Deux nouveaux rapports publiés la première quinzaine d'avril par les agences de renseignement américaines, estiment que les menaces parrainées par des États-nations devraient s'intensifier au cours des deux prochaines décennies. La concurrence et l’adversité vont dominer dans les relations entre les États-Unis et la Chine, la Russie, l'Iran et la Corée du Nord, tandis que des problèmes mondiaux consécutifs notamment à la pandémie et à la migration économique mettront à rude épreuve les gouvernements du monde entier, États-Unis compris. Sans surprise, pour les États-Unis, les principaux acteurs de la menace sont la Chine, la Russie, l'Iran et la Corée du Nord. Tous ces pays devraient intensifier leurs actions d'espionnage, de perturbation des infrastructures critiques, de diffusion de fausses informations et de vol de propriété intellectuelle et d'argent.
Le premier rapport intitulé « Annual Threat Assessment of the U.S. Intelligence Community », émane de l'Office of the Director of National Intelligence (ODNI). Dans ce bilan annuel des menaces auxquelles le pays est potentiellement exposé telles qu’elles sont perçues par le monde du renseignement américain, l’ODNI a établi une base de référence pour mieux appréhender les menaces que représentent les États-nations, les terroristes et les entités criminelles. Le second rapport, quadriennal, intitulé « Global Trends 2040 - More Contested World » et émanant du National Intelligence Council (NIC), se projette jusqu’à l'horizon 2040.
En rendant public le rapport de l'ODNI, Avril Haines, directrice du renseignement national, a déclaré : « Le peuple américain doit être le mieux informé possible sur les menaces qui pèsent sur notre pays et sur ce que font ses services de renseignement pour le protéger. Le but de ce rapport très transparent à destination du Congrès et des citoyens est de renforcer la confiance dans notre travail et nos institutions ». L'évaluation, rédigée de manière concise, ne mâche pas ses mots : La Chine, la Russie, la Corée du Nord et l'Iran sont les quatre principaux pays qui représentent une menace pour les États-Unis. Les problèmes transnationaux comme le COVID-19, le changement climatique, les technologies émergentes, les drogues illégales étrangères, le crime organisé et le terrorisme mondial constituent des défis permanents. Voici comment le rapport de l'ODNI décrit les menaces présentées par chacun de ces quatre pays.
Cyberespionnage massif et suppression d'informations pour la Chine
Cet organisme estime que la Chine présente « une menace de cyberespionnage massif et efficace ». Le pays dispose d'importantes capacités de cyberattaque et devient une menace d'influence plus importante. « Les cyberattaques de la Chine et la prolifération des technologies connexes augmentent les menaces de cyberattaques contre le territoire américain, le risque de suppression du contenu Web américain que Pékin considère comme une menace pour le contrôle de l’idéologie à l’intérieur du pays, et l'expansion d’un autoritarisme technologique dans le monde », indiquent les auteurs du rapport. Pour atteindre ses objectifs de cyberespionnage, la Chine devrait poursuivre sur sa lancée et s'efforcer de compromettre « des entreprises de télécommunications, des fournisseurs de services gérés et des logiciels couramment utilisés ».
La Russie, première menace de cyberattaque pour les États-Unis
Toujours selon le rapport de l'Office of the Director of National Intelligence (ODNI), la Russie reste la première menace cyber pour les États-Unis, car elle « affine et utilise ses capacités d'espionnage, d'influence et d'attaque ». La Russie a démontré ses capacités en ciblant avec succès la chaîne d'approvisionnement et les infrastructures critiques (notamment les systèmes mondiaux de télécommunications et les systèmes industriels de commande et de contrôle SCADA). Non seulement la Russie attaque les réseaux afin de collecter des informations, mais l'ODNI fait remarquer que la Russie a prouvé sa « capacité à causer des dommages aux infrastructures en cas de crise ».
L'Iran, un danger pour les infrastructures critiques
L'Iran a démontré à plusieurs reprises sa capacité à mener des attaques contre les infrastructures critiques. De ce fait, dans son rapport, l'ODNI estime que ce pays représente une menace importante pour la sécurité des États-Unis. L'Iran a également montré son habilité à mener des cyber-opérations, y compris des opérations à des fins strictes d'espionnage. L'ODNI souligne en particulier l’implication permanente de l'Iran dans les domaines de la désinformation et de la diffusion de fausses informations.
La Corée du Nord, source de vols et de perturbations
L'ODNI classe la menace que représente la Corée du Nord en trois catégories : « l’espionnage, le vol et l’attaque ». L'Office of the Director of National Intelligence estime que la Corée du Nord pourrait mener des cyber-opérations visant des infrastructures critiques et des réseaux d'entreprises aux États-Unis. En outre, la Corée du Nord pourrait également cibler et compromettre les chaînes d'approvisionnement en logiciels. Le recours à des cyber-opérations pour collecter des devises fortes est assez spécifique à la Corée du Nord. Le pays est prêt à attaquer des institutions financières mondiales et à voler des millions de dollars pour financer son programme nucléaire/militaire national.
Des menaces appelées à évoluer en fonction de la situation géopolitique mondiale
Le rapport « Global Trends 2040 - More Contested World » du National Intelligence Council (qui fait partie de l'ODNI et fait office de conseil pour les agences de renseignement américain) livre une prévision des menaces auxquelles pourraient être exposées les États-Unis au cours des 20 prochaines années. Selon ce rapport, quatre forces structurelles façonneront l'avenir : la démographie, l'environnement, l'économie et la technologie. Il souligne l'importance de la technologie, des réseaux et de l’information dans l’expansion de la puissance des nations. Le rapport montre l'importance pour les nations de développer leur puissance technologique, leur puissance en termes de réseau et leur puissance en termes d'information, « en complément des aspects plus traditionnels du système international, à savoir la puissance militaire, la puissance économique et le soft power ». Toujours selon ce rapport, la Chine et les États-Unis s'efforceront de « peser sur les normes, les règlementations et institutions mondiales » de manière à promouvoir leurs propres intérêts.
Les nations, et par extension les entreprises au sein de chaque nation, peuvent s'attendre à un contexte « où des armes conventionnelles et stratégiques hautement destructrices et précises, seront combinées à des actions de cyberactivités ciblant les infrastructures civiles et militaires, et à un environnement de désinformation propice à créer la confusion ». Le rapport conclut également que les États-nations utiliseront toujours plus d’intermédiaires et de mandataires pour atteindre leurs objectifs nationaux. Les récentes mesures prises par les États-Unis pour surveiller les groupes parrainés par la Russie constituent un baromètre utile dans le domaine de la désinformation. La Russie, la Chine et l'Iran sont très engagés dans les actions de désinformation et de diffusion de fake news et on peut s'attendre à ce qu'ils continuent à donner une représentation biaisée des faits, ce qui rendra plus difficile de distinguer le vrai du faux.
Les efforts déployés par les États-nations pour contrôler les principaux sites d'échange, comme les télécommunications, la finance, les flux de données et les chaînes d'approvisionnement du secteur manufacturier, sont particulièrement intéressants pour les DSI et les RSSI. « Ce contrôle permettra aux pays et aux entreprises d'obtenir des informations précieuses, de refuser l'accès à leurs concurrents et même de les contraindre à agir », indique le rapport. Celui-ci souligne aussi la concentration disproportionnée des réseaux aux États-Unis, en Europe et en Chine, un facteur loin d’être négligeable pour les multinationales de demain
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