La vente, par Oracle, de 10 milliards d'obligations est-elle le signe que la société voudrait aller un cran plus loin dans ses acquisitions. Le montant de cette vente sera utilisée pour le rachat d'actions, le paiement des dividendes, le remboursement de la dette et de futures acquisitions, incluant l'acquisition en cours de Micro Systems pour 5,3 Md$, a indiqué hier Oracle dans un communiqué. C'est la 2ème vente d'obligations de cette ampleur cette année après celle, encore plus élevée, effectuée par Apple en avril. Ce dernier avait alors vendu 12 Md$ d'obligations, selon les données de Bloomberg.
Une porte-parole d'Oracle interrogée sur les intentions du groupe n'a pas voulu donner de précisions sur les éventuelles acquisitions, mais il semble probable que les investissements iront vers le logiciel parce que c'est là que se trouve la croissance en ce moment et c'est ce dont Oracle a besoin pour satisfaire Wall Street. Même si Gartner a récemment revu à la baisse ses prévisions sur la dépense IT mondiale en 2014, ses projections sur les logiciels d'entreprise n'ont pas bougé. A 6,9%, le taux de croissance envisagé pour le marché du logiciel distance celui des autres catégories.
Acquérir d'autres logiciels verticaux dans le SaaS
Dans ce contexte, quelles sont les acquisitions sur lesquelles Oracle pourrait porter son choix. Sa dernière acquisition, Micros, commercialise des logiciels et des terminaux points de vente pour les hôtels/restaurants et la distribution. Il ne serait pas surprenant que la prochaine opération d'Oracle concerne aussi un marché vertical. « Il y a différents éditeurs d'ERP pour le manufacturing en SaaS, par exemple Kenandy, KeyedIn Solutions, Plex et Rootstock, mais cela demanderait vraisemblablement un peu de travail pour les adapter à l'infrastructure d'Oracle », évoque notamment l'analyste indépendante China Martens. Sur la gestion des services professionnels aussi, le marché compte des ERP en SaaS.
La santé, sur lequel Oracle a déjà acheté Relsys et Phase Forward il y a quelques années, pourrait être un autre secteur à renforcer pour l'éditeur, selon Paul Hamerman, analyste de Forrester Research. Oracle vient tout juste de claironner qu'il devenait le 2ème vendeur de logiciels cloud derrière Salesforce.com (avec une projection de chiffre d'affaires annualisé de 2 Md$) et qu'il avait l'intention de devenir premier. Compte tenu que Salesforce.com pense atteindre près de 5,3 Md$ de chiffre d'affaires sur son actuel exercice fiscal, il va falloir qu'Oracle fasse de gros efforts sur ses acquisitions cloud s'il veut le rattraper.
Aller vers l'Internet des objets
Oracle ne s'est pas encore positionné sur le marché de l'Internet des objets, mais il pourrait le faire par une ou deux acquisitions bien placées. Parmi les cibles possibles figure Jasper qui propose une plateforme pour les objets connectés. La société a récemment été évaluée à 1 Md$. Ce n'est pas une petite somme, mais cela ne fait pas peur à Oracle. Jasper est concurrent d'acteurs comme Axeda et Aeris Communications, tous deux pouvant représenter aussi des cibles complémentaires. De toute façon, la société potentiellement rachetée devra s'aligner sur l'actuelle pile d'Oracle dans le domaine. Celle-ci inclut Java Embedded et Fusion Middleware, parmi d'autres composants. L'Internet des objets couvre de nombreuses technologies et soulèvent des questions sur les évolutions des réseaux et des outils de sécurité. Oracle pourrait investir aussi dans ces secteurs-là dans le même mouvement.
Se renforcer sur le big data et l'analytique
Qui dit Internet des objets dit aussi océans de données générés par les captures, les terminaux mobiles et autres équipements situés en bout de réseau. L'un des grands défis sera d'amener les résultats de leur analyse jusqu'aux utilisateurs métiers, de le faire rapidement et sous une forme qui permettent de les consulter de façon graphique et interactive. C'est la spécialité des spécialistes des logiciels de visualisation comme Tableau et Qlikview. Et même si Oracle possède déjà ses propres outils de visualisation, un rachat sur ce terrain pourrait lui permettre de s'adresser aux clients du midmarket, tandis que les grandes entreprises utilisent des produits comme son système intégré Exalytics, l'application Endeca et la suite BI Foundation.
Enfin, il est important de souligner qu'Oracle n'a pas besoin d'emprunter pour faire une acquisition, rappelle l'analyste Frank Scavo, associé du cabinet Strativa. Il dispose de liquidités. De fait, au 31 mai dernier, Oracle totalisait près de 18 Md$ en numéraire et 21 Md$ en placements financiers. La vente d'obligations que vient de réaliser la société de Larry Ellison signifie peut-être tout simplement qu'Oracle cherche à profiter de taux d'intérêt historiquement bas, fait remarquer Franck Scavo. Dans son communiqué, le groupe de Redwood Shores indique que l'argent pourrait aussi être utilisé pour racheter des actions, ce qui renforcerait le cours du titre, note l'analyste.
Quoi qu'il en soit, après les cinq rachats qu'il a déjà réalisés depuis le début de l'année, on peut s'attendre à ce qu'Oracle continue à faire tourner sa machine à acquisition, quelle que soit la méthode de financement qu'il choisira.
Quels rachats Oracle prépare-t-il en vendant 10 Md$ d'obligations ?
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Réactions
Si les 10 Md$ qu'Oracle récupère par la vente d'obligations serviront à payer des dividendes, rembourser la dette et racheter des actions, il est aussi prévu qu'ils soient utilisés pour d'autres acquisitions. Après le rachat de Micros Systems, Oracle va-t-il renforcer son portefeuille SaaS, aller vers l'Internet des objets ou vers le big data ?
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abandonner la concurence
Signaler un abusStratégie éculée: Si on n'arrive pas à développer son chiffre d'affaires grâce à ses propres produits et services, et que la concurrence est meilleure que nous, eh bien, éliminons la concurrence en la rachetant.
Signaler un abusProblème: avec tous ces rachats, Oracle doit maintenant gérer des multiples lignes de produits, concurrentes entre elles. Un casse-tête. Ou alors les fusionner sur une ligne de produit unique. Or, vu le succès (ou plutôt manque de succès) de Fusion, l'échec est patent.
Quel que soit le cas de figure, Oracle se débat et ne sait comment s'en sortir. La solution de facilité, racheter à tour de bras, est une simple fuite en avant, qui coûte cher et rapporte peu.
Les clients, d'ailleurs, ne sont pas dupes: de plus en plus, ils abandonnent les produits Oracle, même les produits rachetés tels que PeopleSoft et Siebel, pour aller vers Salesforce et Workday.
Ahmed Limam
Consultant/expert indépendant, Systèmes d’information
Paris