RSE. Derrière ces trois lettres - acronyme de responsabilité sociale et environnementale - se cache une sorte de Saint-Graal derrière lequel courent les entreprises. Les unes après les autres, surtout les plus grandes, déploient des moyens (humains, financiers...) pour la mettre en place. Il faut dire que les challenges, mais aussi les bénéfices potentiels à son exécution, constituent pour elles une gratification qui va bien au-delà du symbole. « La RSE consiste, pour une entreprise, à intégrer les préoccupations sociales et environnementales dans ses activités opérationnelles et dans la stratégie de management qu'elle met en place. Il s'agit également, pour une société, d'interagir avec les parties prenantes, clients, fournisseurs... pour intégrer ces préoccupations dans leurs relations. Le numérique est devenu un acteur clé de la transformation de notre société », nous a expliqué Pascal Wronski, DSI de Saint-Maclou.
Pour nombre de sociétés, la RSE est devenu un enjeu de reconnaissance voire de potentiel business bien vu tant auprès du public, clients, institutions, écosystème partenaires, actionnaires... dans un monde où la course à la puissance et à la taille critique semble montrer ses limites et où la volonté des directions d'entreprises de faire corps avec leur base - exacerbée en ces temps de crise sanitaire mondiale - n'a jamais été aussi forte. Ces derniers mois, les opérations de spin-off, réduction de voilure, vente de pans d'activité, recentrage sur le coeur de métier se sont multipliées. Avec à la clé à peu près un même message : celui de jouer la carte de l'agilité organisationnelle et en ne cessant - officiellement du moins - de mettre en avant les investissements en matière de formation et d'accompagnement des salariés et le développement durable.
Des postes pour faire la jonction entre RSE et DSI
La RSE englobe plusieurs aspects et couvre aussi bien l'éthique, l'accessibilité et le handicap, en passant par l'inclusion numérique sans oublier l'incontournable green IT. Un temps passé de mode, ce dernier est remonté ces derniers mois sur le devant de la scène et permet aux DSI de se mettre au centre d'un enjeu dont elles peinent parfois à maitriser tous les tenants et aboutissants. « La DSI n'est pas intégrée de base dans tout cela », nous a expliqué Véronique Torner, administratrice de Syntec Numérique en charge du programme numérique responsable. « La DSI est un peu mise de côté parfois et c'est une erreur car on voit que le DSI à un rôle primordial dans la dynamique RSE ».
Si les grands groupes n'ont (presque) que la RSE à la bouche, il n'empêche que pour la mettre en oeuvre les DSI sont encore nombreux à rester sur le banc de touche. A l'heure de la très tendance « sobriété numérique », les directeurs des systèmes d'information doivent tenter, si cela n'est pas déjà le cas, d'intégrer la gouvernance de la RSE. Et s'ils sont dans l'impossibilité - ou l'incapacité - de le faire, au moins peuvent-ils être épaulés par des tiers de confiance. « Les DSI doivent intégrer dans leurs équipes des personnes qui peuvent le représenter dans la gouvernance de la RSE », indique Véronique Torner. Même son de cloche du côté du club des grandes entreprises françaises, le Cigref. « Au niveau global et transversal, il y a des postes qui sont créés pour faire la jonction entre RSE et DSI et travaillent sur différents travaux comme l'éco-conception, les usages de la sobriété numérique, etc. ».
Le Syntec Numérique compte apporter sa pierre à l'édifice de la RSE dans les entreprises en travaillant sur l'élaboration d'un indicateur CO2 sectoriel, en travaillant de concert avec des écoles et le Cigref avec qui il a déjà oeuvré dans une étude consacrée à l'éthique et au numérique sortie fin 2018. Un peu moins d'un an et demi après où en est-on ? Il y a manifestement encore pas mal de chemin à parcourir pour permettre aux DSI de valoriser leur travail et leur implication dans la stratégie RSE de l'entreprise. « Il y a une différence de perception qui vient de leur métier. Alors que le RSE s'inscrit dans un temps long, le DSI est dans l'opérationnel, le time to market et a des exigences différentes », analyse Flora Fischer, chargée de mission au Cigref. Pourtant, un bon moyen pour lui de se positionner en tant qu'acteur de premier plan sera d'être davantage force de proposition. « Je ne sais pas s'il y a une boite à outils pour permettre au DSI d'intégrer la gouvernance RSE mais des sujets liés à la collecte de données, à l'IA et à l'open source peuvent les y aider », pense de son côté Véronique Torner.
Une approche sociétale au-delà du green IT
Certaines entreprises paraissent toutefois un peu plus avancées que d'autres, en particulier celles qui composent le Club Green IT - intégré au sein du collège Grandes Entreprises de l'Institut Numérique Responsable depuis l'an dernier - créé il y a une dizaine d'années dans lequel on trouve des acteurs comme Pôle Emploi, La Poste ou encore Engie et la SNCF, qui a notamment collaboré avec la WWF dans une étude mettant en avant les démarches dans ce domaine pour les grandes entreprises. Cependant, difficile de réduire le RSE au green IT bien que ce dernier constitue pour les DSI le moyen le plus simple de valoriser son action dans le cadre d'une stratégie RSE globale. « Les DSI ont des outils qui permettent de mesurer l'empreinte carbone et prennent des mesures concrètes sur lesquelles elles peuvent agir mais le reste de la perception est plus sociétale », fait savoir Flora Fischer.
« Phénomène moins souvent étudié, l’usage des TIC a également un impact sur les personnes et les conditions de travail avec l'augmentation des volumes d’information, fragmentation et spécialisation des tâches, intensification des rythmes d’échange et de travail. La RSE est basée sur le double pilier climatique et humain et le numérique se doit d’être intégré aux enjeux de la RSE. Le numérique est en effet devenu transversal, c’est-à-dire qu’il s’applique à tout type de structure et domaine, ce qui amplifie son impact », poursuit Pascal Wronski. « Il doit donc être au centre des prises de décisions faites par l’entreprise et en l’occurrence au sein des politiques RSE. La transversalité du numérique et la création de valeur qu’elle engendre a provoqué de nouveaux enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux. »
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