérant des modules de climatisation et de protection électrique. « La plupart des datacenters ne sont pas conçus pour la haute densité, poursuit Stéphane Duproz, du moins dans leur intégralité. Redbus est client de l'offre InfrastruXure à Londres, et nous-mêmes la regardons de très près. » La gestion de l'électricité en informatique devient stratégique En mettant la main sur APC, Schneider se hisse donc d'un coup au niveau des directions informatiques des grands groupes et des spécialistes des salles serveurs, soit des clients qui représentent 40% du marché total des appareils de fourniture d'électricité (que Schneider évalue à 7 milliards de dollars en 2005). En outre, Schneider relève qu'APC a grossi deux fois plus vite que le marché (14% contre 7% de croissance annuelle moyenne) ces dix dernières années. Et que si les trois quarts de ses ventes concernent les petits systèmes (1,5 Md$), son activité dans les grands systèmes croît vite et atteint désormais 400 M$, soit 24% de son chiffre d'affaires. Pour un client comme Redbus, la fusion paraît donc plutôt positive : « Les prix ne devraient pas spécialement augmenter, sachant qu'il y a encore des concurrents, comme Emerson, et nous sommes toujours contents de voir que nos partenaires se développent, aient plus de moyens pour financer l'innovation. En outre, cela valide notre positionnement, en prouvant que la gestion de l'électricité dans les datacenters devient stratégique. »