Pour renforcer la visibilité et la traçabilité de produits tels que des aliments ou des médicaments, SAP a décidé de travailler avec plus d’une vingtaine de sociétés de production, pharmaceutiques, technologiques et maritimes. L’idée est de développer un système automatisé de suivi de la chaîne d’approvisionnement basé sur blockchain. La société a aussi créé récemment un consortium de partenaires technologiques composé de sept sociétés, dont Intel, HPE, UPS et A3 par Airbus SE, pour l’aider à développer cette plateforme. Le géant du logiciel teste enfin sa Cloud Platform Blockchain avec 16 sociétés agro-alimentaires telles que Maple Leaf Foods, Johnsonville, Naturipe Farms ou Tate & Lyle. Au total, environ 65 entreprises participent à l'initiative « blockchain » de SAP.
La Blockchain as a service (BaaS) de SAP fournit une couche d'abstraction qui prend en charge les normes ouvertes et est directement intégrée aux applications SAP. Les entreprises qui utilisent la plateforme cloud de l'éditeur allemand peuvent s'enregistrer pour accéder au ledger blockchain qui s'y trouve, explique Hala Zeine, présidente du groupe SAP Supply Chain and Manufacturing. A partir de là, ils pourront utiliser les API pour connecter le réseau blockchain à d'autres applications, comme SAP Hana.
SAP surveille les usages et les appropriations de blockchain en entreprise. Selon les chiffres remontés, la technologie est vue comme une opportunité business par 92% des entreprises sondées, tandis que 63% voit la supply chain associée à l'IoT comme l'application la plus intéressante, a notamment exposé Hala Zeine. (Crédit : SAP)
Si la Cloud Platform Blockchain de SAP est en production depuis plusieurs mois, les applications qui vont permettre de saisir des données provenant de divers secteurs spécifiques sont encore en développement. Le mois prochain, l'éditeur rencontrera les membres du consortium qu'il a constitué afin d'élaborer une feuille de route pour développer ces applications avec ses partenaires.
Déjà des utilisations dans l’industrie pharmaceutique
Pour regrouper les données issues de capteurs afin de suivre de près des expéditions de produits, SAP a fait appel à un de ses clients. Modum est un éditeur de capteurs IoT et de logiciels de suivi qui a collaboré avec l'Innovation Center Network de l’éditeur ERP. Les capteurs de Modum peuvent surveiller l'état des colis en transit pour déterminer la température, l'humidité, l'exposition aux vibrations et à la lumière. Ils peuvent être synchronisés via NFC ou Bluetooth avec une application sur mobile. Les données sont téléchargées dans un registre blockchain où une technologie de contrat intelligent définit automatiquement les paramètres requis sur le périphérique IoT pour une expédition sécurisée.
Par exemple, un médicament expédié peut avoir besoin d’être maintenu à une température autour de 20 degrés. Une fois le colis livré, les données du capteur peuvent être à nouveau téléchargées dans le registre blockchain, immuable, pour que les parties autorisées puissent les lire.
Un contrat intelligent exécuté par l'application IoT de Modum/SAP en indiquant les paramètres requis pour l'envoi d'un colis sensible. (Crédit : SAP)
Modum utilisait déjà la technologie de la blockchain Ethereum, mais grâce à SAP, il est désormais également en mesure de proposer une blockchain basée sur Hyperledger. La société teste également Hana en association avec le ledger blockchain de SAP, pour pouvoir transmettre les données entre les deux outils.
L’application Advance Track and Trace de SAP pilote déjà la technologie blockchain avec des sociétés pharmaceutiques, dont Merck & Co., Amgen Merck KGaA, Glaxo Smith Klein (GSK) ou McKesson. Hala Zeine a indiqué que la collaboration avec Modum irait plus loin dans le secteur pharmaceutique. Cette industrie fait l’objet d’un examen particulièrement minutieux pour s’assurer qu’elle peut retracer les médicaments de leur fabrication jusqu'au consommateur final.
Traçabilité totale
Le mois dernier, la société pharmaceutique chinoise Changchun Changsheng Life Sciences a été soumise à une enquête pour avoir prétendument falsifié des documents relatifs à la production et à l'expédition d'un vaccin antirabique. Selon un rapport, Changsheng a reconnu sa culpabilité et a accepté de coopérer avec les organismes de réglementation des médicaments de l’État sur une enquête interne. Cette controverse a incité les partisans de blockchain en Chine à utiliser la blogosphère pour appeler l’ensemble de l’industrie pharmaceutique à adopter des ledgers inviolables afin de suivre la fabrication et l’expédition des médicaments. D'autres ont rétorqué en écrivant que cette technologie ne peut pas empêcher un comportement frauduleux, c'est-à-dire que si des données erronées sont saisies, la précision de son suivi dans la chaîne d'approvisionnement importe peu. Il y a aussi le problème des pourvoyeurs de médicaments contrefaits qui produisent en masse des médicaments génériques et inonde le marché avec des produits qui ne sont peut-être pas encore approuvés par les régulateurs, fait remarque Hala Zeine. Le fait d’avoir un produit certifié qui soit suivi depuis sa fabrication jusqu'à sa mise sur étagère pourrait aussi assurer son authenticité.
Ce suivi de la chaîne d'approvisionnement via blockchain peut être utilisé dans tous les secteurs, comme ici pour une expédition de 17 tonnes d'amandes d'Australie vers l'Allemagne. Ce test a été mené par la banque australienne Commonwealth Bank. (Crédit : Olam International)
D’après Hala Zeine, la technologie blockchain en elle-même est aujourd’hui opérationnelle. « Ce qui est vraiment en développement, c’est l’exploration des possibilités qu’offre cette technologie et la façon de l’utiliser pour supprimer les frictions venant des processus métier. Ainsi que créer plus de transparence, d’authenticité et de collaboration entre les différents acteurs de la chaîne. »
D’autres acteurs, de multiples utilisations
Les exemples de cas d’utilisation de blockchain ne manquent pas et attestent d'un réel intérêt de la part de tous les secteurs d’activités. L’éditeur allemand n'est évidemment pas le seul à développer ce type de solutions. Récemment, Walmart a annoncé avoir complété une preuve de concept de blockchain avec IBM, appelée FoodTrust, pour suivre les origines de ses produits du producteur au magasin. Le groupe pilote Food Trust comprend également d'autres acteurs de la grande distribution comme Dole Food, Driscoll, Golden State Foods, Kroger, McCormick & Co., McLane, Tyson Foods et Unilever NV, selon IBM.
L'État de l'Arkansas, où siège Walmart, vient également d'organiser un sommet « Blockchain for Arkansas » pour lancer une initiative à l'échelle de l'État visant à utiliser la technologie blockchain pour la sécurité alimentaire avec une traçabilité en temps réel. Par ailleurs, de grandes entreprises de bijouterie et de joaillerie développent des registres électroniques basés sur blockchain qui permettront de vérifier l'origine de leurs produits, des mines aux caisses de détail.
De grandes entreprises de bijouterie et de joaillerie développent des registres électroniques sur blockchain. (Crédit : De Beers)
En janvier, Maersk et IBM ont lancé une co-entreprise pour déployer un système d'expédition électronique pour les chaînes d'approvisionnement et suivre le fret international en temps réel. Les deux sociétés viennent d'annoncer que 94 partenaires s’étaient déjà engagés sur la plateforme, dénommée TradeLens et désormais en production.
La banque australienne Commonwealth Bank a aussi mené des tests sur blockchain en condition réelle avec ses différents partenaires. Il s'agissait ici d'assurer les échanges de documents et des informations sur l'expédition d'une commande de 17 tonnes d'amandes entre l'Australie et l'Allemagne grâce à la technologie des registres distribués.
Commentaire