« La révolution numérique est bien présente dans la réforme de l'Etat, autant au travers de choses aujourd'hui basiques comme la dématérialisation, qu'au travers d'une ambition stratégique traduite dans l'Etat Plate-forme » a martelé Jean-Vincent Placé, Secrétaire d'Etat à la Réforme de l'Etat et à la Simplification Administrative, en introduisant la présentation de API.gouv.fr. Ce portail a été officiellement inauguré le 21 juin 2016 par le secrétaire d'Etat et Henri Verdier, directeur de la DINSIC (Direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication). Il vise à rassembler les différentes API proposées par l'Etat, par les collectivités locales ou par les établissements publics, permettant de créer des services en se connectant aux différents systèmes de ces organisations dans la logique de l'Etat Plateforme.
Dans le cadre d'une volonté d'expérimentation, avec droit à l'erreur revendiqué, il s'agit de créer « une interface entre ceux qui ont des données et ceux qui viennent se connecter pour offrir des services à nos concitoyens » comme l'a spécifié Jean-Vincent Placé. A l'ouverture officielle du portail, 10 API (dont deux proposées par la Rennes Métropole) sont proposées permettant 13 services.
Une démarche d'ouverture contrôlée
Cela dit, contrairement à la logique d'Open-Data où les données sont ouvertes à qui en veut, API.gouv.fr nécessite de montrer pattes blanches tant côté fournisseurs d'API qu'utilisateurs de ces API. Après tout, il s'agit d'interagir avec le système d'information de l'Etat et on ne peut pas accepter n'importe quoi n'importe comment. Jean-Vincent Placé a d'ailleurs rappelé que, en dehors des cas prévus par la Loi, les transferts de données personnelles entre administrations se font toujours avec l'accord des personnes concernées.
« Le site a vocation à lister toutes les API des administrations et services publics, permettant ainsi aux producteurs d'API de référencer aisément les leurs en définissant explicitement les conditions d'usage, et permettant aussi aux consommateurs d'API de trouver simplement celle(s) qui les intéresse(nt) ainsi que de mettre en avant les services qu'ils ont fabriqués » a résumé Henri Verdier. Les API ne seront cependant publiées qu'après modération par la DINSIC. Le modérateur veillera à ce que chaque API soit présentée au travers d'une description fonctionnelle, d'une description technique et de conditions d'usage. La description précise également le processus d'enrôlement pour obtenir les jetons de connexions. Cette demande peut se faire au travers d'un formulaire avec processus automatique ou bien par échange de mails. Dans les deux cas, des justificatifs (autorisations CNIL, agréments...) ou des explications peuvent être demandées avant d'accorder un jeton de connexion. Le fait que les conditions soient définies a priori permet d'éviter de passer du temps à chaque demande pour la valider. Il suffit de vérifier la conformité de la demande à la politique fixée. Parmi les attentes qualitatives, la DINSIC exige qu'un prototype puisse être conçu (au moins sur des données de test) en deux heures. Le secrétaire d'Etat a ainsi insisté : « notre démarche n'est pas de dire « nous sommes l'Etat, voici ce que nous proposons » mais bien celle des partenariats et de la démocratie ouverte. »
Un intérêt bien compris
Henri Verdier a rappelé : « l'objectif est bien que tout le système d'information d'Etat soit accessible via API ». Les consommateurs de services peuvent très bien être -et seront d'ailleurs en premier lieu- des administrations. Par exemple, avec la future API de récupération du revenu fiscal auprès de la DGFiP (Direction Générale des Finances Publiques), les administrations n'auront plus à demander leur revenu aux usagers : elles le récupéreront directement et sans fraude possible (sauf fraude fiscale) à partir de Novembre 2016. L'obtention d'une carte de stationnement résidentiel à Paris, Lyon et Marseille s'appuiera sur ce service via la vérification du domicile fiscal. Même si la DINSIC et le gouvernement incitent fortement toutes les administrations à adopter cette logique, il n'y aura pas d'obligation. Mais, d'une part, chacun sait que la carrière d'un patron d'administration dépend de sa capacité à mettre en oeuvre une politique facultative. D'autre part, il peut y avoir un véritable retour sur investissement appréciable en cette période de disette budgétaire : mettre une API à disposition, c'est éviter de devoir réserver des agents humains pour traiter des demandes automatisables.
Un fil rouge : l'Etat Plate-forme
Henri Verdier a rappelé la logique qui sous-tend Api.gouv.fr. « Les 18000 informaticiens de l'Etat se consacrent bien sûr aux grands projets mais, depuis deux ans, il y a un fil rouge » a rappelé le directeur de la DINSIC. Ce fil rouge, c'est bien l'Etat Plate-forme. Il s'agit ainsi d'ouvrir des ressources activables, d'ouvrir à des opérateurs de service et de stimuler les réalisations.
Il a mentionné un bon exemple : celui de Pôle Emploi. 230 applications ont été développées à partir des API et des données ouvertes par l'administration. Ces 230 applications issues de la communauté aident les chômeurs au quotidien. Par ailleurs, l'API Entreprise, conçue initialement pour faciliter les postulations aux marchés publics, a permis le développement de 70 services à partir de l'identité des entreprises... La base adresse et les données de Pôle Emploi permettent de réaliser de l'analyse prédictive des recrutements à venir par zones géographiques. Et Henri Verdier est également Administrateur Général des Données, c'est à dire Chief Data Officer de l'Etat. Il a été saisi une cinquantaine de fois à ce jour pour arbitrer entre administrations au sujet des données échangées.
La dématérialisation s'appuiera de plus en plus sur les API
Une plate-forme très expérimentale baptisée TPS (Téléprocédures Simplifiées) vise d'ailleurs, à terme, à faciliter la création de procédures dématérialisées en accompagnant le développeur. Celui-ci est en fait invité à réfléchir en fonction des données dont il a besoin, de voir où il pourrait les récupérer sans les demander à l'usager et ne se retourner vers celui-ci qu'en cas d'extrême nécessité. La dématérialisation est évidemment un champ considérable d'application pour les API. « Tout le monde s'y met... plus ou moins vite » a admis Jean-Vincent Placé. Passeport, carte d'identité, carte grise : l'obtention de ces différents documents se fait de plus en plus via des téléprocédures. La CAF, la CNAM et ERDF s'y mettent aussi. Et ces téléprocédures vérifieront d'elles-mêmes les informations dont elles ont besoin dans le système d'information de l'Etat.
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