Fin de partie pour la start-up Igneous Systems dont les restes sont acquis par Rubrik. Créée en 2013 par des anciens d’Isilon Systems et toujours installée à Seattle, la start-up emmenée par son sympathique CEO Kiran Bhageshpur nous avait toujours intrigués et même parfois amusés lors de notre première rencontre en 2016 chez New Enterprise Associates, à Menlo Park. L’aplomb de Kiran Bhageshpur, qui a plusieurs fois changé son fusil d’épaule, tout en restant dans le domaine du stockage, est un véritable cas d’école pour la délicate relation avec les investisseurs. Igneous avait démarré son activité avec une plateforme de stockage objet (compatible S3) en local reposant sur un modèle évolutif en mode abonnement. Du cloud privé en fait, reposant sur des nanoserveurs à l’origine, des disques durs équipés d’une carte contrôleur ARM sur le port SATA. Une idée développée en son temps par Seagate avec ses disques durs Kinetic connectés en Ethernet.
Soutenu par le fonds d’investissement NEA (New Enterprise Associates) – fort de 13 milliards de dollars avec des engagements dans Data Domain, Fusion-io, SolidFire, Tableau Software, Box ou encore Workday – Kiran Bhageshpur a pu ajuster son business model en proposant dans un second temps une solution de sauvegarde et d'archivage hybride, en local et dans le cloud. Ce que Kiran Bhageshpur avait nommé l’Act 1 de la start-up après le lancement considéré a posteriori comme l’Act 0. Les raisons de ce repositionnement stratégique ? Un constat simple : "La commodité du cloud est très séduisante, mais le stockage de données critiques n’est pas toujours indiqué". La start-up avait donc décidé d’exploiter son architecture de stockage scale-out reposant sur des appliances avec des disques durs dotés d’un contrôleur réseau (des nano-serveurs) pour assurer le back-up et l’archivage des données en local - dans le datacenter de l’entreprise - et sur le cloud public pour le tiering et la réplication. Pour déployer sa solution, Igneous avait développé sa plateforme de data management pour assurer la gestion des données en mode hybride.
Rubrik ajoute une brique de stockage objet à son offre
Pour l’Act 2 de la start-up, Kiran Bhageshpur mettait en avant une solution de data management supportant les données non structurées (UMD pour Unstructured Data Management). Proposée en tant que service, la solution se compose de plusieurs modules DataDiscover, DataProtect et DataFlow pour accompagner le casse-tête de la croissance des données dans les entreprises. Sur ce marché, la concurrence était relevée avec des acteurs historiques comme Veritas ou NetApp et des nouveaux venus tels que Rubrik ou Hammersmith.
Lors de notre dernière rencontre, en décembre 2019 à Palo Alto, Igneous poursuivait la stratégie établie avec son Act 2 grâce à un soutien financier solide (Madrona Venture Group, NEA, Redpoint, Vulcan Capital et West River Group), renouvelé en mars 2019 lors d’une levée de fonds de type C d’un montant de 25 millions de dollars (67,5 M$ en tout depuis l’origine). Mais comme pour beaucoup de start-ups, la crise Covid-19 est venue perturber le développement d’Igneous Systems. Les investisseurs ont fini par se lasser et cherché un acquéreur pour limiter les dégâts et récupérer une partie de leur mise. Rubrik rachète donc les restes d’Igneous Systems et notamment sa technologie de stockage objet. Selon un bon observateur du marché, Rubrik a des difficultés à vendre son file system distribué, que les clients trouvent trop cher et qui choisissent en alternative un object store, très souvent Scality en France. Avec le rachat des technologies et des actifs de propriété intellectuelle clefs d’Igneous, Rubrik ajoute ainsi une brique stockage objet et des outils de recherche avancés pour renforcer sa plateforme de stockage secondaire sauvegarde et de data management. La question est donc de savoir s’ils n’ont pas envie de remplacer leur file system distribué par un object store…
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