Pour Jean Leroux, le DSI du loueur de transport frigorifique Petit Forestier, ces trois dernières années n'ont pas été de tout repos. Et pour cause, après près de longs mois de préparation, il a fait le choix, avec le soutien de sa direction, de passer directement de son ancien SI à la version de S/4 Hana de SAP dans le cloud (Rise with SAP). Aujourd'hui, le DSI considère ce projet comme un succès, tant dans la façon dont il s'est déroulé qu'en raison des résultats obtenus. Mais cette réussite, il l'attribue au travail d'anticipation et de prévention des risques réalisé avec le cabinet d'avocats ITLaw. Des risques techniques, financiers, mais aussi organisationnels et juridiques sur lesquels Jean Leroux est revenu à l'occasion de la convention de l'USF (le club des utilisateurs francophones de SAP) à Lille, avec Claudia Weber, associée et fondatrice du cabinet ITLaw.
Petit Forestier est un loueur de véhicules de transport frigorifique présent dans 24 pays, dont le chiffre d'affaires a dépassé le milliard d'euros pour la première fois l'an dernier (1,075 Md€). L'entreprise familiale veut devenir le numéro un de la location de transport frigorifique durable. Et comme Jean Leroux n'a cessé de le marteler, l'objectif de son projet n'est pas de passer à Rise with SAP pour passer à Rise with SAP, mais justement d'accompagner cette ambition globale. Ce que le SI en place, présentant de nombreux degrés d'obsolescence, ne pouvait faire.
Un enjeu majeur pour toute l'entreprise
Le 30 juin 2022, Petit Forestier a donc signé pour une migration vers Rise with SAP avec un intégrateur spécialisé, Synvance, racheté depuis par Viseo. Et l'entreprise a basculé le week-end du 5 octobre précédant tout juste la convention USF. L'enjeu de cette bascule était majeur, comme l'a souligné le DSI, le périmètre couvert par l'ERP allant du « commerce aux achats, en passant par la finance, les contrats, la maintenance des véhicules, la gestion de flotte et même le recyclage des camions. On embarque toute la maison ».
Pour le DSI, c'est le risque organisationnel, et donc humain, qui est le plus sensible. Jean Leroux a, par exemple, évoqué certaines contraintes inscrites dans le contrat par l'intégrateur et parfois sous-estimées. C'est le cas de la comitologie spécifique à ce type de projet, avec des BPO (business process owners) pour chaque processus. « Nous n'avions pas ce type de fonctions, a-t-il insisté. Nous avons donc dû les créer. C'est un risque opérationnel majeur ».
Jean Leroux a également tenu à intégrer des compétences SAP dans ses équipes pour ne pas être démuni face à ce qu'il qualifie d'hyper compétence de l'intégrateur, voire pour jouer les « poils à gratter » auprès de l'éditeur. Les deux freelances qui ont ainsi accompagné le projet ont aussi formé les informaticiens. De quoi minimiser également les risques technologiques et financiers principalement liés au cloud. Risques qui, pour le DSI, ne sont finalement pas si lourds en comparaison d'une configuration on-premise.
Le long travail d'expression du besoin
Restent les risques juridiques majeurs. Pour Claudia Weber, ce sont bien moins ceux liés à la propriété intellectuelle ou au RGPD que les conséquences des risques organisationnels, financiers ou technologiques non anticipés. L'avocate a ainsi rappelé que la définition du besoin constituait une obligation juridique fondamentale. Car, en cas de dysfonctionnement, « il y a de fortes chances que ce soit la responsabilité de l'entreprise cliente qui soit engagée, et non celle de l'intégrateur ». Pour que ce dernier comprenne et réponde au besoin, il est essentiel que celui-ci soit exprimé clairement dans le contrat.
Claudia Weber, associée et fondatrice du cabinet ITLaw, et Jean Leroux, DSI de Petit Forestier lors de la convention de l'USF à Lille. crédit : E.D.
Même lorsqu'il existe des zones du projet pour lesquelles l'entreprise ne sait pas exprimer ses besoins, il est aussi important qu'elle le signale pour que l'intégrateur ne le découvre pas plusieurs mois après le démarrage du projet. « Ne pas savoir, c'est aussi un besoin », rappelle Claudia Weber. Selon l'avocate, ce travail de description du besoin peut durer plusieurs mois et peut demander l'accompagnement d'une assistance à maîtrise d'ouvrage (AMOA). « J'ai choisi une assistance à maîtrise d'ouvrage qui connait la culture SAP, plutôt qu'un prestataire puriste de l'AMOA », a d'ailleurs confirmé le DSI de Petit Forestier à la convention USF 2024.
Rise with SAP, une relation contractuelle à 4
Cela n'a cependant pas empêché quelques développements spécifiques demandés par les métiers, même si SAP pousse au déploiement de la configuration standard. L'occasion pour Jean Leroux d'insister sur la nécessité d'anticiper aussi au maximum ce type de développements spécifiques pour les inscrire au contrat, même si, selon lui, ces développements n'ont fait augmenter le budget du projet qu'à la marge.
Autre précaution à prendre pour Claudia Weber et qui pourrait paraître évidente : veiller à ce que le contrat soit respecté. Et pour cela, mettre en place, comme l'a fait Petit Forestier, un comité contractuel toutes les 4 à 6 semaines avec l'intégrateur. « Cela permet d'anticiper un dépassement, plutôt que de le subir », a insisté l'avocate.
Mais « l'intégration de Rise with SAP, ce n'est pas simplement un contrat avec un intégrateur, a-t-elle ajouté. C'est une relation à 3, voire à 4 [avec l'intégrateur, l'éditeur et l'hyperscaler, GCP pour Petit Forestier, NDLR]. Tous les éléments d'importance sont liés les uns aux autres et toutes les clauses s'interprètent... Le contrat entre l'entreprise et l'intégrateur n'est rien sans le contrat SAP, qui intègre par exemple le démarrage de la facturation à une date donnée ».
7 clauses structurantes du contrat
Claudia Weber a identifié un ensemble de 7 clauses structurantes dans un contrat entre une entreprise et un intégrateur, pour un projet de déploiement de type Rise with SAP. A commencer par le préambule et l'objet qui décrivent ce que l'entreprise achète et pourquoi. En l'occurrence pour Petit Forestier, Rise with SAP avec l'objectif de devenir numéro un de la location de transport frigorifique durable. 2e clause, la gouvernance avec les détails de la comitologie et du comité contractuel. La 3e clause comprend le cadrage des conditions financières et la 4e précise les périmètres de responsabilité de l'entreprise et de l'intégrateur. Un sujet sur lequel l'avocate recommande de trouver un équilibre. « N'acceptez pas que votre prestataire se déresponsabilise, mais ne décrivez pas non plus des clauses trop larges ».
5e clause, les garanties et la propriété intellectuelle. « Vous devez être propriétaire de ce que fait votre intégrateur », a rappelé l'avocate. La 6e clause inclut la qualité et les pénalités éventuelles. Enfin, la 7e et dernière clause est particulièrement importante. Elle couvre la résiliation et de la réversibilité. Autrement dit le protocole à appliquer en cas de défaillance du prestataire, pour reprendre le projet. « Avec courage », a ajouté Claudia Weber.
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