Selon des informations publiées hier par le Wall Street Journal, Bloomberg et le journal allemand Manager Magazine, Audi, BMW et Daimler vont s’associer pour acheter le service de cartographie numérique Here de Nokia pour environ 2,7 milliards de dollars. Ils voudraient aussi inciter d'autres constructeurs automobiles à prendre une participation dans l'entreprise : sa technologie de cartographie numérique est essentielle pour les véhicules sans conducteur.
Toujours selon ces informations, toutes basées sur des sources anonymes proches du dossier, l’annonce de ce rachat pourrait avoir lieu la semaine prochaine et l'accord pourrait être signé dans les prochains jours. Uber, d’abord intéressé, aurait abandonné le processus d'appel d'offres il y a plusieurs semaines. Ni Nokia, ni Audi n’ont répondu à une demande de commentaires. BMW et Daimler ont également refusé de commenter. Here produit des cartes en haute définition et les combine avec la technologie cloud, ce qui permet à de nombreux appareils connectés d’y accéder, et en particulier les véhicules sans conducteur reposent entièrement sur cette technologie et ces services.
La cartographie au coeur des véhicules connectées
Lundi, Here avait annoncé qu'il permettait à tous les constructeurs automobiles effectuant des tests de véhicules automatisés d’accéder aux données cartographiques des portions de routes publiques dans quatre pays. Selon certains, Nokia espérait recevoir 4 milliards de dollars pour sa technologie Here. « Nokia a sans doute été déçu par le prix d'achat, très inférieur aux 4 milliards de dollars attendus, d’autant que le constructeur finlandais avait déboursé 8,1 milliards de dollars pour mettre la main sur Navteq en 2007 », a déclaré Greg Sterling, vice-président de la stratégie et des analyses de Local Search Association. Navteq a été intégrée au département Location & Commerce de Nokia, renommé plus tard Here. « Néanmoins, la vente boucle la stratégie de Nokia et finalise son recentrage dans la fabrication d'équipement réseau», fait remarquer Greg Sterling.
« Une acquisition par le groupe allemand est en partie défensive », a-t-il ajouté. « Tous utilisaient le produit et le système de cartographie et de navigation de Nokia était au cœur de la future voiture sans conducteur », a encore expliqué le vice-président de la stratégie et des analyses de Local Search Association. « Au cas où Here avait été rachetée par une entreprise chinoise ou américaine, ils craignaient de ne plus bénéficier du même niveau de service ou d'accès ». Reste à voir combien les nouveaux acquéreurs sont prêts à investir pour développer la plate-forme et les données sous-jacentes. « La cartographie numérique ne fait pas partie de ces produits qui n’ont pas besoin d’évoluer, et exige au contraire des investissements et une attention constante pour rester compétitive », estime encore Greg Sterling.
Concurrents mais pragmatiques
Une autre question reste en suspend : il faudra attendre la fin des tests réalisés par les constructeurs automobiles pour savoir s’ils pourront travailler et avancer ensemble. « Car, au final, ils sont toujours en compétition les uns avec les autres », fait remarquer Ramon Llamas, directeur de recherche chez IDC. Chaque entreprise devra décider comment différencier ses propres produits sur une base technologique qui est la propriété de tous. « Par exemple, il faudra savoir si les développements accomplis par un des constructeurs pourront ou non profiter à ses partenaires. Ça peut devenir très compliqué », ajoute Ramon Llamas. Le fait que les entreprises automobiles allemandes préfèrent acheter la technologie propre de Nokia au lieu de licencier des technologies concurrentes, comme celles de TomTom, Magellan ou Google, laisse aussi penser que des accords de licence pour utiliser ces solutions auraient été plus chers », explique le directeur de recherche d’IDC. Reste que, « débourser 2,7 milliards pour se retrouver dans le même bateau que ses concurrents les plus proches implique certains défis en perspective ».
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