Il a cette fois été obligé de répondre à la convocation. Le président et CEO de Facebook a répondu hier aux questions du Sénat américain pendant plus de quatre heures. Dans la tourmente, Mark Zuckerberg a choisi de s’expliquer directement sur l’affaire Cambridge Analytica où 87 millions de profils Facebook ont été exploités sans le consentement des utilisateurs pour des campagnes marketing politique très ciblées pendant l’élection présidentielle américaine de 2016.
Le patron du réseau social aux deux milliards d’utilisateurs s’est donc excusé une nouvelle fois auprès du Sénat américain. Cette erreur est la sienne a-t-il assuré. « Ce n’est pas assez de connecter les gens entre eux, nous devons nous assurer que ces connexions sont positives », reconnaît Mark Zuckerberg. Et d’ajouter que sa société traverse « un grand changement philosophique » qui permettra, selon lui, de résoudre les erreurs passées, notamment dans le scandale en cours. D’ailleurs, Mark Zuckerberg a signalé avoir engagé « une course aux armements » contre « des gens en Russie dont le travail est d'exploiter nos systèmes et autres systèmes Internet ». Facebook coopère aussi avec le procureur spécial Robert Mueller chargé de l’enquête sur l'ingérence russe dans la campagne présidentielle américaine de 2016.
Des sénateurs plus ou moins au fait de certains sujets
Les sénateurs ont ensuite littéralement criblé de question le dirigeant de Facebook allant de l’utilisation des données personnelles par la société à une possible version payante du réseau social, en passant par la question du monopole de l’entreprise. Les questionneurs ont cependant parfois pu donner l’impression de ne pas du tout maîtriser les aspects techniques de l’activité de Facebook. Son CEO a, à plusieurs reprises, indiqué qu’il ne comprenait pas la question posée. Et la multitude de questions, s’enchaînant sans lien entre elles, ne semblaient que survoler certains sujets.
L'audition de Mark Zuckerberg au Congrès le 10 avril 2018.
Sur les questions de réglementation, Mark Zuckerberg a plus ou moins éclairci certains sujets où la société se montrait volontairement floue. Plusieurs membres du Congrès ont évoqué une loi plus stricte sur la protection des données, à l’image du RGPD européen. « Notre position n'est pas qu'il ne devrait pas il y avoir de réglementation. Mais nous voulons être certains que c'est la bonne réglementation », a répondu Mark Zuckerberg. Et s’est refusé à défendre une telle loi.
Le responsable de Facebook a également reconnu la responsabilité de la société autour des contenus diffusés sur sa plate-forme. L’entreprise entretenait jusqu’alors le flou sur son statut, préférant se qualifier « d’entreprise de technologie » plutôt que de « média » ou « éditeur » qui induit une responsabilité dans les contenus diffusés. « Avant, nous n’avions pas d’outils d’intelligence artificielle donc nous dépendions des gens pour signaler des contenus aux plates-formes. Dans le futur, cela va changer. Et cela pose des questions morales que la société devra trancher » explique Mark Zuckerberg.
Gratuité et monopole
Interrogé par Bill Nelson, sénateur démocrate de la Floride, sur une éventuelle version payante de Facebook, le trentenaire milliardaire a assuré qu’« il y aura toujours une version de Facebook qui sera gratuite ». Mais mark Zuckerberg n’a pas non plus confirmé la création d’une plate-forme premium pour les utilisateurs ne voulant pas que leurs données soient utilisées commercialement. « Si vous voulez une expérience sans publicités ciblées, vous pouvez désactiver cette option » rappelle le fondateur du réseau social. « Mais les gens n'aiment pas les publicités qui ne sont pas pertinentes, ils préfèrent les publicités pertinentes. Sans publicité, nous aurions besoin d'un autre modèle économique. »
L'audition du CEI de Facebook concernant l'affaire Cambridge Analytica était très attendu. Mark Zuckerberg doit être entendu aujourd'hui par la Chambre des représentants cette fois-ci. (Crédit : YouTube)
« Vous ne pensez pas que vous avez le monopole ? » Question posée par le sénateur républicain Lindsay Graham. Et Mark Zuckerberg est d’ailleurs resté muet au moment de citer de potentiels concurrents, évoquant d’abord les autres Gafam. Relancé par le sénateur sur ses « vrais compétiteurs » à plusieurs reprises, le dirigeant a fini par répondre que chacun utilise en moyenne huit applications de communication. Elles ne sont, certes, pas identiques à Facebook mais Mark Zuckerberg « n’a pas le sentiment » que sa société, qui possède tout de même les deux plus importantes applications de messagerie (Whatsapp et Messenger), soit sans concurrence.
« Pourriez-vous nous dire dans quel hôtel vous avez dormi hier soir ? »
S’il a plutôt bien fait face à l’interrogatoire des sénateurs, l'homme au T-shirt gris – qu’il avait troqué contre un costume pour l’audition – a quelques fois été déstabilisé par certaines questions d’élus. La scène marquante de ces quatre heures d’entretien reste la question du démocrate Dick Durbin. « M. Zuckerberg, pourriez-vous dire à tout le monde ici dans quel hôtel vous avez dormi hier soir ? » Après un temps de gêne amusée, l’intéressé répond un simple « Non » suivi de rires dans l’assemblée. Et le sénateur d’enchaîner : « Si vous avez contacté des gens cette semaine, voudriez-vous nous communiquer leurs noms ? » Un sourire toujours en coin, Mark Zuckerberg répond : « Non, sénateur. Je choisirais probablement de ne pas rendre ces informations publiques. » « C'est bien de cela dont on parle aujourd'hui : votre droit à la vie privée » rétorque le sénateur. « Il s'agit de votre droit et de savoir si vous êtes prêt à l'abandonner afin, je cite, de connecter le monde. Tout le monde devrait pouvoir contrôler la façon dont ses données sont utilisées », conclut Dick Durbin.
Le CEO de Facebook s’est aussi sorti de nombreuses questions sensibles par un simple : « Je ne connais pas la réponse, mais je reviendrai vers vous. » Facebook trace-t-il les données de navigation des internautes, même quand ils ne sont pas connectés ? « Je l’ignore. » D'autres applications ont-elles pu récupérer de grandes quantités de données ? « Je reviendrai vers vous. » Des mineurs ont-ils pu être concernés par la collecte de données d'appels téléphoniques ? « Mes équipes vous tiendront au courant ». Combien de temps Facebook garde les données des utilisateurs qui suppriment leur compte ? Pas de réponse.
Mark Zuckerberg interrogé sur les potentielles dérives politiques de Facebook.
Les sénateurs se sont montrés sceptiques à l’idée d’obtenir plus de réponses supplémentaires après la séance de la part de l’entreprise. Mark Zuckerberg doit se rendre aujourd’hui devant la Chambre des représentants pour un deuxième round. Côté bourse, les actionnaires de Facebook semblent avoir été contents de la prestation du dirigeant. Au moment de son audition, l’action FB grimpait de 4,50% à 165,04 dollars.
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