« Quand on a monté la branche française de Girls in Tech en 2010, avec Mounia Rhka, c'était surtout parce que dans les conférences on ne voyait que des hommes. Il n’y avait presque pas de femmes qui prenaient la parole, les gens n’étaient même pas conscients que c’était un problème » se souvient Roxanne Varza, responsable de l'incubateur Station F à Paris. Aujourd’hui connue sous le nom de StartHer, cette association a pour vocation de donner de la visibilité au secteur de la tech et susciter des vocation auprès des femmes.
(Crédit : Alexia Perchant pour LMI)
Originaire des Etats-Unis, Roxanne Varza est depuis toujours passionnée par la France. Elle étudie la littérature française à l’Université de Californie à Los Angeles pendant trois ans et alors qu’elle n’était pas forcément intéressée par les technologies, intègre Business France à San Francisco en 2007. « Mon job c’était de convaincre les entreprises technologiques américaines de s’implanter en France » explique-t-elle. Confrontée à tous les clichés liés au monde du travail français - les 35 heures, les grèves, les vacances, etc. - Roxanne Varza décide d’aller voir de ses propres yeux la vérité et rejoint Sciences Po en Master Affaires internationales en 2009.
Techbaguette
« Et j'ai découvert ici que tout ce qui se disait aux Etats-Unis n'était pas forcément vrai. Il y avait un super écosystème ici, tous les problèmes qu’on évoquait je ne les voyais pas trop. On m’avait dit qu’il n'y avait pas d'innovation, pas de start-ups en France alors qu’il y en avait plein » se souvient la jeune femme. Elle crée donc le blog Techbaguette, sur le monde des start-ups, de l'innovation et des entrepreneurs, destiné à promouvoir les start-ups françaises auprès des investisseurs anglo-saxons. Elle est ainsi repérée par TechCrunch qui lui propose un poste à la rédaction française. Dans le même temps, elle part quelques années en Angleterre pour terminer son master à la London School of Economics and Political Science. Une fois diplômée en 2011, Roxanne Varza quitte TechCrunch et travaille successivement pour deux start-ups londoniennes jusqu’en septembre 2012.
« Mais en fait j'avais vraiment envie de rentrer en France et de travailler dans cet écosystème parce que je voyais qu'il était en train de se structurer et de se mettre en place » explique-t-elle. Elle revient donc dans l’Hexagone pour travailler chez Microsoft sur les programmes d’accompagnement des start-ups de la filiale française. Enfin, depuis octobre 2015, Roxanne Varza a pris la direction d’un incubateur qui sera inauguré un an et demi plus tard : Station F.
16% de femmes dans la Tech
Bien que des comportements sexistes existent toujours, elle estime que les mentalités ont beaucoup évolué aujourd’hui dans la Tech. « J'ai l'impression que c'est un vrai sujet. Tout le monde est conscient du problème, tout le monde en parle, toutes les conférences font un effort pour changer les choses. Il y a plein de soutiens qui sont proposés pour accompagner des femmes. Les choses ont changé et de façon radicale en très peu de temps. »
(Crédit : Alexia Perchant pour LMI)
Ne serait-ce que dans l’entrepreunariat, de plus en plus de femmes créent des entreprises et travaillent dans des start-ups selon la directrice de Station F. L’incubateur propose une trentaine de programmes pour jeunes pouces dont le plus gros réunit 40% de start-ups fondées par des femmes (sur 200 sociétés au total). Mais ce sont les profils purement techniques qui ont toujours de mal à recruter des femmes. Une étude du cabinet Urban Linker pour l’association de Roxanne Varza (StartHer) indiquait en 2017 que les femmes n’étaient que 16% dans les nouvelles technologies.
« On communique mal sur le métier »
On parle plus la place des femmes dans le secteur, mais en parle-t-on bien ? Pas vraiment d’après la directrice de l’incubateur fondé par Xavier Niel. Alors qu’elle faisait une présentation des métiers du numérique à des collégiennes de 12-13 ans avec d’autres membres de son association, Roxanne Varza leur avait demandé en fin de journée si elles étaient intéressées par ces métiers maintenant. « Les filles m'ont répondu qu’elles voulaient faire un métier qui leur permet d'être avec des humains : avocat, médecin, ce genre de chose » se rappelle-t-elle. « Elles avaient l'impression que travailler dans l'informatique c'était travailler avec des robots, être caché derrière un écran, ne pas pouvoir faire quelque chose de créatif, ne pas voir des gens. En fait par notre façon de voir les choses, on avait hyper mal présenté les différents métiers. »
Selon la directrice de Station F, il faut donc changer l’image du métier et relayer des parcours, des expériences qui donnent envie. Montrer non seulement la partie programmation mais aussi les métiers liés à l’expérience utilisateur, la conception, la création, etc. Et au niveau politique, « ce sont plus les discours qui peuvent aider. Je pense que parfois les élus et les politiques sous estiment l’impact qu’ils peuvent avoir. Juste partager un peu les mêmes valeurs et relayer les bons messages, en fait ça marche. »
(Crédit : Alexia Perchant pour LMI)
« La situation en France est meilleure qu'ailleurs »
Ayant vécu dans trois pays différents, Roxanne Varza assure qu’elle a « vécu des situations bien pires aux Etats-Unis et en Angleterre qu'en France. » Les préjugés des habitants de San Francisco aux conférences qu’elle faisait sont un exemple. Quand elle était en Angleterre, elle a également monté une filiale de l’association Girls in Tech qui n’a pas été bien reçue du tout. « Même les femmes disaient “on n'a pas besoin de ça”. On me disait “le logo est rose, on dit girls et pas women, moi je ne viens pas.” »
Le mouvement #MeToo a ébranlé la Silicon Valley également. Alors que les accusations de harcèlements sexuels ont totalement secoué le monde du cinéma après l’affaire Weinstein, de nombreuses plaintes ont également touché l’univers des nouvelles technologies aux Etats-Unis, explique Roxanne Varza. « Il y a eu quelques personnalités du milieu tech qui ont dû quitter soit des fonds d'investissement, soit des grands accélérateurs et programmes d’accompagnement. Ou bien on a aussi quelques histoires de start-ups très puissantes où le fondateur ou le PDG s'est fait dégager. Ca a réveillé un peu tout le monde sur le sujet et on a compris qu'il y avait pas mal de gens qui se comportaient pas comme il fallait. »
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