En août dernier, Michelle Greene a été promue DSI de Cardinal Health, distributeur et fabricant de produits médicaux et de laboratoire basé à Dublin, dans l'Ohio. Auparavant, Michelle Greene était vice-présidente senior de l'IT de la division pharmaceutique de Cardinal Health. En tant que responsable de la technologie, elle est désormais chargée de diriger les équipes IT pour aider l'entreprise à innover dans ses activités en lien avec le secteur de la santé. Pour ce faire, elle doit structurer l'organisation IT de manière en faire un meilleur partenaire des métiers. Trois mois seulement après son entrée en fonction, la réorganisation engagée par Michelle Greene a déjà un impact sur l'IT elle-même - du support des applications à l'analyse des données - et sur l'activité de l'entreprise.
Comment définissez-vous la transformation chez Cardinal Health ?
Michelle Greene. Chez Cardinal Health, la transformation consiste à aller plus vite et à être plus agile pour améliorer l'expérience de nos clients. Par exemple, nous faisons progresser nos capacités numériques pour permettre à nos clients du secteur de la santé de passer, recevoir et suivre leurs commandes plus rapidement et de manière transparente. Si le terme « transformation » que nous utilisons tous, semble très important, dans la réalité, il s'agit simplement de créer un changement. Pour ma part, je vise à simplifier la « transformation » en une stratégie claire pour atteindre un objectif. Aujourd'hui, élaborer des solutions numériques et métiers pour les activités de l'entreprise et pour nos clients est la clé de notre stratégie. Pour améliorer nos produits et services en interne et en externe, nous tirons parti de la puissance des données et de l'analytique, de l'intelligence artificielle, de l'automatisation, et plus encore. Mais, pour réussir, nous devons être partenaires de nos directions métiers et les guider tout au long de leur parcours technologique. Trop souvent, pendant ma carrière de direction IT j'ai eu l'impression que nous faisions des choses pour les métiers, au lieu de travailler en partenariat avec eux.
Comment s'assurer que l'IT est un partenaire solide des métiers ?
Dans notre nouveau modèle, nos responsables technologiques sont chargés d'établir un partenariat avec notre division pharmaceutique, notre division médicale et nos fonctions corporate. Auparavant, les organisations technologiques de chaque division fonctionnaient de manière généralement distincte. Le travail se faisait en vase clos, et chacun était focalisé sur son propre environnement. Je veux proposer une autre façon de travailler et inciter nos équipes à travailler ensemble, en simplifiant notre structure afin de fonctionner comme une seule organisation et créer des expériences transparentes et cohérentes.
Quelles sont les qualités que vous recherchez pour remplir ces rôles de partenaires ?
Je cherche des personnes tournées vers l'avenir, avec une grande capacité à collaborer, tant avec leurs partenaires métiers qu'avec l'ensemble de l'organisation technologique. J'ai besoin de personnes capables de comprendre un problème et d'orienter nos équipes technologiques dans la bonne direction. Leur tâche n'est pas de résoudre les problèmes elles-mêmes, mais de définir la stratégie, de faire adhérer la bonne équipe et de nous aider à nous concentrer sur la simplification. Cependant, pour que les rôles de partenaires métiers de l'IT soient efficaces, nous devons centraliser les capacités fondamentales de l'entreprise. Par exemple, jusqu'à présent, nos équipes SAP étaient réparties dans toute l'entreprise et en général, elles travaillaient séparément les unes des autres, sauf en cas de problème commun. Dans notre nouveau modèle, nous avons créé un centre d'excellence (Center of Excellence, CoE) SAP qui sert toutes les parties de l'entreprise tout en créant des opportunités pour le partage des meilleures pratiques, l'apprentissage, le cheminement de carrière, une meilleure planification et un meilleur déploiement des ressources. Cette approche permettra de simplifier les processus, d'éviter les gaspillages et d'assurer la réussite de l'entreprise.
Quel sera votre plus grand défi pour passer à une structure CoE ?
Le plus grand défi, c'est que les métiers sont habitués à avoir des ressources SAP dédiées pour répondre à leurs besoins. Mais la plupart des personnes qui occupent des fonctions de gestion des applications apprécient le modèle CoE car elles sont exposées à l'ensemble de l'entreprise, et pas seulement à leur silo. Le plus important est de faire comprendre à nos partenaires métiers qu'ils ne perdent pas de ressources, mais qu'ils en gagnent.
Quel modèle opérationnel proposez-vous pour les données et l'analytique ?
Comme pour SAP et d'autres domaines technologiques fonctionnels, le modèle optimal pour les données et l'analytique consiste à rassembler toutes ces ressources. J'ai travaillé dans différentes entreprises avec des modèles différents, et à chaque fois, je constate que les experts en données et en analyse apprécient d'être regroupés. Ils aiment la concentration et l'énergie que peut générer une équipe unique, et leur capacité à résoudre les problèmes ensemble. Quand les données sont regroupées au sein d'un même groupe, vous n'avez pas à vous demander qui travaille sur quoi. L'équipe apprécie d'être habilitée à prendre ces décisions et nos partenaires métiers apprécient de savoir clairement avec qui ou quelle équipe ils doivent s'associer pour résoudre un problème.
Quelle est la culture cible de votre organisation IT ?
Elle est très simple : « Nous sommes tous dans le même bateau et nous devons nous soutenir mutuellement ». Cela peut paraître élémentaire, mais la technologie est un travail sous haute pression et, comme tout le monde, nous nous adaptons encore au fait que certaines personnes travaillent à distance et d'autres non. Nous devons adopter un état d'esprit d'entraide et nous rappeler que notre travail est pour le bien de tous. J'essaie d'avoir ce comportement dans mes propres interactions, en veillant à être visible et à passer du temps avec les personnes qui relèvent de mon équipe de direction. Je fais participer des personnes de différentes équipes à diverses conversations. Certaines personnes sont arrivées depuis longtemps chez Cardinal Health, si bien que parfois, je peux supposer que tout le monde se connaît. Mais ce n'est pas vrai. Et s'ils ne se connaissent pas, il est plus difficile de construire une culture basée sur l'idée que « nous sommes tous dans le même bateau ». Beaucoup de mes managers emmènent leurs équipes faire des activités au service de la communauté. J'aimerais mélanger les choses et impliquer des personnes de différentes équipes dans une activité de service communautaire. J'espère trouver des manières de créer plus d'engagement et de collaboration dans toute l'entreprise.
Cardinal Health, dont vous êtes la DSI depuis trois mois seulement, est une entreprise de 181 milliards de dollars et compte 46 500 employés. Quels conseils donneriez-vous aux nouveaux DSI pour qu'ils puissent gérer leurs 100 premiers jours au sein d'une entreprise aussi importante et engagée dans autant de changements ?
Le premier conseil est de ne pas oublier de respirer. Pendant mes cinq premières semaines à ce poste, des changements ont été annoncés presque chaque semaine : un nouveau CEO, de nouveaux membres du conseil d'administration, de nouveaux membres du comité exécutif et le départ à la retraite de certains membres de mon équipe. Cela peut faire beaucoup. Je trouve que le fait de me réserver quelques moments de calme le matin et en fin de journée pour écrire tout ce qui me passe par la tête m'aide à savoir exactement comment et sur quoi avancer. Pendant cette période, c'est souvent un jour à la fois. Il faut également veiller à ne pas prendre de gros engagements durant les premiers mois. Une fois que j'aurai bien défini nos priorités et que mon équipe aura mis en place la bonne structure, nous pourrons agir rapidement dans plusieurs domaines clés. Mais un DSI qui ne prend pas le temps d'écouter, de comprendre et de communiquer ses priorités risque de passer les trois premiers mois à éteindre des incendies. Enfin, il faut comprendre que plus son modèle, sa stratégie et ses priorités sont simples, mieux c'est. Il ne s'agit pas toujours de transformation. Parfois, on ne fait que conduire le changement vers une structure dans laquelle la technologie et l'entreprise sont plus intégrées.
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