Comme chaque année depuis 2010, la DFCG (réseau des dirigeants financiers) a présenté à l’occasion de son événement Financium, son observatoire international du manager de la performance réalisé par le cabinet Décision Performance Conseil. Objectif de ce questionnaire, faire le point sur les évolutions technologiques et méthodologiques du contrôle de gestion. Car c’est bien ce métier qui est requalifié en management de la performance. Une question de revalorisation, nul doute, mais également comme le montrent les résultats de l’enquête, une réelle tendance. La volonté de digitaliser la fonction, par exemple, témoigne de la transformation souhaitée d’un rôle de contrôleur vers un rôle d’accompagnement de la direction générale et des métiers. Même si Frédéric Doche, co-président du groupe contrôle de gestion de la DFCG et président fondateur de Décision Performance Conseil, qui coordonne l’enquête depuis ses débuts, regrette que les changements de méthodes de budgétisation ou certains pans de la digitalisation ne fassent pas justement pas encore parties des priorités.
Pour autant, une forte majorité des répondants précise ne pas avoir changé de méthodes ni de calendrier de prévisions avec la crise (69% des répondants contre 53% en 2020). Seules les ETI se distinguent puisque 40% d’entre elles ont modifié leurs démarches. Sans abandonner les budgets classiques, 37% des répondants déclarent avoir une forte intention d’adopter les rolling forecasts. C’est le cas en particulier dans le secteur public, la banque et l’énergie alors que près de 40% l’ont déjà fait, industrie et distribution en tête. Ces méthodes exploitent les données passées afin d’établir tout au long de l’année des prévisions financières des performances de l’entreprise. 82% des entreprises ont par ailleurs mis en place un PCA (plan de continuité d’activité) post crise sanitaire contre 71% en 2020. Seuls 13% disposent d’un plan spécifique pour la DAF. Selon Frédéric Doche, depuis mars 2020, les équipes de contrôle de gestion ont bel et bien retravaillé les budgets, redéfini les prévisions, mais ils n’ont pas suffisamment revu leurs méthodes pour être efficaces à long terme.
Les répondants de l'observatoire de la DFCG placent la digitalisation et l'évolution des compétences entre autres vers l'IT dans leurs priorités pour l'an prochain. (Image Observatoire DFCG / Décision Performance Conseil)
Le digital, priorité numéro un pour 9 contrôleurs de gestion sur 10
En 2022, le digital est la priorité numéro un pour plus de 90% des répondants. L’observatoire inclue tout autant dans ce cadre les ERP, la BI, les outils de planification que la datavisualisation, la RPA ou l’IA. Dans un métier où la saisie de données et les manipulations Excel occupent encore beaucoup les équipes, l’attente principale vis-à-vis du digital réside justement dans le gain de temps de production (c’est une attente forte pour 45% des répondants). Juste derrière, avec une même proportion de 34% viennent la capacité de prévision et la capacité de prescription. Les deux sont liés, puisque le temps libéré par l’automatisation de la production de données et de rapports est censé permettre aux équipes de se reporter des activités avec davantage de valeur ajoutée. Enfin, la data est un sujet central en particulier au sein des DAF, et les « analyses plus sophistiquées utilisant mieux la donnée » représentent une attente forte ou modérée pour 77% des répondants. Un enthousiasme relatif néanmoins, puisque seuls 25% des sondés affichent une attente forte en la matière.
BI, planification budgétaire et datavisualisation parmi les plus déployés
Les solutions classiques de pilotage de la performance (BI) sont les plus déployées avec plus de la moitié des réponses. Une proportion qui grimpe à 73% si l’on inclut les projets en cours. Juste derrière viennent la planification budgétaire et la data visualisation avec respectivement 68% et 64% de projets réalisés ou en cours. Les plates-formes collaboratives dépassent à peine 20% devant le big data et la RPA. Quant à l’IA, elle n’est quasiment pas déployée, et néanmoins en cours pour quelque 10% de répondants.
Les attentes des contrôleurs de gestion vis-à-vis de la digitalisation de la planification budgétaire concernent principalement la capacité à bâtir des scénarios et des simulations (41%), l’amélioration de la fiabilité des prévisions (34%) et le développement des échanges avec les opérationnels (31%). Seules les très grandes entreprises au CA de plus de 5 milliards d’euros placent les gains de productivité en première place (57%). La datavisualisation répond, elle, à des besoins de structuration du pilotage (54%), d’aide à la décision (52%) et étonnamment seulement en 3e position et bien plus loin, à la possibilité de rendre les utilisateurs plus autonomes (33%). La crainte de perdre son pouvoir d’information contre-balancerait-elle l’intérêt d’autonomiser les métiers tout en libérant du temps pour les équipes DAF ? Difficile à analyser.
La RPA, une démarche massivement en cours dans les grandes structures
Forte progression des projets de gouvernance de la donnée, puisqu’elle est désormais en place dans 42% des entreprises contre seulement 32% en 2020. Et c’est la DSI qui est citée le plus souvent comme acteur dans cette démarche avec 58% des réponses, suivie par la DAF avec 48%. Le chief data officer et la DG n’obtiennent respectivement que 24% et 23% des réponses. La robotisation des processus (RPA), considérée comme un moyen de libérer les équipes des tâches répétitives afin qu’elles se reconcentrent sur leur métier, se traduit progressivement en projets concrets. Un peu plus de 10% des entreprises au CA supérieur à 1 milliard d’euros en ont déjà déployés. Au total, 70% de ces grandes structures l’ont déjà fait, sont en cours d’installation ou ont prévu d’y passer. Dans les ETI et les PME, la proportion tombe à 45% avec 0 déploiement déjà réalisé dans les premières ! Les objectifs poursuivis relèvent de la production automatique de reportings (81%), de l’identification d’anomalies et de la réduction des risques d’erreurs (77%) ainsi que de l’amélioration du processus de clôture comptable (70%).
Une digitalisation freinée par le manque de conviction, de temps, de budget
L’observatoire de la DFCG liste également les freins à la transformation digitale au sein du contrôle de gestion. L’IA et la RPA, par exemple, peinent à convaincre à l'exception des très grands groupes. Ce n’est pas forcément une surprise, car le sentiment est partagé par de nombreux autres métiers. Ces deux types de solutions soulèvent encore de nombreuses interrogations sur les conséquences humaines de l’automatisation ou sur l’apparition de biais cognitifs, sur leur complexité et leur intérêt. En revanche, il est plus surprenant que les solutions collaboratives soient rangées dans la même catégorie et que le big data soit, lui, jugé trop complexe. Il en va d’ailleurs de même pour la datavisualisation qui pâtirait en revanche, selon les répondants, plutôt d’un manque de temps des équipes. Enfin, c’est le défaut de budget qui nuit le plus au développement de la BI et à la transformation de la planification budgétaire.
La digitalisation n’est pas la seule préoccupation des contrôleurs de gestion. Ils mettent en effet en avant le besoin de nouvelles compétences techniques liées à la gestion des flux de données, aux statistiques et à la capacité de gérer des projets IT. Des profils directement liés à la digitalisation, justement ! Ils évoquent aussi, sans surprise comme tous les autres métiers, la recherche des « soft skills » comme l’écoute, l’agilité intellectuelle et la pédagogie.
Moins d'entreprises affectées significativement par le covid-19
L’observatoire ne pouvait évidemment pas éviter d’interroger les répondants sur l’impact du covid-19. En 2021, il a été aussi important qu’en 2020 et l’inquiétude demeure même si elle s’affaiblit légèrement. Et les grandes entreprises sont les plus affectées. En réponse à la question « Avez-vous été impacté par la crise sanitaire ? », seuls 53% estiment avoir subi un impact significatif ou très significatif contre 72% en 2020. A noter que la question ne précise pas si l’impact est négatif ou positif... Les secteurs les plus touchés seraient d’ailleurs la distribution, les produits de consommation et les transports. Et ce sont les entreprises au CA de 50 à 249 millions de dollars et les très grands groupes au CA de plus de 5 milliards de dollars qui se disent les plus affectés.
Comme en témoigne sa requalification en management de la performance, le contrôle de gestion tente progressivement d’évoluer vers un rôle d’accompagnement des stratégies des métiers et de l’entreprise. Du contrôle a posteriori, il veut passer à l’analyse de la performance passée et présente pour guider la stratégie et les performances à venir, avec une plus grande agilité. Une tendance que la pandémie a changée, accélérée, avec des besoins de visibilité sur la situation beaucoup plus fréquents (des reportings hebdomadaires, voire quotidiens, ont été nécessaires en début de covid-19) et des projections plus fiables, et également plus nombreuses. Reste qu’il est difficile de voir cette transformation prendre forme sans un recours plus important à la digitalisation.
A voir sur le même sujet : Emission Enjeux DAF "Innover en contrôle de gestion"
Commentaire