Avec une croissance de 3% estimée sur 2017, le secteur informatique en France reste sur la tendance qui l’a porté en 2016 (2,9%). Il est toujours entraîné par la transformation numérique des entreprises puisque les trois quarts d’entre elles ont engagé un tel chantier. Les perspectives exposées par Syntec Numérique hier, lors de sa conférence semestrielle, sont donc tout à fait intéressantes pour les fournisseurs de logiciels, services IT et conseil. D’autant plus que 61% des fournisseurs constatent une forte croissance de ces projets de transformation. Ces prévisions de croissance restent néanmoins soumises à la capacité des entreprises à financer ces projets, et aux enjeux de gouvernance et de changement qu’elles affrontent (d’une part la IT à réinventer, d’autre part, la maturité des métiers à intégrer les évolutions).
Sans surprise, ce sont les éditeurs de logiciels qui afficheront cette année encore la meilleure progression, avec une hausse prévue de 4,2% (contre 3,4% réalisée en 2016). Du côté du conseil et services IT, on s’attend à une croissance de 2,7%, identique à celle de 2016. Quant au conseil en technologies, il devrait progresser lui aussi de 2,7% (contre 3% l’an dernier). Le marché est prospère, mais « il n’est pas si simple que cela à appréhender, il y a une forte disparité entre les acteurs de grande taille et ceux de taille moyenne », a rappelé Godefroy de Bentzmann, président de Syntec Numérique. La chambre syndicale représente actuellement plus de 1 800 entreprises du secteur pesant 52,1 Md€ (*). En 2017, tant les ESN et sociétés de conseil que les éditeurs baseront leur croissance sur de nouvelles offres et sur des domaines de compétences qui progressent comme devops, l'IoT et les big data. Ils profiteront aussi de l'essor du modèle SaaS et de l'extension des ventes à l'international.
Une guerre des talents qui fait monter les salaires
Les technologies liées au cloud, à la mobilité et aux outils analytiques devraient générer 90% de la croissance du secteur en 2017 avec un chiffre d’affaires estimé à 8,97 Md€ (contre 7,8 Md€ en 2016). « Notre secteur est aussi concerné par ce sujet, nous avons un enjeu de transformation dans nos propres organisations », a souligné le président de Syntec Numérique. Le cloud constitue le levier le plus important avec une progression prévue de 24% (à 3,5 Md€), suivi de l’analytique (+10%, 2,2 Md€), des outils de sécurité (+9%, 2,1 Md€) et de mobilité (+15%, 1,1 Md€). Surtout, ces quatre technologies peuvent permettre d'améliorer la marge car elles placent les acteurs des services et du conseil sur des offres à plus forte valeur ajoutée, par exemple dans la cybersécurité, l'Internet des objets, les systèmes cognitifs, la blockchain, la robotique ou la réalité augmentée.
Outre un positionnement sur des projets à forte valeur ajoutée, les entreprises de services informatiques cherchent à améliorer leur marge en industrialisant les opérations et en passant par le cloud. (source : Syntec Numérique)
Mais ces projets sont aussi « plus lourds et plus chers à vendre et ils s’accompagnent d’une recherche de compétences », souligne Godefroy de Bentzmann en évoquant aussi une tendance à faire monter les rémunérations sur les profils recherchés. Or il ne faudrait pas que « la guerre des talents fasse exploser les salaires », met-il en garde en ajoutant que « le recrutement est probablement une des premières difficultés du secteur pour que nos clients puissent se transformer ».
Patrice Demay, président du collège Conseil en technologies de Syntec Numérique, Godefroy de Bentzmann, président de Syntec Numérique, et Jonathan Amar, co-président du collège ESN. (crédit : LMI/MG)
Interrogé sur des exemples de profils recherchés, au-delà de la demande en codeurs, déjà connue, Patrice Demay, président du collège Conseil en technologies de Syntec Numérique, cite les compétences en temps réel embarqué qui ont historiquement évolué dans le secteur aéronautique. « Elles sont très demandées par les banques et par les entreprises qui ont besoin d’applications mobiles déportées ». Les expertises en sécurité et en mobilité (développeurs Java) sont également appréciées. A l’inverse, l’apparition de Devops a réorganisé certains rôles qui ne sont plus cantonnées à un domaine et fait émerger le besoin d’équipes plus polyvalentes (le concepteur pouvant désormais aussi bien faire du run). D’autres métiers sont amenés à se transformer, dans l'administration de systèmes & réseaux ou dans le support, par exemple, mais cela concerne des personnes compétentes qui n’auront aucun mal à se former à d’autres domaines, estime de son côté Jonathan Amar, co-président du collège ESN.
Les banques ont défriché seules la blockchain
Godefroy de Bentzmann signale que sur les nouvelles catégories de projets, les grands acteurs du secteur informatique ne font plus d’offres tout seuls. Dans la cybersécurité ou l'IoT, par exemple, ils sont obligés de travailler avec de petits acteurs. Par ailleurs, le président de Syntec Numérique constate aussi que, sur certains sujets, les clients sont aussi rapides que les acteurs IT, voire plus rapides, à appréhender les vagues successives de technologies. Il cite notamment les banques qui ont pris en main la blockchain qui va révolutionner les services financiers. « Ils l’ont fait sans nous », admet-il.
Le cloud a également fait évoluer les exigences des clients dans la phase de choix des produits. Pour les fournisseurs de logiciels, cela se traduit par une augmentation des demandes de PoC pour tester les solutions en ligne, indique Gilles Mezari, président du collège Editeurs. Alors qu'auparavant, les entreprises hésitaient souvent à installer en interne les serveurs pour réaliser les évaluations, il suffit maintenant de leur fournir des identifiants qu'elles accèdent à une instance dans le cloud. Revers de la médaille, le coût de financement du PoC revient à l'éditeur, sans garantie de remporter l'affaire. « Les cycles de vente sont toujours aussi longs », note Gilles Mezari et l'exigence des clients est élevée : « il faut être zéro défaut ».
La e-santé, un secteur qui peut transformer la vie des Français
Enfin, Syntec Numérique s'intéresse de très près à la campagne présidentielle en cours. Avec d'autres organisations, il a notamment réuni cette semaine les conseillers en numérique des candidats en lice. Certains font des propositions, mais « il nous manque une vision globale », estime Godefroy de Bentzmann. De son côté, la chambre syndicale a travaillé sur 4 axes avec des propositions « extrêmement concrètes » a rappelé son président : l'industrie du futur, la formation, la e-santé et la ville. Il s’agit de « propositions pour la société tout entière et pas uniquement pour notre industrie qui se débrouille très bien », assure-t-il. La santé, en particulier est « un secteur sur lequel le quinquennat peut transformer la vie des Français », affirme avec conviction le président de la chambre syndicale en suggérant dans ce domaine « une loi de programmation militaire ». « On voit bien que l'on ne sortira pas la santé de l’ornière sans le numérique », estime-t-il.
Et sur la réorganisation de la formation professionnelle, il suggère de lancer un Grenelle et de remettre sur la table un compte universel en euros (c’est-à-dire monétarisé et plus en points) qui serait fongible avec d’autres droits. « Nous sommes convaincus que la formation professionnelle tout au long de la vie n’est pas adressée correctement ». Et dans ce domaine, les branches professionnelles ne peuvent pas être seules à imaginer le futur.
(*) Les adhérents de Syntec Numérique (1 800 entreprises pesant 52,1 Md€ en 2016) sont à 61% des acteurs du conseil et des services informatiques, les éditeurs de logiciels représentant 22% et le conseil en technologies 17%.
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