A l’instar du marché de l’IT, celui des opérateurs de datacenter est confronté à des préoccupations similaires. Elles ont été diagnostiquées dans une enquête menée par l’Uptime Institute. Pour sa 14e enquête mondiale annuelle sur les centres de données, l’Uptime Institute a interrogé 1 631 acteurs, dont plus de 850 entreprises et opérateurs de centres de données, dans 16 secteurs verticaux à travers le monde. La hausse des coûts, les interrogations liées à l'IA et les défis en matière de personnel figurent parmi les principaux problèmes auxquels seront confrontés les dirigeants de centres de données en 2024.

Selon Andy Lawrence, directeur de la recherche à l'Uptime Institute, c’est la première fois depuis plusieurs années que le coût arrive en tête des inquiétudes des sondés. « Après une période assez soutenue où les coûts étaient en baisse, celui de la construction et de l'exploitation des centres de données a augmenté ces dernières années », a déclaré le dirigeant lors d'un webinaire sur les résultats de l'enquête. « L'inflation est en partie responsable, mais cette augmentation résulte également des problèmes de la chaîne d'approvisionnement apparus après le Covid, aux prix élevés de l'énergie, aux pénuries de personnel et à une demande globale très forte. Le coût est clairement un problème majeur », a-t-il poursuivi.

Maîtriser les coûts et les dépenses énergétiques

Les répondants à l'enquête, parmi lesquels on trouve des entreprises et des fournisseurs de services de colocation, ont classé les principaux problèmes selon leur importance. Avec l'augmentation des prix de l'énergie, l'inflation et la demande croissante de services pour les datacenters, le coût arrive en tête des préoccupations des opérateurs de centres de données dans la gestion de l'infrastructure numérique :

- Coût : 80%.

- Manque de personnel qualifié : 71%.

- Amélioration de la performance énergétique des équipements : 69%.

- Prévision des besoins futurs en capacité des centres de données : 68%.

- Adaptation à une informatique nettement plus dense : 65%.

- Amélioration de la performance énergétique de l’IT : 64 %.

Résultats mitigés pour l'IA

Le battage médiatique autour de l'IA pourrait s'avérer payant pour de nombreux opérateurs de centres de données, car de plus en plus de fournisseurs intègrent la technologie dans leurs produits. Cependant, les résultats de l'enquête indiquent aussi une perte de confiance dans la technologie. L'Uptime Institute a ainsi constaté que 94 % des personnes interrogées voient des avantages à l'utilisation de l'IA dans les opérations de leurs datacenters, en particulier la possibilité d'améliorer l'efficacité et de combler les lacunes en matière de compétences.

Les principaux avantages de l'IA pour les opérations des centres de données cités par les opérateurs sont :

- Une plus grande efficacité des installations : 58 %.

- Moins de risque d'erreur humaine : 55 %.

- Une meilleure productivité du personnel : 45 %.

- De meilleures performances de l’IT : 43 %.

- Moins de risque de panne ou d'arrêt de l'équipement : 42%.

- Une réduction des coûts de maintenance et d'entretien : 37%.

Pourtant, les résultats montrent aussi que la confiance dans l'IA a chuté pour la troisième année consécutive : cette année, 42% des répondants à l'enquête ont déclaré qu'ils ne feraient pas confiance à l'IA pour prendre des décisions opérationnelles dans un centre de données, même en supposant que l'IA a été formée de manière adéquate avec des données historiques. C’est une nette augmentation par rapport à 2022, où 24 % des répondants avaient déclaré qu'ils ne feraient pas confiance à l'IA, et à 2023, où 37 % avaient déclaré qu'ils ne faisaient pas confiance à l'IA pour prendre des décisions.

Le positionnement des datacenters face à la vague IA en question

Malgré le battage médiatique autour de l'IA, aujourd'hui, les charges de travail de l’IT les plus denses prises en charge dans les centres de données sont essentiellement les applications professionnelles et le calcul haute performance (HPC). Les charges de travail ayant entrainé des déploiements les plus denses dans les centres de données sont :

- L’infrastructure densifiée pour les applications professionnelles : 49%.

- Le calcul haute performance avec accélérateurs : 33%.

- Le calcul haute performance sans accélérateurs : 19%.

- L’entraînement de l'IA générative : 15 %.

- L’inférence de l’IA générative : 8 %.

- La formation de l'IA (autre que générative) : 5 %.

Toujours selon Uptime, la montée en puissance des charges de travail liées à l'IA met au défi les opérateurs de centres de données de prédire et de planifier avec précision les besoins futurs en capacité. « La question à un million de dollars à laquelle l'industrie est confrontée actuellement est de savoir quelle sera l'ampleur réelle de l'IA, quelle sera la taille de l'installation, quelle sera la densité de l'installation. Nous essayons de clarifier la situation, mais c’est un défi difficile à relever », a déclaré Chris Brown, directeur technique de l'Uptime Institute. « C'est un problème auquel les opérateurs de centres de données vont devoir faire face au cours des prochaines années ».

Un manque persistant de personnel, facteur de risque

Selon les dernières conclusions de l'Uptime Institute, le manque de personnel représente toujours un risque élevé pour les opérations des datacenters. « La pénurie de personnel est un risque pour les centres de données. Nous constatons que certains de nos clients ne trouvent pas le personnel adéquat, si bien que les gens travaillent plus et qu’ils ont plus de chance de commettre une erreur », a déclaré Chris Brown. « Ils ajoutent aussi plus de surveillance et de contrôle à distance pour gérer les sites à partir d'un emplacement centralisé, afin d’optimiser le personnel dont ils disposent. Cette pratique crée un autre vecteur de menace pour la cybersécurité, car pour cela, l’équipement critique doit être connecté à un réseau ouvert sur le monde extérieur. »

Si le rapport montre que le problème des compétences ne s'est pas aggravé de manière significative cette année, les défis persistants résultant d'un manque de personnel continuent par contre de s'accumuler. Selon l'enquête, les opérateurs connaissent d'importantes lacunes en matière de compétences dans plusieurs domaines critiques :

 

- Personnel d'exploitation de niveau junior/moyen : 39 %.

- Électricité : 33%.

- Gestion des opérations : 32%.

- Mécanique : 30%.

- Architecture/développement cloud : 25 %.

- Direction générale/stratégie : 20%

- Câblage/IT : 16%

- Autres : 6 %.

L'enquête la plus récente a aussi révélé que les pénuries de personnel entraînaient un report de la maintenance dans les installations parce qu'il n'y avait pas assez de personnes qualifiées pour effectuer les tâches nécessaires. « Le manque de personnel expose les centres de données du monde entier à un risque élevé », a mis en garde Chris Brown.