Selon le cabinet d'études IDC, au cours des prochaines années, les dépenses des entreprises en services, logiciels et infrastructures pour l'IA générative vont exploser, passant de 16 milliards de dollars en 2023 à 143 milliards de dollars en 2027. Mais les équipes IT chargées de déployer l'IA dans l'entreprise sont inquiètes. Selon les acteurs du secteur, le développement, la mise en œuvre et l'utilisation de l’IA peuvent impacter grandement les réseaux, l'infrastructure et le développement de logiciels. Une enquête réalisée en collaboration avec Wakefield Research auprès de 1 000 cadres internationaux, et publiée cette semaine par Juniper Networks, a révélé que 87 % des personnes interrogées subissent une pression pour mettre en œuvre la technologie d'IA, et 74 % estiment que les politiques de leur entreprise ne sont pas en mesure de suivre le rythme des risques et des avantages potentiels de l'IA. En outre, 82 % des cadres ont déclaré qu'ils se sentaient obligés de mettre rapidement en œuvre l'IA dans un grand nombre d'applications. « Si l'on considère la rapidité avec laquelle les solutions évoluent et ce dont elles sont capables, on peut comprendre que la pression pour une intégration rapide de l'IA crée des tensions dans beaucoup d’entreprises. Il est également compréhensible que les politiques relatives à une technologie aussi puissante soient souvent un point d'achoppement », a écrit Sharon Mandell, vice-présidente senior et DSI de l'équipe mondiale des technologies IT de Juniper, dans un blog relatif à l’enquête. « Même si l'urgence est palpable, il est important de trouver des moyens de procéder avec prudence afin de ne pas risquer d'être distancé », a encore écrit Mme Mandell, tout en faisant remarquer que, en ce qui concerne l'IA et les politiques de l'entreprise, il ne s’agit pas, non plus, de réinventer la roue. « La plupart des entreprises ont déjà des politiques claires sur les données que les employés peuvent ou ne peuvent pas partager avec des tiers. Souvent, une simple reformulation des politiques en termes clairs peut suffire en précisant qu'elles s'appliquent également aux outils d'IA générative externes ». Par ailleurs, selon Mme Mandell, il ne faut pas oublier de prendre en compte les politiques d'achat de logiciels et d'ajouter des addendums pour examiner plus rigoureusement toutes les solutions avec IA intégrée.
Les réseaux d'entreprise ne sont pas prêts pour les tâches d’IA
Selon l’enquête de Juniper, les infrastructures réseau non adaptées à l’IA ont entraîné des problèmes de données, des coûts plus élevés et des retards de mise en œuvre. Cisco, concurrent de Juniper, a obtenu des résultats similaires dans sa propre enquête réalisée récemment sur l'IA. Celle-ci a révélé que la plupart des réseaux d'entreprise actuels ne sont pas adaptés aux charges de travail liées à l'IA. « Les entreprises comprennent que l'IA va accroître les charges de travail de l'infrastructure, mais seulement 17 % d'entre elles disposent de réseaux tout à fait flexibles pour gérer la complexité », a indiqué Cisco. « 23% des entreprises ont une évolutivité limitée ou inexistante pour relever les nouveaux défis de l'IA au sein de leurs infrastructures IT actuelles », a aussi estimé l'équipementier. « Pour répondre aux exigences accrues de l'IA en matière de puissance et de calcul, plus de trois quarts des entreprises auront besoin d'unités de traitement graphique (GPU) supplémentaires dans les centres de données pour exécuter les charges de travail actuelles et futures de l'IA. De plus, 30 % déclarent que la latence et le débit de leur réseau ne sont pas optimaux ou sous-optimaux, et 48 % conviennent qu’elles ont besoin d'améliorations supplémentaires dans ce domaine pour répondre aux besoins futurs ».
Ce mois-ci, Siân Morgan, directrice de recherche au sein du groupe Dell Oro, a écrit dans un blog sur la préparation des entreprises à l’IA que « si les entreprises reconnaissent qu’elles ont besoin d'exploiter cette technologie pour faire progresser leurs activités, les responsables IT peuvent se sentir désemparés quant aux mesures concrètes à prendre, face à ce qui semble être un potentiel illimité ». Selon Mme Morgan, les entreprises commencent à peine à élaborer des plans stratégiques qui intègrent les avantages des applications d'IA. « Cependant, en investissant dès aujourd’hui dans les AIOps, les entreprises peuvent améliorer considérablement leur efficacité », a-t-elle préconisé. « Les AIOps utilisent des algorithmes d'analyse avancée et de ML pour soutenir les tâches complexes des opérations réseau et de centre de données, ce qui contribue à accroître l'efficacité du stockage du centre de données, à prédire les problèmes de performance du réseau, ou même à suggérer et à appliquer automatiquement des correctifs aux problèmes », a expliqué Mme Morgan. « Le fondement de l'AIOps repose sur des données d'entrée précises. La cartographie du réseau garantit que toutes les ressources IT sont identifiées, comprises et visualisées, et que les relations entre elles sont capturées, même quand les configurations changent », a-t-elle aussi écrit. « Les algorithmes d'IA/ML appliqués à la combinaison des données de cartographie du réseau et des mesures d'utilisation en temps réel peuvent automatiser de nombreuses tâches d'exploitation, et même conduire l'industrie au nirvana de la gestion de réseau : les opérations en boucle fermée, ou entièrement automatisées ».
Des vulnérabilités inquiétantes
Sharon Mandell estime aussi que le fait que « l'IA semble très différente des autres technologies de rupture de ces dernières décennies, comme le cloud, l'Internet des objets (IoT) et le mobile » pose un autre problème. « L'IA ne se limite pas à la mise en œuvre d'un nouvel outil ou d'une nouvelle application à des fins d'efficacité ; il s'agit également d'analyser l'impact qu'elle peut avoir sur l'ensemble de l’entreprise », a-t-elle déclaré. « La peur de l'inconnu et l'incertitude des conséquences font de l'adoption de l'IA un défi beaucoup plus complexe et stimulant pour les DSI que la plupart des percées technologiques précédentes ». L’enquête de Juniper a listé plusieurs défis auxquels sont confrontées les équipes IT en matière d'IA : seulement 1 % des personnes interrogées déclarent ne pas s'inquiéter des vulnérabilités introduites par l'IA, notamment des atteintes à la vie privée, de l'empoisonnement des données, des fuites de données ou d'autres cyberattaques ; 87 % déclarent qu'il n'est peut-être pas possible de savoir si les résultats de l'IA de leur entreprise sont exacts ; 89 % affirment que les employés font plus confiance à l'IA qu'ils ne le devraient ; 90 % des dirigeants affirment que la totalité ou la plupart de leurs résultats d'IA sont influencés par des préjugés, contre seulement 1 % qui affirment qu'il n'y a pas d'impact des préjugés ; 78 % des personnes interrogées déclarent être confrontées à des erreurs, et près de deux fois plus de dirigeants estiment qu'il est plus probable que ces erreurs résultent d'inexactitudes dans les informations que les systèmes d'IA utilisent que de problèmes liés à l'algorithme d'IA lui-même.
Commentaire