Non, OVH n’est plus une entreprise française. Enfin plus seulement. Depuis que son fondateur et président, Octave Klaba, est parti s’installer au Texas, avec l’arrivée de Michel Paulin comme directeur général, le fournisseur cloud a accéléré son internationalisation et compte développer ses équipes dans la vingtaine de pays où il est installé. Et ouvrir d’autres datacenters, en plus des 30 déjà actifs dans 12 pays. Car oui, après vingt ans de reconnaissance dans l’hébergement et l’infrastructure, OVH revendique sa place d’acteur du cloud et compte bien rivaliser avec les géants du secteur. Et se placer comme « l’alternative européenne » aux fournisseurs cloud américains et chinois.
Pour se démarquer, l’entreprise qui se fait désormais appeler OVHcloud compte appliquer sa stratégie SMART, pour fournir une offre Simple, Multi-locale, Accessible, Réversible et Transparente. Et OVH compte rivaliser avec ses concurrents par sa culture de l’ouverture. « Le cloud n’est pas une prison » et le fournisseur croit à la puissance du multi-cloud. C’est pourquoi l’entreprise travaille avec la communauté européenne à la rédaction d’un code de conduite sur la portabilité des données. Mais OVH est aussi en discussions avec le gouvernement pour oeuvrer à la recréation d’un cloud souverain. « Nous travaillons dans le cadre de la filière CSF avec tous les acteurs sur la proposition de solutions », a développé Michel Paulin lors d’une conférence de presse. « Pas de grands mécanismes, comme ceux tentés il y a plusieurs années. C’était un fiasco et nous ne réitérerons pas et ne participerons à ce type de modèle hypercomplexe. Nous cherchons la simplicité et c’est ce que nous avons présenté à l’Etat en disant : oui, nous sommes prêts à prendre part à ces réflexions avec les solutions que nous avons pour proposer un cloud de confiance en France. Mais pour être honnête, nous discutons aussi avec d’autres acteurs européens pour avoir également une vision de comment nous pourrions créer une infrastructure de confiance européenne. »
Le secrétaire d'Etat au Numérique, Cédric O, était présent pour revenir sur la volonté de l'Etat d'instaurer un cloud souverain en trois cercles, dans lequel participeront des acteurs du cloud européens principalement, dont OVH, sans toutefois fermer la porte aux acteurs américains et chinois. (Crédit : OVHcloud)
Invité spécial du OVHcloud Summit, le secrétaire d’Etat au Numérique, Cédric O, corrobore les dires du CEO du fournisseur cloud. Il indique aussi que l’Etat se chargera de développer en interne l’infrastructure et les applications du premier cercle de ce cloud souverain (qui abritera les données les plus sensibles). Et rappelle que la France doit être présente dans la concurrence technologique européenne face aux Etats-Unis et la Chine. Les entreprises du numérique vont créer plus de 25 000 emplois (soit 10% du nombre total de création d’emplois). « Si on veut être capable de construire une offre européenne, ça veut dire qu’on doit créer un écosystème », insiste le secrétaire d’Etat. « C’est pourquoi il est important de travailler avec OVH et avec d’autres, parce qu’OVH tout seul n’y arrivera pas. Ce que font les acteurs européens du cloud et du numérique en général, c’est important pour nous. La solution ne viendra jamais de l’Etat. Notre job, c’est de créer les conditions, d’amener les investisseurs, de faire en sorte que les entreprises entrent en bourse de manière favorable, d’aider les grands groupes à assurer leur transformation numérique. Mais pour faire ça, ce sont les acteurs privés qui ont les leviers. » Ce qui ne veut pas dire exclure les acteurs étrangers. Cédric O remémore que le gouvernement a fait des modifications fiscales pour que ces derniers puissent importer des datacenters sur le sol français.
Des annonces selon les quatre entités du groupe
L’an dernier, OVH repensait son offre en quatre univers. Bien que le nom de deux d’entre eux ait changé pour être mieux identifiables, ces univers gagnent en maturité et les annonces de l’entreprise s’orientaient selon ces quatre axes. Côté Market, OVH va mettre à disposition des entreprises utilisant ses services d’hébergement des tableaux de bords plus intuitifs et un website coach pour les aider à améliorer les performances de leurs sites web. Une marketplace a été lancée aussi pour leur permettre d’accéder à des services SaaS d’éditeurs partenaires. Pour les grands comptes, regroupés dans l’entité Enterprise, ces derniers pourront désormais héberger leurs bases de données SQL dans le cloud OVH. Un service de messagerie sécurisée opérée par OVH leur est également proposé.
Les plus grosses annonces sont sur la partie Serveurs (anciennement Spirit). OVH continue d’investir dans le bare metal et souhaite désormais le proposer as a service, sous forme de consommation d’API. C’est ainsi que l’entreprise aura repensé la totalité de son offre – des serveurs Rise au haut de gamme – d’ici la fin de l’année pour faire en sorte qu’un client puisse acheter et gérer des serveurs directement depuis le site vitrine. « Nous allons introduire le mois prochain les toutes dernières technologies d’Intel, avec Cascade Lake, et les processeurs AMD Epyc de la gamme Rome pour une plus forte densité GPU », a indiqué Alain Fiocco, CTO d’OVH.
A fond dans le bare-metal…
De nombreuses fonctionnalités pour la gestion de ces serveurs seront mises en place. Le confidential computing créé avec la technologie SGX d’Intel va permettre de créer des enclaves chiffrées, isolées au niveau matériel, « dans lesquelles les données sont protégées même pendant leur utilisation ». Et tout en continuant d’augmenter la bande passante des serveurs dans les réseaux privés et publics, avec nx10Go et nx25Go pour les gammes Advance, Infra et HG, OVH tient à ne pas facturer la volumétrie du trafic. Ceci pour permettre cette réversibilité des données à laquelle le fournisseur tient tant.
Autre fonctionnalité : OVH link agregation (OLA). « Nous allons vous donner la flexibilité de manager la connectivité entre les serveurs et le réseau », explique le CTO d’OVH sur la scène du Summit. Si un client a plusieurs interfaces dans le réseau privé et public, c’est aujourd’hui une configuration fixe. OVH va faire en sorte que ces interfaces puissent être migrées à volonté par le client, du privé au public et vice versa. Pour l’instant OLA n’est supporté que sur le réseau privé, mais prendra bientôt en charge le réseau public.
Sur le salon du Summit d'OVHcloud, la partie Serveur présentait l'évolution de la technologie de refroidissement par eau d'OVH depuis son lancement en 1999. (Crédit : Nicolas Certes)
Pour les grosses entreprises qui ont besoin de plus de capacité de calcul, OVH va bientôt délivrer des serveurs en mode cluster et non plus à l’unité. Toujours en consommant des API, les équipes IT des grands comptes pourront piloter des groupes de plusieurs centaines de serveurs plutôt que de les gérer un par un. De même, des partenaires du fournisseur pourront délivrer des PaaS ou du SaaS directement intégrés dans le cloud OVH. Des tests sont en cours avec certains partenaires. Les données IPMI des serveurs sont également mises à disposition as a service pour les clients des offres haut de gamme, ce qui est une particularité d’OVH selon son CTO.
…et dans Kubernetes
Enfin, ces infrastructures sont bien sûr utilisées par OVH pour son Cloud public (feu OVH Stack). Le fournisseur entend aller jusqu’à accompagner les clients dans leur passage en production en rendant son cloud compatible avec les environnements de déploiement et d’opération. Cela passe par le renforcement du support sur les API Openstack, Kubernetes, pour le stockage, etc. OVH a ainsi permis d’accéder à son object storage à travers des API S3. « Je vous rassure, nous ne sommes pas devenus AWS », lance Alain Fiocco, mais ils utilisent les technologies Swift open source pour gérer leur infrastructure objet et supportent désormais ce type d’API. Le support des services Kubernetes managés a aussi été étendu de deux à sept régions dans le monde, ce service étant en croissance de 40% par mois. Cette offre va être complétée d’ici quelques semaines pour pouvoir gérer des images en mode privé pour Kubernetes mais aussi d’autres services publics. Un autre service autour de Kubernetes est testé depuis deux semaines. Il s’agit de la capacité à utiliser des nœuds bare metal à partir de clusters Kubernetes, « et ça, si on l’exécute comme nous l’avons prévu, nous serons les premiers à le proposer sur le marché, personne d’autre ne l’a, même pas les grands » se targue le CTO d’OVH. Ce projet sera disponible en production en 2020.
Si le Summit était traditionnellement ouvert par Octave Klaba et ses reprises rock and roll, cette année le fondateur et désormais président d’OVHcloud est arrivé sur scène pour conclure le keynote avec sa vision pour l’avenir. OVH termine son 4e plan stratégique et Octave Klaba est revenu des Etats-Unis avec une ambition simple : changer de dimension tout en gardant les particularités qui ont fait le succès d’OVH. C’est ainsi que son 5ème plan stratégique sera orienté sur trois axes pendant cinq ans : valoriser la culture que l’entreprise partage entre ses collaborateurs, clients et partenaires ; amorcer une transition d’une offre focalisée sur les produits vers une approche centrée client et continuer d’innover dans ses quatre univers cloud. Michel Paulin a de son côté rappelé aux clients présents dans la salle de faire confiance aux entreprises et start-ups européennes et de conclure, à la manière de son président, qu’« avec vous, ça va déchirer grave ».
Je me permets de rebondir sur les propos du CTO d'OVH. La capacité à utiliser des noeuds bare metal à partir de cluster Kubernetes est déjà possible avec l'offre IKS (IBM Kubernetes Service).
Signaler un abusEt si OVH s'appuyait sur les principes de l'architecture RINA (Recursive Inter Network Architecture) proposée par John Day, ancien d'Arpanet, et Louis Pouzin concepteur du Datagramme (au cœur de TCP/IP d'Internet ) avec son équipe du réseau Cyclades, pour offrir aux Européens des services sécurisés, à la confidentialité renforcée, aux performances mieux garanties que le "best effort" d'Internet ?
Signaler un abusUne des fondations de notre souveraineté numérique à reconquérir.
Une autre brique pourrait être la version "durcie" de Linux développée par les équipes de l'ANSSI, aujourd'hui disponible.