L'empreinte environnementale de l'IA gonfle démesurément avec l'explosion de la GenAI depuis deux ans. L'entraînement et l'exploitation de ses modèles nécessitent des infrastructures importantes, grosses consommatrices d'électricité et d'eau, et donc émettrices de GES (gaz à effet de serre). Mais ce n'est pas tout. Une étude menée par l'équipe de recherche de Peng Wang, professeur à l'Institut de l'environnement urbain de l'Académie chinoise des sciences de Xiamen, publiée dans la revue Nature Computational Science, estime que l'IA pourrait générer à elle seule, d'ici à 2030, 1000 fois plus de déchets électroniques qu'aujourd'hui. Ce ne serait cependant pas une fatalité, si l'on en croit ce même rapport.

2,5 millions de tonnes de déchets en 2030

L'équipe de Peng Wang a d'abord cherché à mesurer les quantités de déchets électroniques qui seraient générées si des applications d'IA nécessitant du calcul intensif étaient utilisées dans des domaines de plus en plus nombreux. Les scientifiques s'appuient sur un scénario dans lequel l'usage de LLM est quotidien, comme on peut déjà le voir aujourd'hui avec certains moteurs de recherche et médias sociaux. Une hypothèse crédible qui exigerait une forte augmentation du nombre des datacenters nécessaires à l'entraînement et au déploiement des modèles.

Résultat ? La quantité de déchets électroniques générés par les serveurs et autres équipements considérés comme obsolètes pourrait passer d'environ 2 550 tonnes en 2023 à 2,5 millions de tonnes en 2030. Avec une utilisation moins importante de l'IA, la quantité de déchets pourrait être limitée à entre 400 000 et 1,5 million de tonnes.

Limiter les dégâts dès aujourd'hui

Les chercheurs ont aussi estimé l'impact de différentes mesures censées éviter le scénario catastrophe. Selon eux, le moyen le plus efficace consisterait à ne pas mettre au rebut les serveurs et autres équipements de datacenters après seulement trois ans de service, comme c'est souvent le cas. Il s'agirait de les conserver en activité un an de plus pour des tâches d'IA plus simples, par exemple, voire à des fins complètement différentes. Cette simple démarche réduirait la quantité de déchets de 62 % par rapport au scénario de référence. Et si des composants individuels dans les systèmes, tels que les processeurs ou la mémoire, étaient remis en état et réutilisés, cela permettrait d'en économiser encore 42 %. Sans oublier que l'optimisation des algorithmes d'IA proprement dits offrirait un potentiel d'économie de 50 % et que des puces plus efficientes induiraient une baisse supplémentaire de 16 %.

L'équipe de Wang fait par ailleurs référence au dernier « Global E-Waste Monitor » qui évalue la quantité de déchets provenant d'appareils électroniques plus petits, tels que les smartphones ou les ordinateurs personnels, à 43 millions de tonnes en 2030. Selon les auteurs de l'étude, le volume des déchets générés uniquement par les serveurs et autres équipements destinés à l'IA d'ici à 2030, devrait quant à lui représenter à peine moins de 12% de ce volume, soit 5 millions de tonnes, dans le scénario de référence. Sur la base du scénario le plus prudent de l'étude, il ne compterait plus que pour 3%.

L'appel à l'économie circulaire

Christiane Plociennik, du Centre allemand de recherche sur l'intelligence artificielle (DFKI) de Kaiserlautern ,tempère les résultats de l'étude des chercheurs chinois, rappelant que la base d'information sur laquelle elle s'appuie reste limitée dans les hypothèses formulées par les auteurs pour le scénario de base. Cependant, elle insiste sur le fait que le scénario le plus conservateur, avec des volumes de déchets nettement inférieurs et les prévisions du « Global E-Waste Monitor », aboutissent à des conclusions suffisamment inquiétantes pour s'y intéresser.

Et surtout envisager la mise en place d'une économie circulaire dans l'IT, en particulier avec l'explosion de l'IA. « Nous devons faire prendre conscience à la société que, derrière un cloud ou une application d'IA, il y a des datacenters à forte consommation de ressources »,  souligne Christiane Plociennik. Et la réutilisation de matériel informatique est toujours préférable à son recyclage.