Salins du Midi a été un des premiers clients de SAP, si l'on en croit son DSI Olivier Dupleix, qui s'est exprimé à l'occasion de la convention USF 2024 le 9 octobre à Lille. La configuration de l'ERP en place dans l'entreprise a gonflé et s'est complexifiée au fil de la croissance externe et du développement de nouvelles activités. Résultat : un ERP avec plus de 900 spécifiques et une version ECC6 EHP8 dont l'éditeur va interrompre la maintenance en 2027. Il était plus que temps pour l'industriel de s'attaquer très concrètement à la situation. Olivier Dupleix s'est finalement emparé du sujet en 2023 pour opter en fin d'année pour une transition vers S/4 Hana Rise with SAP en cloud privé. Une décision en faveur du cloud plutôt qu'un statu quo on-premise issue d'un long travail d'audit, de réflexion, de décryptage de la solution et de comparaison entre les deux options.

Né en 1856 au coeur de la Camargue, le groupe industriel Salins du Midi est aujourd'hui un des seuls au monde à produire du sel avec les 3 techniques disponibles pour ce faire (solaire, thermique, minière). Il le vend également, aussi bien pour la consommation humaine sous des marques aussi connue que La Baleine, que pour l'agriculture, le déneigement ou le traitement de l'eau. Son DSI a justement tenu à rappeler que tout passage vers Rise with SAP était étroitement lié au contexte de l'entreprise concernée, à son modèle, à son activité. Pour les Salins du Midi, industriel historiquement ancré en France, il s'agit de soutenir une ambition de déploiement à l'étranger, de diversification et de croissance organique autant qu'externe. « Nous réalisions 300 M€ en 2021 et nous atteignons 500 M€ cette année », a ainsi rappelé Olivier Dupleix.

Conserver un maximum de processus

La configuration en place, un ECC6 EHP8 on-premise, était hébergée chez un infogérant. Un ESB (Enterprise Service Bus) Blueway assurait en complément les échanges applicatifs. Et l'entreprise disposait de plusieurs modules comme SAP BW pour la BI et de solutions SAP déjà en SaaS comme le CRM Sales Cloud, IBP (demand and supply) ou Concur. Ainsi que de nombreuses solutions locales pour l'étiquetage, le MES, etc. La configuration ciblée en cas de bascule dans le cloud, était SAP S/4 Hana Rise Private Cloud Edition 2023 couplée à un élargissement significatif du paysage applicatif avec des extensions SAP, mais aussi d'autres provenant de partenaires comme AEB pour les douanes ou Finiss pour les taux de change. L'entreprise voulait par ailleurs intégrer de nombreux modules cloud SAP, comme BTP (business technology platform), Integration Suite, Analytical Cloud et Data Sphere, qui remplace BW.

L'entreprise a mené 12 chantiers de cadrage pour passer à Rise. Le chantier fonctionnel, le plus important, concerne la supply chain, la production, la qualité, la finance, etc., sans oublier l'impact sur la nomenclature produits. (Photo Salins du Midi)

Le DSI a d'abord remis en cause une conversion de type "brownfield" envisagée dans un premier temps, car l'entreprise aurait alors été bloquée par ses spécifiques. « Nous avions énormément de choix structurants associés à ceux-ci, pour certains types d'articles, certains ledgers, etc. », a insisté le DSI. Les Salins du Midi ont donc finalement décidé de récupérer un maximum de processus qui fonctionnaient bien, et de réaliser une revue de process en "greenfield" pour le reste, sur une version standard de l'ERP.

12 chantiers de cadrage durant 9 mois

« Nous avons donc d'abord réalisé un cadrage stratégique avec [l'intégrateur SAP] Applium pour balayer tous nos processus et identifier les points de transformation », a raconté le DSI. L'industriel a mené 12 chantiers pendant 9 mois sur le décisionnel, la performance, la documentation, l'archivage, etc. Mais c'est le chantier fonctionnel qui concentrait les principaux travaux, avec la supply chain, la production, la qualité ou la finance, sans oublier l'impact sur la BOM (nomenclature produits). Il a été conduit avec Applium. « Quand on s'engage sur un dossier contractuel de cette envergure, il est essentiel de savoir où on va. Et cette vision complète est indispensable pour savoir quoi acquérir dans Rise ».

La transition vers S/4 Hana n'était pas une question, mais l'industriel a dû choisir entre une migration on-premise ou Rise et, pour cela, il a identifié les questions essentielles auxquelles il lui fallait répondre, et les avantages et inconvénients de chacune des deux options. Premier enjeu majeur, l'hébergement. « Nous étions chez un infogérant ayant très peu d'expérience sur S/4 Hana, peu de clients, peu d'infrastructure sur place », a précisé le DSI. « L'avantage du on-premise, c'est que l'on sait où on va et que l'on dispose en général d'une continuité des interlocuteurs », a rappelé le DSI. « Mais, Rise offre de la scalabilité, avec un nombre imposant de certifications. Les niveaux de services sont tellement élevés qu'il est même envisageable de faire l'économie d'un PRA ». Les Salins du Midi ont, par ailleurs, négocié l'hébergement de leur environnement chez SAP, à Walldorf, en Allemagne.

Le casse-tête du FUE

Sans surprise, les licences constituent un autre des critères majeurs de choix. « Nous devions de toute façon restructurer le contrat pour S/4Hana, a rappelé Olivier Dupleix. Restait à comparer l'acquisition du logiciel en modèle Rise par souscription ou on-premise, en capex » A cette question, le DSI a indiqué que le modèle FUE (Full use equivalent) de Rise se trouve être favorable aux industriels. La mesure FUE définie par SAP permet à ses clients d'allouer à chaque type d'utilisateur tout ou partie de l'équivalent d'un usage complet (full use) de ses produits. Or, comme l'a expliqué le DSI, le différentiel de prix entre un utilisateur cloud avec un accès minimal à la solution SAP et le full use est de 1 à 30, alors qu'il n'est que de 1 à 5 pour une licence on-premise. « Cela permet de démultiplier certaines licences simples pour des utilisateurs comme les caristes, par exemple, qui auront très peu de poids dans le FUE final ».

Les Salins du Midi produisent et commercialisent du sel pour différents marchés, dont l'alimentaire, avec des marques historiques comme la Baleine. (Photo Salins du Midi)

Le DSI insiste sur l'indispensable anticipation de l'évaluation de ces FUE. « SAP peut dire : vous avez 500 users, ça passe avec 150 FUE. Mais méfiance... Nous avons donc décidé de réaliser une évaluation précise avec les outils [de licence management] de USU, qui permettent de se projeter sur la cible en fonction d'un usage spécifique. Il est essentiel de bien comprendre le modèle de pricing de Rise, ainsi que l'impact des choix en matière de nombre de FUE sur les tiers ». Qui plus est, comme l'a raconté le DSI, à l'époque où l'entreprise a pris la décision, pour un même module - comme SAP DRC (document and reporting compliance) pris en exemple par Olivier Dupleix -, le prix des licences en capex était totalement inaccessible. Or, le même produit devenait tout à fait abordable avec Rise.

Un ramp-up très flexible vers Rise

Autre questionnement pour l'industriel : comment optimiser un double run entre S/4  Hana et ECC dans le contexte choisi par l'entreprise, celui d'un ramp-up progressif. « SAP a proposé un ramp-up ultra flexible pour le déclenchement des produits et une quasi-annulation du paiement du flux de maintenance ECC pendant le projet », a raconté le DSI. Un double atout qui génère, qui plus est, un gain financier majeur. Sur ce terrain, les Salins du Midi ont, par ailleurs, établi qu'à long terme et à périmètre équivalent, le coût du passage à Rise ne serait pas plus important qu'une migration S/4 Hana on-premise.

L'entreprise s'est aussi interrogée sur l'impact de son choix sur les délais de mise en oeuvre de la solution. « Nous avons considéré que le délai Rise était plus fiable que celui proposé par notre infogérant », a précisé Olivier Dupleix. « Sur un autre projet de base de données S/4 Hana avec notre intégrateur par exemple, nous avons subi un retard de livraison de nos serveurs de plusieurs mois. Si nous avions pris l'option on-premise pour la migration, nous aurions pris ce décalage de plein fouet ».

Deux sprints de plusieurs mois

« Une fois le contrat signé, le provisionning des ressources par SAP ne s'est cependant pas déclenché immédiatement, mais seulement après le technical assesment », insiste le DSI. « Il est indispensable d'intégrer cette réunion d'architecture de la solution, avec SAP, dans le planning du projet ». L'industriel a signé fin décembre, et a reçu ses infrastructures fin avril. « Alors que nous avions des équipes et des consultants prêts dès le début janvier. Nous avons donc installé une sandbox et un environnement de développement on-premise pour démarrer le maquettage et montrer certaines best practices aux métiers ».

Le DSI des Salins du Midi estime le modèle de tarification de Rise for SAP, le FUE (Full use equivalent), favorable aux industriels. (Photo : Salins du Midi)

Le projet a démarré en janvier, par un premier sprint d'exploration de 3 mois, puis par un second de 4 mois toujours en cours. Après une période de tests, les Salins du Midi ont prévu un premier go live en février 2025, pour un test de validation final auprès des utilisateurs prévu en octobre. « Nous entrons dans une approche "clean core", car nous savons que SAP va nous pousser vers des mises à jour de versions », a complété le DSI. « Nous aurons ainsi environ 10 fois moins de spécifiques et nous développons les plus importants via la BTP (le Paas de SAP, NDLR) ».

Des contrats rigides

Les Salins du Midi ont trouvé nombre de points positifs à la transition vers Rise comme la « très bonne réactivité de l'équipe d'onboarding. Tout a été particulièrement bien cadré et a abouti à une livraison quasi clé en main ». Par ailleurs, l'entreprise ne juge pas l'administration de l'ensemble très différente des configurations on-premise. Sans oublier, la souplesse offerte quant à l'import d'add-on non certifiés sur Rise.

Parmi les points négatifs, la rigidité des contrats Rise est le plus douloureux. « Il semble que SAP a mis en place toute la mécanique de création des contrats », a analysé Olivier Dupleix. « Mais pas celle des modifications. Nous attendons depuis 5 mois un avenant pour avancer un jalon sur une fonction particulière dont nous avons besoin plus tôt que prévu ». Le DSI a, par ailleurs, rappelé ne avoir de certitude complète sur le mode de calcul des FUE. « S'appuie-t-il sur les autorisations ou sur les usages ? », s'est-il interrogé. « Des autorisations 'rateau', définies trop largement, pourraient alors devenir un problème », a détaillé Olivier Dupleix. « Pour cette raison, nous continuons de nous faire accompagner par USU ».

L'implication de nombreuses directions de l'entreprise

Le DSI des Salins du midi a conclu sa présentation en souhaitant bon courage à ses homologues... En sus de la longue préparation indispensable, il a ajouté qu'un projet Rise,  implique d'embarquer le DAF, le juridique, les achats, la technique, les flux, etc. « Or, il n'est pas simple de mettre tout le monde autour de la table en même temps pour prendre les décisions. »