LMI : En jetant un œil dans le rétroviseur, quel regard de lecteur portez-vous sur le parcours du Monde Informatique et sur la presse informatique ?
Patrick Bertrand : Très clairement, la diversité de la presse informatique m’a nourri, parce qu’un dirigeant d’entreprise n’a pas la science infuse. Il doit faire un travail d’absorption pour comprendre les différentes évolutions. Il y avait beaucoup de titres, ce qui nous a permis de voir quelles étaient les grandes tendances. Pour moi, la presse a joué un vrai rôle dans ce domaine. Par exemple, sur le sujet du cloud, j’ai été nourri de l’acquisition de CCMX [NDLR : racheté en 2004 par Cegid] et de ce que j’ai pu lire. Je n’ai pas le sentiment que la presse informatique française ait été en retard d’un train. Je trouve qu’elle a toujours bien analysé les grandes tendances que l’on pouvait percevoir. En ce moment par exemple, sur la blockchain, il y a un très bon travail de pédagogie pour de nombreux lecteurs, comme ce fut le cas pour le cloud il y a 7 ou 8 ans.
Avez-vous un souvenir à évoquer en particulier ?
Ma petite frustration, compte-tenu de notre métier d’éditeur, c’est qu’il a pu y avoir il y a quelques années un certain classicisme de la part de la presse informatique qui parlait davantage des sociétés de services et des infrastructures que du logiciel. Il a fallu que l’on crée une organisation [NDLR : l’Association Française des Editeurs de Logiciels] parce qu’on ne positionnait pas la valeur ajoutée au bon endroit. « Le logiciel mange le monde » a dit Marc Andreessen [référence à son article publié en 2011 dans le WSJ], et ce travail de défrichage, non pas sur des tendances technologiques mais sur la compréhension des enjeux de la chaîne des valeurs, n’a pas été assez bien fait. Et cela a mis des semelles de plomb aux métiers du logiciel. Les ESN disaient qu’elles faisaient du logiciel et le risque, c’était que les éditeurs soient repoussés dans la chaîne de valeur. La presse n’a pas assez dit où se trouve la vraie valeur, la puissance du code ou de l’algorithme, la qualité, la richesse qui fait la valeur ajoutée.
Comment avez-vous perçu le passage de la version papier du Monde Informatique vers le web ?
Sur cette évolution, je considère qu’il n’y a pas de spécificité de la presse informatique par rapport à la presse générale. Aujourd’hui, on va à l’information de différentes façons, y compris à travers des livres blancs par exemple. Ensuite, on peut regretter qu’il n’y ait pas d’organe de presse plus puissant. La presse informatique a subi très durement cette disruption complète. Mais elle continue à faire un très bon défrichage sur les tendances et les éléments de fonds, à avoir une bonne compétence, une vision. Il n’y a peut-être pas assez d’éclairage sur ce qu’est la valeur. Par exemple, sur les télécommunications, expliquer l’importance des tuyaux, c’est essentiel.
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