Les ERP, progiciels de gestion intégrés, restent le référentiel garant de l’optimisation des processus de gestion dans l’entreprise. Mais quel rôle jouent-ils dans sa transformation numérique. Loin d’être figés, ils ont beaucoup évolué ces dernières années et s’ouvrent de plus en plus facilement vers des fonctionnalités métiers externes ou vers des technologies telles que l’intelligence artificielle ou l’automatisation des processus métiers (RPA), pour ne citer que celles-là. « Nous avons réécrit totalement nos plateformes pour y intégrer de l’open source et servir les spécificités métiers, ce qui nous permet aussi d’attirer les talents qui souhaitent travailler avec ces outils », a exposé Céline Bayle, directrice marketing produit, Sage Europe du Sud, lors d’une table ronde sur le salon Solutions ERP, le 1er octobre dernier. Pour intégrer des applications métiers, ce qui demandait des mois il y a quelques années ne prend aujourd’hui que quelques semaines, explique-t-elle. « L’ouverture de nos plateformes nous permet aussi de nous connecter à l’IA à travers le cloud de Microsoft », ajoute-t-elle, les ERP de Sage étant notamment hébergés sur le cloud public Azure.
De gauche à droite, Philippe Renaud, principal business consultant chez QAD Europe, Philippe Plantive, président du conseil d’administration de Proginov, Céline Bayle (au micro), directrice marketing produit, Sage Europe du Sud, et Jérémy Jeanjean, consultant avant-vente chez IFS France. (Crédit : LMI/MG)
C’est de la responsabilité des éditeurs d’aller sur ces sujets de transformation, confirme pour sa part Philippe Plantive, président du conseil d’administration de Proginov, fournisseur qui héberge lui-même son offre ERP en SaaS pour l’industrie et le négoce sur sa propre infrastructure de datacenter installée à Nantes. Pour Jérémy Jeanjean, consultant avant-vente chez IFS France, « on garde le coeur ERP mais on s’ouvre de plus en plus pour aller chercher un service particulier avec un partenaire dont c’est l’unique métier ou on utilise l’IA pour aider une entreprise à sélectionner les meilleurs fournisseurs ». Pour un ERP comme QAD, qui cible les industriels depuis 40 ans, l’IA permet notamment de répondre à l’exigence de prédictabilité et de réactivité vis-à-vis du marché. « L’IA, c’est de l’apprentissage basé sur les big data, nous sommes capables de l’intégrer au coeur des prévisions de vente et elle va permettre d’exécuter des algorithmes de façon plus fiable », a indiqué Philippe Renaud, principal business consultant chez QAD Europe. IFS France évoque aussi l’intelligence artificielle pour la maintenance prédictive : « Il n’y a pas une IA qui va résoudre tous les problèmes, elle est adaptée à chaque situation ».
Un ERP « user centric » étendu à davantage de collaborateurs
Hier limité à un nombre restreint d’utilisateurs, l’ERP s’est potentiellement étendu à tous les collaborateurs d’une entreprise avec une logique d’instantanéité de l’information et d’efficacité pour l’ensemble de l’organisation, rappelle pour sa part Norbert Jamet, responsable marketing produits de Cegid. « L’ERP est beaucoup plus user centric », assure-t-il. Pour Céline Bayle, de Sage, le progiciel de gestion intégré doit être aussi simple que Le bon coin ou Waze. « Nous avons dû repenser les interfaces utilisateurs parce que les nouvelles générations l’ont demandé », rappelle-t-elle. Elle insiste sur l’importance de donner à chacun le sens de sa collaboration dans l’entreprise. « Si on ne motive pas nos ressources, on ne les garde pas », pointe-t-elle en évoquant un autre aspect : la capacité à embarquer rapidement un nouvel utilisateur sur le logiciel, en cas de pics d’activité saisonnière. « Pouvoir former quelqu’un en quelques heures, ça change totalement l’efficacité des usines de demain », pointe-t-elle. Jérémy Jeanjean, d’IFS France, souligne de son côté les capacités d’adaptation de l’ERP et l’importance de la simplicité d’utilisation pour l’aspect collaboratif avec l’extérieur de l’entreprise (partenaires, fournisseurs…). Cegid confirme la capacité de personnaliser la solution pour qu’elle colle à la réalité opérationnelle de l’entreprise et que chacun ait un produit adapté à son métier.
Pour Philippe Plantive, de Proginov, s’il est indispensable de placer l’utilisateur au centre, il faut avoir la capacité de l’entendre et pas seulement de l’écouter et savoir le restituer sur la feuille de route produits. « Une belle IU, c’est d’utilité publique, mais il faut surtout écouter l’utilisateur sur ses besoins quotidiens », insiste le dirigeant de l’éditeur basé à Nantes. « Ce qui a vraiment changé chez nos clients, c’est la prise de conscience des directions générales sur les enjeux », constate-t-il. « L’ERP ne fait pas le marché, avoir des dirigeants de nouvelle génération qui mettent au coeur la solution IT, cela change beaucoup de choses, l’informatique n’est pas subie, c’est un moteur », insiste Philippe Plantive.
Le cloud facilite les implantations internationales
Sur le rôle joué par le cloud dans la transformation numérique, Sage fait valoir l'intérêt qu'il présente pour le développement international des entreprises, lors de l'implantation sur de nouveaux marchés, et sur les fonctions de sécurité assurées par un opérateur dont c’est le métier. Néanmoins, rappelle Céline Bayle, le cloud n’est pas valable dans tous les cas, notamment dans les régions où le réseau n’est pas toujours disponible, en Afrique par exemple. En tant qu’hébergeur, Proginov souligne l’importance de maîtriser le service fourni sur les applications (35 personnes sont mobilisées dans son datacenter de Nantes où l'éditeur propose aussi de l'hébergement pour tiers) et Cegid rappelle qu’il opère son cloud avec ses partenaires. QAD précise pour sa part que les solutions industrielles sont la plupart du temps déployées en mode hybride, les serveurs devant être situés à côté de la chaîne de déploiement. La table ronde a également évoqué l’automatisation des processus métiers par robotisation (RPA). Celle-ci est mise en place sur l’acquisition de données, pour réduire les erreurs, automatiser différents processus dont des demandes d’intervention ou pour se conformer à des exigences réglementaires. L'intérêt de déployer des chatbots dans certains contextes a également été exposé.
Dans les allées du salon Solutions ERP, nous avons retrouvé Céline Bayle, de Sage, qui est revenue sur l’importance de développer des API vers les applications métiers et de se doter d’un code qui permette d’attirer les développeurs vers l’écosystème construit autour du progiciel intégré. Ainsi, parmi les solutions métiers conçues pour l’ERP Sage X3 figurent celles de Kardol, dans le secteur pharmaceutique, de SRA et Meti dans la distribution de détail (retail), de GFI dans l’automobile ou de 4Cad dans l’aéronautique. Parmi les projets menés, Céline Bayle évoque par ailleurs un spécifique réalisé avec le ministère de l’intérieur pour le service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI). « Nous avons ajouté une couche de sécurité supplémentaire et nous les hébergeons sur notre cloud ». Sage propose un hébergement sur Azure et AWS ou encore se tourne vers Linkbynet lorsque les clients se méfient du Patriot Act. A travers son partenariat avec Microsoft, l’éditeur d’ERP a poussé son intégration avec la plateforme collaborative Office 365 qui propose maintenant les solutions Teams et OneDrive. « L’autre pan important, ce sont les interfaces utilisateurs, nous travaillons de plus en plus sur l’intuitivité et le responsive design en mobilité », expose la directrice marketing de Sage. Elle signale aussi l’intérêt de certains clients pour la blockchain. Ainsi, le partenaire 4Cad a développé à Nantes une « mini-usine 4.0 exploitant IoT et blockchain qui permet de comprendre concrètement comment l’ERP peut être la colonne vertébrale de ces innovations », assure Céline Bayle.
Des services connectés pour dématérialiser les factures
Quelques stands plus loin, Norbert Jamet revient pour nous sur la refonte opérée par Cegid sur sa gamme d’ERP autour de 3 produits : Cegid XRP Ultimate issu de Qualiac, XRP Sprint issu de YourCegid et XRP Flex 100% cloud sur Azure (lancé en avril). XRP Sprint permet aux clients historiques de l’éditeur basé à Lyon de prolonger leur solution dans le cloud « en capitalisant sur la profondeur fonctionnelle des gammes Cegid Business », explique Norbert Jamet. « C’est une solution réarchitecturée pour être proposée en mode cloud, le client ne remet pas à plat ses processus, il y a une continuité et il optimise avec de nouvelles fonctionnalités. La migration s’opère en quelques jours »
Parmi les outils complémentaires, l’éditeur propose la BI de Qlik ainsi que des services connectés pour la dématérialisation de factures. Si XRP Sprint et Flex sont vendus en indirect, l’offre XRP Ultimate reste commercialisée en direct, même si sa mise en oeuvre est accompagnée par des intégrateurs. Concernant l’extension de l’ERP à travers des offres tierces, Cegid s’ouvre sur les solutions d’Esker et Serensia pour la dématérialisation, sur celle de Provigis pour le sourcing fournisseur, sur Board pour l’élaboration budgétaire ou encore sur Expensya pour la gestion des notes de frais avec une app mobile native très centrée sur l’utilisateur, assure Norbert Jamet.
Proginov intègre un RSE
Sur le stand de Proginov, l’éditeur basé à Nantes annonce parmi ses nouveautés un portail collaboratif entièrement intégré à son ERP conçu pour le négoce et l’industrie. Le portail Proginov Connect, qui se présente comme un réseau social d’entreprise, apporte du lien pour ouvrir un projet commun avec des clients, des partenaires et des fournisseurs, nous a expliqué Philippe Plantive, président de la société. Au départ, l’outil avait été développé pour les besoins internes de Proginov, avec l’idée de canalyser l’information pertinente. « L’ERP traite le coeur de métier, c’est pour cela que nous avons voulu intégrer ce RSE dans notre code », explique le dirigeant. L’outil est développé en mode web responsive, ce qui permet d’y accéder en mobilité avec « un lien natif pour aller chercher l’information où elle est stockée dans l’ERP ». Ce portail a déjà été mis en oeuvre par un client de 900 collaborateurs dans le secteur du bâtiment. Il permet de créer des communautés par métiers dans l’entreprise : après-vente, logistique, achats, etc. en laissant chaque communauté créer ses propres liens avec l’extérieur pour faire des échanges. Cette solution va être présentée sur le salon Bâtimat.
Egalement présent avec ses ERP, Microsoft avait comme à l’accoutumée convié plusieurs partenaires sur son stand dont Talent Business Solutions, qui déploie Dynamics 365 Business Central (ex NAV) désormais en mode SaaS (AX dans le cloud ayant pour sa part été renommé Dynamics 365 Finance & Operation). Autour de Business Central, l’intégrateur réunit les fonctionnalités de CRM et d’Office 365, mais aussi Power BI. Il développe des applications avec Xamarin ou Power Apps et peut, le cas échéant s’appuyer sur les fonctions IoT et de machine learning (ou autre) d’Azure. Le tout s’appuie sur Common Data Service, un référentiel où l’on retrouve l’ensemble des données gérées par une entreprise pour faire de l’intégration sans développer entre chaque brique, nous a expliqué Valérie Muller, PDG de Talent Business Solutions.
Enfin, à quelques stands de là, la société Hybird, éditeur/intégrateur depuis 2008 de sa solution de CRM open source Crème, présentait sa toute nouvelle création, hyMaintenance. L’outil développé à l’origine pour des besoins internes, permet à un fournisseur de solutions ou de services de piloter ses quotas de maintenance et de gérer ses contrats à travers un tableau de bord présentant les heures de support consommées. Solutions ERP s’est tenu à la Porte de Versailles du 1er au 3 octobre dans le cadre des Salons Solutions en parallèle avec quatre autres salons spécialisés : CRM & Marketing, Démat, e-Achats et BI & big data. Ces événements ont attiré cette année plus de 6 200 visiteurs avec 4 184 auditeurs sur l'ensemble des sessions, incluant conférences, tables rondes ateliers exposants et Colloque IA des métiers de l'entreprise.
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