Les entreprises sont sans doute encore loin de tirer partie du plein potentiel de l'IA au service des usages métier et du business. Au sein de Nestlé France, la tendance s'est accélérée ces dernières années. En tout, le poids-lourd de l'industrie agroalimentaire (plus de 80 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2020), utilise désormais des solutions d'intelligence artificielle pour 41 cas d'usage. Pour autant, il n'y a rien d'évident à cela : « on ne fait pas d'IA en mode presse bouton », prévient Mathieu Ovaert, directeur de la transformation numérique du groupe depuis janvier 2020 et membre du comité exécutif. « On fait de l'IA un facteur de choix durable pour les ventes et le marketing », poursuit-il. Mais ce n'est pas tout : la société veille aussi à ce que l'ensemble des projets exploitent de la « data propre et fiable » injectées dans un datalake tournant sur Microsoft Azure dans un cloud privé.
L'un des premiers objectifs de mise en oeuvre de l'IA chez Nestlé France tourne autour de l'amélioration des investissements en promotion et média. « Avant c'était beaucoup plus simple, on faisait avec la TV et le print mais cela s'est énormément complexifié avec les enchères publicitaires », raconte Mathieu Ovaert. Pour l'aider dans ce chantier, la société suisse (dont l'activité France représente la plus grande part de ses revenus) a fait appel à Ekimetrics et ses algorithmes de modélisation pour piloter de manière plus efficace ses investissements sur les segments de marché du chocolat et du café. Avec à la clé des bénéfices tangibles : « Cela nous permet d'être plus efficace, d'améliorer le ROI et répondre aux enjeux de marque et de fidélité », explique Mathieu Ovaert.
Une IA qui aide mais ne décide pas
Pour autant, pas question de laisser les algorithmes décider à la place des responsables marketing ou commerciaux. « L'IA nous aide mais ce n'est pas lui qui va dicter mais proposer des scénarios qui vont permettre aux collègues de prendre des décisions », fait savoir Mathieu Ovaert. Et ce, alors que l'IA n'est pas sans faire souffler un léger vent d'incertitude, voire de crainte parmi les utilisateurs et les métiers du géant de l'agroalimentaire. Une enquête fait, en effet, ressortir que près du quart d'entre eux doute sur la pertinence de recourir à l'intelligence artificielle pour gérer les plans d'investissements media et promo. Pour autant une moitié indique « rentrer dedans » tandis qu'un autre quart estiment plutôt que Nestlé se met trop tard à l'IA.
L'un des grands challenges que Nestlé a relevé dans le cadre de l'usage de l'IA, est de lutter contre les biais algorithmiques pouvant débouchant sur des effets de sur/sous-pondération. « Cela nécessite des corrections et de l'A/B testing en tenant compte de ce que le consommateur voit vraiment sur les promotions en magasins, dans les prospectus PDF ou papier... », explique Mathieu Ovaert. Chez Nestlé la méthode d'A/B testing est loin d'être nouvelle et permettait déjà par exemple de calculer le retour sur investissement de campagnes print et TV, Facebook, YouTube... « On parle d'impact financier mais nos cas d'usage sont aussi sur la durabilité », explique Mathieu Ovaert. « On mesure en temps réel les champs pour voir s'il faut les arroser ». L'analyse d'images chez Nestlé est aussi utilisée depuis 2019 pour surveiller ses fournisseurs afin de vérifier leurs plantations d'huile de palme et le niveau de déforestation des terres avec à la clé la possibilité pour le groupe de revoir ses contrats voire de purement les blacklister.
Des cadres formés à l'IA à HEC
Dans les cartons, Nestlé a également un projet d'IA pour optimiser le remplissage de ses camions. Un usage certes classique en vigueur chez de nombreux transporteurs (Geodis, FM Logistics...). « Cela permet de mettre moins de camions sur les routes, cela a un bénéfice économique et écologique », indique Mathieu Ovaert. Signe que l'IA et la data montent en puissance chez Nestlé, l'obligation de formation pour les managers du groupe sur 2 jours dispensés par HEC. Les projets menés avec Ekimetrics en France vont aussi être amenés à se développer au-delà des frontières hexagonales avec un pilote groupe lancé sous peu.
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