La Chine encourage la mise en place d'un écosystème IA national pour rivaliser avec les acteurs américains dominants, mais des bogues dans les logiciels qui doivent servir d'alternative à ceux d'entreprises comme Nvidia viennent perturber ses ambitions. Selon un article du Financial Times, les outils en question sont ceux du géant technologique chinois Huawei, qui développe ses propres puces IA ainsi qu'un framework IA baptisé CANN, rival du Cuda de Nvidia, destinée à accélérer le développement d'applications pouvant tirer parti de ses GPU. Du fait de ces bogues logiciels, les « clients du principal fabricant de puces d'IA Huawei se plaignent de problèmes de performance et de la difficulté qu'ils ont à abandonner les produits de Nvidia », indique encore le rapport. Selon l'article, les fournisseurs d'IA chinois utilisent de plus en plus les puces Ascend (sur base Arm) de Huawei pour exécuter des tâches d'inférence afin de générer des réponses d'IA aux requêtes. Des accélérateurs plus performants sont nécessaires pour la formation initiale des modèles. Cependant, « de nombreux initiés de l'industrie, dont un ingénieur en IA d'une entreprise partenaire, ont déclaré que les puces étaient encore loin d'atteindre le niveau de celles de Nvidia pour l'entraînement initial des modèles, mettant en cause des problèmes de stabilité, une connectivité inter-puces plus lente et la moins bonne qualité des logiciels développés par Huawei ».
À la suite des restrictions à l'exportation de la technologie mises en place par le gouvernement américain, de nombreuses entreprises chinoises, dont Huawei, cherchent à répondre à la demande de puces puissantes pour l'exécution d'applications d'IA en Chine. Cependant, d'après une déclaration faite mardi par Alvin Nguyen, analyste principal chez Forrester, il n'est pas réaliste de penser qu'une entreprise comme Huawei soit en mesure de supplanter rapidement Nvidia, et que cela prendra du temps et des efforts, tant du point de vue du matériel que des logiciels. « Les difficultés signalées aujourd'hui au sujet des logiciels de Huawei dans ses tentatives de remplacer Nvidia ne sont pas surprenantes : L'écosystème logiciel développé par Nvidia existe depuis longtemps », a déclaré M. Nguyen par courriel. En effet, l'introduction par Nvidia de la plateforme logicielle Cuda pour la programmation des GPU, date de 2006.
Un framework IA encore jeune
Un chercheur a déclaré au FT que le code de Huawei rendait ses puces Ascend « difficiles et instables à utiliser », ce qui entravait les tests. « Quand des erreurs aléatoires se produisent, il est très difficile d'en trouver l'origine en raison d'une documentation insuffisante. Il faut des développeurs talentueux pour lire le code source afin d'identifier le problème, ce qui ralentit tout. Le codage est imparfait », a déclaré le chercheur au Financial Times. Un ingénieur chinois ayant connaissance de l'utilisation des puces Huawei par Baidu a déclaré qu'elles tombaient fréquemment en panne, selon le FT. Dans son rapport, le Financial Times indique que Huawei a envoyé ses ingénieurs sur les sites de ses clients pour les aider à transférer leur code d'entrainement écrit pour Cuda de Nvidia vers CANN de Huawei. « Cette démarche pourrait être utile », a déclaré M. Nguyen : « Huawei utilise ses capacités de service à la clientèle pour travailler plus étroitement avec ses clients sur l'utilisation de ses puces, ce qui l'aidera à contrer l'avantage de Nvidia grâce à son écosystème logiciel à long terme ». Selon lui, le gouvernement américain favorise aussi le phénomène. « Les contrôles à l'exportation donnent un avantage à Huawei, car ils empêchent Nvidia de vendre la « meilleure » version de ses produits en Chine », a-t-il estimé.
« La Chine essaie certainement d'être autosuffisante dans la fabrication de puces avancées. Cependant, Huawei subit des revers pour étendre la production de son hardware de traitement, initialement conçu pour remplacer les GPU de Nvidia », a déclaré Thomas Randall, directeur de l'étude du marché de l'IA chez Info-Tech Research Group. « Les faibles rendements de ses processeurs laissent présager que la fabrication de puces avancées ne sera pas viable sur le plan commercial », a-t-il ajouté. « Cela ne signifie pas pour autant que Huawei est au bord du gouffre, puisqu'elle a augmenté sa part de marché en Chine : elle est simplement soumise à une contrainte de temps permanente pour améliorer sa compétitivité. » Et l'entreprise ne ménage pas ses efforts. Le 13 août, le Wall Street Journal a rapporté que Huawei était sur le point d'introduire une puce, l'Ascend 910C, et qu'elle affirmait à ses clients potentiels qu'elle était comparable à la H100 de Nvidia, qui n'est pas disponible en Chine pour cause d'embargo américain.
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