Quand il s'agit de moderniser leurs applications métiers, peu d'organisations choisissent une démarche de type big bang. C'est particulièrement vrai pour les grands systèmes ERP, qui restent longtemps en place une fois le déploiement achevé. Cependant, pour éviter une dette technique trop lourde à porter, les organisations peuvent opter pour différentes stratégies : basculement d'applications vers le cloud, mise en place de plateformes d'intégration, développement d'APIs ou usage d'outils low code. Ce sont là les premiers enseignements de l'étude Quelles stratégies pour transformer le patrimoine applicatif ?.
Ses résultats ont été présentés en ouverture de la CIO.expériences « La transformation IT tirée par les métiers : renouveler les applicatifs pour bénéficier de plus d'agilité, de performance et de fonctionnalités ». CIO a organisé cette matinée, en partenariat avec Axway, Klee Group et Workday, le 6 février 2020 au centre d'affaires Paris-Trocadéro. Experts des fournisseurs et témoins DSI se sont succédé sur scène pour éclairer les participants sur les meilleurs pratiques en la matière.
Christian Cagnol, expert API et Plateforme d'intégration chez Axway, a expliqué « Comment accélérer la transformation des métiers en s'appuyant sur l'intégration IT ? »
La première bonne pratique est de correctement intégrer les flux de données entre applications. C'était le sens de l'intervention de Christian Cagnol, Expert API et Plateforme d'intégration chez Axway, « Comment accélérer la transformation des métiers en s'appuyant sur l'intégration IT ? ». Pour lui, si l'on veut que son entreprise soit aujourd'hui à la hauteur des enjeux du marché, « il faut savoir innover avec vos données, les rendre disponibles pour des usages au service de nouvelles expériences clients. » Les plus vieilles données que l'on a retrouvées, sur des tablettes de cunéiformes, relevaient d'applications métier telles que la comptabilité. Leur traitement était confiée à des spécialistes, les scribes.
L'évolution technologique qui a ensuite eu lieu au fil des millénaires n'a pas changé cet état de fait. Jusqu'à la fin du XIXème siècle. A partir de cette époque et encore aujourd'hui, c'est toute la population qui a accès à l'écriture, à la lecture, aux données. Et, désormais, autant sous forme écrite que data, l'informatique ayant elle aussi cessé d'être une affaire de spécialistes. Pour intégrer ces données, les spécialistes restent requis pour les sujets les plus complexes mais des développeurs peuvent connecter leurs nouvelles applications aux flux existants et, surtout, des utilisateurs peuvent réaliser des intégrations simples avec des outils low code. Cela a par exemple été le cas au sein d'un énergéticien qui, pour ses besoins de facturation, devait intégrer de multiples sources de données et les traiter dans Workday. Avec le PaaS Amplify Platform d'Axway, cet énergéticien a pu réaliser cette intégration par simple paramétrage.
« Adopter le SaaS : risques, bénéfices et méthodes » était le sens du témoignage de Arnaud Lietout, Vice-Président IT Business & Support Applications au Club Med
Le premier témoin de la matinée, Arnaud Lietout, Vice-Président IT Business & Support Applications au Club Med a comme particularité de chapeauter à la fois l'IT, le marketing et le digital. Vieille de 70 ans, l'entreprise est présente dans 39 pays avec 70 villages et réalise 1,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires avec 1,4 million de clients grâce à 23 000 employés. La refonte du coeur applicatif s'est traduit, au sein du Club Med, par l'adoption de nombreux outils SaaS mais sans que ce soit un dogme, par pur opportunisme : le choix s'est porté à chaque fois sur l'outil le plus approprié : Office 365 et Dynamics 365 de Microsoft, Workday, Salesforce...
Quand on est présent dans de multiples pays, en dehors, par définition, des grandes zones urbaines, l'accès Internet est une problématique majeure. « C'est autant vrai pour l'accès aux SaaS que pour le service à nos clients ou à nos employés » a souligné Arnaud Lietout. C'est un point de vigilance systématique. Le Club Med travaille plutôt avec des partenaires locaux pour garantir une plus grande bande passante. Pour Arnaud Lietout, « le SaaS est nativement déporté sur Internet et les éditeurs sont bien plus vigilants à l'optimisation de la bande passante que ne pourrait le faire un éditeur traditionnel ou un développeur maison ».
Nicolas Pingnelain, Field Innovation Strategist chez Workday, a détaillé « Outiller l'entreprise agile : l'alternative à l'ERP »
Nicolas Pingnelain, Field Innovation Strategist chez Workday, a commencé sa propre intervention sur « Outiller l'entreprise agile : l'alternative à l'ERP » en racontant comment, en pleine démonstration devant les équipes du Club Med au village de la Palmeraie à Marrakech, il avait appris la sélection de sa solution... à la mode locale. L'approche « people first » du Club Med correspond bien aux valeurs que veut porter Nicolas Pingnelain : « la technologie change la manière de travailler ensemble ». Parce que l'entreprise doit tenir compte de son époque, en ayant un SI personnalisable et d'accès ubiquitaire, mais aussi de sa responsabilité sociétale.
Tout changement créé de la perturbation dans l'organisation. L'agilité, ce n'est donc pas de changer pour changer. « Il faut faire disparaître l'outil au profit du service aux utilisateurs finaux » a insisté Nicolas Pingnelain. La première contrainte, c'est que l'outil fonctionne (c'est le minimum !). Ensuite, il faut que les interactions entre métiers soient instantanées et, enfin, une faible bande passante doit suffire, comme le Club Med l'a rappelé. La digitalisation doit donc être agile et orientée business, préparant un avenir inconnu et capable d'intégrer les innovations avec une logique de plate-forme ouverte.
« Comment l'ESCP Business School fait sa révolution phygitale » a été raconté par Anthony Hié, Directeur des SI et de la Transformation Numérique de l'ESCP Business School.
La transformation radicale de l'expérience utilisateur, c'est précisément ce que met en oeuvre en ce moment Anthony Hié, Directeur des SI et de la Transformation Numérique de l'ESCP Business School. Créée il y a 200 ans, cette école fait partie des plus anciennes du monde et reste dans le sommet des classements. Le legacy y est donc important, et pas seulement au niveau technologique. « L'enseignement supérieur a tardé à se transformer, même si le tableau des salles de classe est passé du vert au blanc » a reconnu Anthony Hié. Les 6000 étudiants en formation initiale et les 5000 en formation continue sur six campus européens assistaient encore, il n'y a pas si longtemps, toujours à des cours dans des salles où, en fait, seule la couleur du tableau avait changé. Outre leur propre expérience, il fallait aussi améliorer celle de 250 enseignants permanents et 700 vacataires.
« Si on veut innover, il faut aller chercher dans d'autres univers » a expliqué Anthony Hié. Issue de la grande distribution, le concept mis en oeuvre est donc la révolution phygitale, associant digital et physique/présentiel. Cela n'a été possible qu'au travers d'une révolution des systèmes d'information, un changement des outils mais aussi des approches. Certaines initiatives encore expérimentales comme les balises beacons commencent à être déployées.
Damien Tabusse, Business Unit Manager (à droite), et Grégory Murguet, Sales Executive (à gauche) de Klee Group ont présenté « Digital Factory : comment concilier industrialisation IT et personnalisation métier ? »
Peut-être certaines transformations agiles auraient pu être évitées, comme celle ayant amélioré l'efficacité des radars mobiles sur les routes, que l'on doit à Klee Groupe comme a pu le regretter Grégory Murguet, Sales Executive de cette société, racontant sa mésaventure. Mais la méthode est évidemment transposable dans bien des contextes. C'est ce qu'ont voulu montrer Grégory Murguet et Damien Tabusse, Business Unit Manager : « Digital Factory : comment concilier industrialisation IT et personnalisation métier ? » Ainsi, au sein de la foncière Klépierre, la société a mis en oeuvre une digital factory pour faciliter l'aide à la décision.
Comme toute foncière, Klépierre voit son chiffre d'affaires reposer sur les loyers perçus, en l'occurrence de 200 centres commerciaux. L'objectif poursuivi est donc, logiquement, d'aider au développement commercial pour, d'une part, que les locataires puissent payer leurs loyers, d'autre part qu'il y ait le moins de vacances possible dans les locaux. Se basant sur le back office SAP, le projet Atlas a été mené en co-design et en agilité, associant une méthodologie et un outillage adaptés, afin de donner aux décideurs les informations nécessaires à la mise en place de plans d'action.
Jérôme Sennelier, Membre du Comité Exécutif en Charge des S.I. et des Grands Programmes, chez Klesia, a été le Grand Témoin de la matinée.
Transformer un legacy, c'est souvent un défi. En transformer plusieurs, c'est d'autant plus complexe. Pour Jérôme Sennelier, Membre du Comité Exécutif en Charge des S.I. et des Grands Programmes chez Klesia, grand témoin de la matinée, c'était son challenge. Klesia est en effet un acteur paritaire de la protection sociale issu du rapprochement de plusieurs entités ayant chacune son propre SI. Ses 3000 collaborateurs permettent ainsi de gérer la retraite de 1,9 million de retraités et de protéger 3 millions de salariés issus dans les deux cas de 300 000 entreprises, dans le cadre de contrats collectifs essentiellement du transport, de la logistique, de la pharmacie (officines et laboratoires), les cafés-hôtels-restaurants, et en moindre mesure des SSII et du secteur bancaire... Jadis, au travers de la « désignation », un acteur tel que Klésia avait un monopole par branche professionnelle. Depuis 2014, les désignations ont progressivement disparu, transformant radicalement le business model.
La transformation du legacy a d'abord été envisagée sous la forme d'une souche, cible de convergence. Jérôme Sennelier a averti : « en général, cette approche n'est pas une bonne idée, source de projets très coûteux ayant des difficultés à s'achever, parce qu'il n'y a pas de conception générale (on travaille par différences) et que la souche répond rarement à tous les besoins. » Avec son arrivée, une nouvelle approche a donc été mise en oeuvre : tout d'abord création de référentiels de données distribuant les données aux systèmes, anciens ou nouveaux, puis création de nouveaux systèmes en déconnectant petit à petit les anciens.
« Mener les transformations IT avec le business » a été détaillé par Jacques Goudet, Directeur du Programme de Transformation du S.I. chez Naval Group
Le dernier témoin de la matinée a expliqué la transformation d'une entreprise plongeant ses racines il y a quatre siècles : Naval Group (anciennement DCN). Jacques Goudet, Directeur du Programme de Transformation du S.I. chez Naval Group, ancien DSI, a été embauché pour piloter la transformation IT... du côté métier, mais en collaboration étroite avec la DSI. Spécialiste de la construction navale de défense, Naval Group conçoit, fabrique et entretient des navires (de surface ou sous-marins) destinés aux armées. Les 14 500 collaborateurs génèrent 3,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
Le métier est très particulier. Comme Jacques Goudet l'a souligné, « un sous-marin est l'objet le plus complexe qui existe puisqu'il est issu de l'assemblage d'un million de composants. Et les programmes s'étalent sur plusieurs dizaines d'années, de la conception à la fin d'exploitation. » La division « service » de Naval Group représente aujourd'hui 40 % du chiffre d'affaires du groupe et est en charge de la phase de maintien en condition opérationnelle. Les contrats à l'unité d'oeuvre ont disparu au profit de contrat forfaitaires à la disponibilité garantie : cette transformation métier a entraîné une nécessaire optimisation des process. Il a fallu d'abord récolter les données avant d'envisager de les exploiter et d'atteindre les objectifs.
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